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Réforme de l’Etat : Pour sauver la démocratie, le Conseil Constitutionnel veut refaire les Tables de la Loi

img_blog_040106_tables_loi.jpg Eglise de Brenac (Aveyron): représentation des tables de la loi, soutenues par des animaux mythiques (16ème siècle) « Nul n’est censé ignorer la loi » : l’adage a fait faillite. Rien de plus faux en effet : qui peut, au sortir même de l’université ou des meilleures écoles, prétendre connaître la loi aujourd’hui (sauf les juristes, bien sûr) ? La montagne législative a accouché d’un tel empilement de textes aux arcanes les plus complexes…que même les Sages du Conseil Constitutionnel ont décidé de se rebeller. Il faut lire les judicieuses mises en garde de Pierre Mazeaud (tonique, un brin provoc, rafraîchissant !). PM est un vieux gaulliste, gardien de l’orthodoxie, souvent à contre-courant des modes. Ancien sportif, ancien ministre, il n’a jamais mâché ses mots. Il a toujours su dire leurs quatre vérités à ses amis politiques, aux différents Présidents de la République, parfois au risque d’être accusé de jouer les barbons. Les jeunes Français n’auront probablement jamais entendu parler de lui. Il est vrai qu’il cultive volontiers cet air austère qui le fait ressembler à l’un de ces portraits de Zurbaran, le peintre espagnol. Ses interventions ne sont jamais très sexy (tout le contraire de la tentation jeuniste de ses propres collègues) ! On voit peu ce grand serviteur de l’Etat dans les médias. Mais Dieu sait qu’il a gratté du papier dans les Commissions parlementaires et rectifié bien des projets de loi, des amendements, et des thèses trop hâtivement proposés par ses coreligionnaires. Eh bien, avec ses collègues du Conseil Constitutionnel, il vient peut-être d’engager la première opération de sauvetage de notre démocratie (mais oui !). Le constat De la complexité, dit le Conseil, naît l’indifférence, puis le rejet. 1) En 1991 déjà, le Conseil d’Etat avait dénoncé une loi « trop bavarde ». Un signal qui s’était perdu dans la brume. Dans une décision du 29 décembre dernier, le Conseil Constitutionnel a finalement fait écho. Il a renvoyé le Parlement dans ses cordes (une affaire concernant la législation fiscale) en dénonçant la contre-productivité d’un texte qui a « atteint un niveau de complexité » ne permettant pas aux citoyens d’adhérer « à la nécessité de la contribution publique ». 2) Hier, bis repetita, lors de la traditionnelle séance des vœux, PM n’a pas hésité à dénoncer « la dégénérescence de la loi en instrument de la politique spectacle ». « La griserie de l’annonce l’emporte bien souvent sur les contraintes austères de l’arbitrage et de la prévision ». Il a fustigé la tentation des pouvoirs publics à se déterminer « en fonction des sondages d’opinion » et rappelé que pour être appliquée, la loi ne devait pas être instrumentalisée au profit d’intérêts particuliers, mais prise dans l’intérêt général. Traduction Si vous voulez que les citoyens respectent l’Etat et la démocratie, faites en sorte (pouvoirs publics et parlementaires) que nos concitoyens comprennent de quoi vous parlez et adhèrent à l’objectif de la loi. Ce que L.M. Horeau exprime fort pédagogiquement dans Le Canard Enchaîné, ce matin : « Les centaines de kilos de règles qui régissent la politique agricole doivent être comprises par les paysans. Le code de la sécurité sociale doit être lumineux pour les malades. Les subtilités de la TVA évidentes pour les artisans… » etc… Marche à suivre Le message sera-t-il suivi d’effets ? Pas sûr, répondront les éternels cyniques… Et ils auront raison de rappeler que depuis une disposition législative déjà vieille de plus de 15 ans (gouvernement Rocard), les parlementaires doivent, avant toute nouvelle loi, produire l’étude d’impact de la précédente. Chantier ouvert, toujours en friche. Les citoyens, comme les entreprises, pourraient bien à leur tour monter dans le train de la contestation. Je ne parle pas seulement de toutes ces ligues d’usagers, tels les contribuables qui mènent depuis plusieurs années une guérilla au fisc (comme notre ami, le dessinateur Piem). Mais l’insécurité juridique née de la complexité du droit devient l’un des thèmes les plus évoqués dans les prétoires. Et les juges y sont de plus en plus sensibles (j’en parle d’expérience, avec la pratique hyper complexe de la loi Galland). Sous la pression de groupes professionnels, directement affectés par les dérives législatives de leur secteur, des députés ont proposé que le Conseil Constitutionnel puisse garder un œil sur le contrôle « aval » de la promulgation de la loi (le Conseil ne peut toujours pas s’auto-saisir). Pour ma part, j’insisterais pour qu’on élargisse les possibilités de saisine du Conseil Constitutionnel au simple citoyen. Pourquoi donc réserver ce droit à un seul collège de sénateurs et de parlementaires (on connaît les limites partisanes de leur droit d’initiative) ? Et quand donc lèvera-t-on cette contradiction : depuis Giscard, un citoyen français peut saisir la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour statuer sur la non-conventionnalité d’une loi, mais on lui interdit toujours de saisir le Conseil Constitutionnel ! ! ! Mais le contrôle de la constitutionnalité des lois n’est qu’un volet de la reconquête de notre démocratie. C’est toute la pédagogie du droit qu’il faut revoir, depuis le travail en Commission parlementaire jusqu’au cours d’instruction civique à l’école. Ce qui nous ramène à l’actualité de ce début 2006 et à son handicap : l’absence d’un projet politique fédérateur qui amènerait les Français à s’intéresser à une chose devenue aussi rébarbative alors qu’elle modèle notre vie quotidienne…

