
Les salauds de l’Europe
« Ne nous dissimulons pas, l’idée de l’unité européenne est d’abord une conception d’homme raisonnable, ce n’est pas d’abord un sentiment populaire ». Soixante ans après le Traité de Rome, cette analyse de Raymond Aron garde toute sa pertinence.
Dans « Les salauds de l’Europe » (Calmann Lévy), Jean Quatremer, talentueux chroniqueur européen pour Libération, s’attelle à déconstruire quelques accusations, souvent populistes, pour démontrer aux Fouquier-Tinville de l’UE que l’Europe n’est pas un monstre froid impersonnel et rappelle justement que les responsables de nombreux dysfonctionnements européens sont souvent à aller chercher au niveau de chaque Etat !
Loin d’être un euro-béat, Quatremer reconnaît que l’UE peut mieux faire, qu’elle est trop naïve avec ses concurrents (« une véritable religion libre-échangiste qui confine souvent au fanatisme »), et trop molle face aux gouvernements nationaux (l’ex-président du Conseil européen Herman Von Rompuy et son successeur Donald Tusk y sont qualifiés « d’aimables notaires de province surpayés »).
Manque de leadership politique, conflits d’intérêts inacceptables de certains hiérarques (cf. Barroso), libéralisme bureaucratique et pinailleur qui bride les initiatives de terrain alors qu’on peine à construire de grandes politiques communes… tout y passe.
Les critiques ne manquent pas contre cette Europe bureaucratique, que l’on qualifie parfois d’« UERSS » pour mieux la disqualifier. Certaines sont fondées, beaucoup sont exagérées, nombreuses sont celles qui sont manipulées par des responsables politiques nationaux avides de proposer un exutoire aux colères populaires…
Aujourd’hui, partout les populismes montent, et l’Europe (l’euro) sert de bouc-émissaire commode. Le péril est grand pour la survie du projet européen, qu’il se nomme Union, fédération ou confédération.
La France vient d’échapper à la tentation populiste et xénophobe, mais pour combien de temps encore ?
Redonner confiance au peuple français dans le destin européen. Ce sera l’un des mandats les plus impératifs du nouveau Président de la République, Emmanuel Macron. Sinon, l’Hymne à la Joie se bornera à n’être qu’un générique de montée des marches pour fin de soirée électorale.
3 Commentaires
Même un européiste comme Juppé s'est servi de l'argument pour faire passer sa réforme des retraites. Erreur stratégique majeure, qui a lancé une mode : tout le monde dans la rue contre le diktat de Bruxelles, cheval de Troie du néo-libéralisme. Alors que sa réforme était avant tout portée par des considérations de justice sociale : l'égalité de tous devant la retraite, au-delà des statuts et corporatismes ! Exemple édifiant : être responsable (politique), c'est choisir et assumer. Pas dire "c'est pas ma faute".
Allez, on assume, on montre que la vie en société c'est bien mieux avec et dans l'Europe que sans, on donne envie bon sang ! Gros défi pour nos élites habituées à dire "on sait, cherchez pas à comprendre, laissez-nous faire". Mais si elles y arrivent, on aura vraiment changé de modèle et de fonctionnement démocratique, alors le jeu en vaut la chandelle !
On observe depuis quelques années en Europe un regain de forces nationalistes-conservatrices, national-populistes ou nationalistes et populistes. Si le populisme et le nationalisme ont en commun – la défense de la souveraineté contre les effets de la mondialisation, la défense du « peuple » contre les élites, le rejet du multiculturalisme et de l’universalisme…