Considérations sur la guerre des prix en Pologne

A l'heure où le gouvernement polonais fait un bras d'honneur aux Français en lui fermant le marché du renouvellement de sa flotte d'hélicoptères militaires, il était intéressant de prendre le pouls d'une région longtemps meurtrie des suites de la destruction de son tissu industriel, et aujourd'hui très portée par la croissance de ses avionneurs et sous-traitants de l'aéronautique.

J'y ai rencontré des dirigeants et une population fiers d'avoir vaincu le chômage (2 à 3%) au point d'avoir besoin désormais de la main d'œuvre ukrainienne. Et des consommateurs locaux avides de pouvoir accéder aux marques, symboles de la société de consommation occidentale.

De fait, l'ouverture de ce centre commercial (tiré par l'enseigne Leclerc, mais aussi H&M, KFC et autres enseignes  multimédia) a suscité un grand engouement populaire. C'est toujours un étonnement de voir cette foule qui s'agglutine en attente de l'ouverture d'un magasin, alors que la Pologne compte des centaines d'hypermarchés.

A cette occasion, j'avais surtout envie de revoir la quarantaine d'adhérents Leclerc de Pologne.

Voilà une petite communauté, dont j'avais eu le plaisir de recruter les premiers pionniers, à l'heure où la distribution polonaise n'en était qu'à ses balbutiements. Aujourd'hui, il y a une deuxième génération, venue du recrutement de jeunes cadres issus l'enseigne Billa, qui fut reprise par Leclerc polonais il y a quelques années.

Jean-Philippe Magré, qui anime la coopérative en Pologne, fut mon ancien collaborateur à Paris. Il est désormais exploitant d'un très beau Leclerc à Varsovie. Il  ne cachait pas sa joie en me présentant ses nouvelles recrues… et tous ses projets.

Son analyse du marché polonais et de la concurrence qui s'y joue a retenu toute mon attention.  

En effet, à en croire les industriels français, la France occuperait une place à part dans le processus occidental de déflation et c'est en bon bouc émissaire qu'on désigne la distribution (et au premier chef Leclerc), comme fauteur d'une "guerre des prix" particulièrement saignante.

En Pologne aussi, les distributeurs sont au taquet. La bataille des prix fait rage. Ce n'est pas Géant qui qui a ouvert les hostilités avec Leclerc, mais Real, depuis son rachat par Auchan. Intermarché a l'air comme paralysé, Alma a complètement décroché, Simply donne l'impression de se désengager, tandis que Kaufland relève le défi, Carrefour – malgré des fermetures – réattaque (mais en promo)… et les HD prolifèrent et mènent la même mutation qu'en France.

En face, E.Leclerc reste bien droit sur le podium des prix les plus bas. Ce petit groupe d'adhérents ne roule pas sur l'or, mais maîtrise sa croissance et étoffe son offre.  Et vu la qualité du magasin de Mielec, il commence à sacrément maîtriser le non-alimentaire.

Tout ça pour dire qu'en Pologne, la "guerre des prix" est bien la même qu'en France, qu'en Angleterre et qu'en Allemagne, comme le confirmait encore récemment dans Les Echos, Alain Caparros, le PDG de Rewe. Sans que paradoxalement les industriels n'alimentent le même psychodrame qu'en France.

La morale de ces observations, c'est que gros (en France) ou petits (en Pologne), les E.Leclerc font le job sur les prix, avec cette différence ici qu'avec son poids relatif sur le marché polonais, il n'y aura personne pour faire d'E.Leclerc le commode bouc émissaire de la déflation !

Bravo en tous les cas à nos collègues polonais qui ont su sauver ce projet commercial de Mielec (échec du promoteur précédent) et faire ce beau magasin que vous pouvez découvrir avec ces quelques photos.