15 Commentaires

Bonjour,
A qui le dites vous :)
Cordialement
Bonjour MEL,
vous annoncez l'ouverture de 295 concepts spécialisés pour 2006. Il doit surement y avoir les 10 magasins d'optique prévus pour 2006.
Pour ouvrir si rapidement des magasins d'optique avec succès, il faut maîtriser la technique de vente dite "au forfait".
je me propose de mettre à votre service mon expèrience de 11 années dans ce domaine, étant moi-même opticien diplômé.
Pour en diecuter, vous pouvez me joindre sur mon email.
Je vous ai envoyé avant les fêtes mon CV à l'adresse que vous indiquiez dans un de vos précedents messages.
Je suis donc à votre disposition pour en discuter.
L'opticien.
Bonjour MEL,
j'espere vous avoir à l'usure...
Savez vous si Glénat et Arte comptent prolonger le supplice des concurents du concours BD ou si une date a été fixée?
Merci d'avance
Mathilde
Cher MEL,
- cette critique sur l'activité législative sous la 5eme République est-elle un pas vers la demande d'une 6eme République?
Comment la 5eme République peut-elle s'autoréformer sur ce sujet comme sur d'autres : la course au trone présidentielle, la faiblesse du controle parlementaire, ...
- y a t-il une tentation politique pour MEL en France avec dans le caddie (facile) l'ébauche d'un "projet fédérateur" ?
- Dans la société française, ce qui serait fédérateur c'est la formulation d'un constat (Sarko le fait assez bien), d'un objectif stratégique et le souci de l'équité pour l'atteindre.
- Y a t'il eu l'histoire de France, un grand commerçant sur le devant de la scène politique ? Je n'en identifie pas. En 2007 l'image de distributeur attentif au pouvoir d'achat est un atout sérieux pour basculer dans l'arène.
Bonne année
PP
Bonjour!
Ah, ça fait du bien de trouver quelqu'un qui positive!!! Un rayon de soleil qui déchire la grisaille du ciel... :-))
Ca me rappelle l'un des proverbes que l'on me disait souvent pendant mon enfance: "Aide-toi et le ciel t'aidera"...
Ceci dit, puisque vous semblez "bouillir d'impatience" face à la morosité ambiante (et savamment entretenue par les médias, qui s'en nourrissent), n'avez-vous pas, comme le supposait (?) l'intervenant précédent, la "tentation politique?
Continuez à vous battre et Bonne Année!
Réponse à tous (05-06/01/2006)
Oui, Andrée, j’essaie de positiver. Et je bous d’impatience.
Je vous réponds, comme à Pascal Perez : le débat politique me passionne. D’abord, parce qu’il me semble que tout individu dans une société doit pouvoir se reconnaître dans un projet collectif. Sous les « Trente glorieuses », les Français aspiraient à accéder à la propriété, évoluer dans leur carrière, profiter de la société de consommation et vivre dans un pays leader (sur le plan culturel, bien sûr, mais sur le plan politique aussi). Tel n’est pas le cas aujourd’hui. Tout simplement, parce qu’il existe peu de projets (sur le long terme) susceptibles d’entraîner l’adhésion des Français dans des domaines où pourtant ils manifestent un intérêt ou des préoccupations (la santé, l’éducation, la solidarité internationale).
A mon niveau, et compte tenu d’une certaine notoriété, je souhaite et essaye d’alimenter le débat. Je n’ai d’autre légitimité que celle de mon expérience (et la réussite du groupe que je dirige). Et je me bats, par divers moyens, pour que ces idées nourrissent le débat public, comme ici sur ce blog ou dans d’autres médias.
La tentation d’être ministre ? Ou d’aller devant les électeurs ? Honnêtement, j’y pense parfois. On m’a sollicité. Mais, sincèrement, et sans cracher dans la soupe, j’arrive toujours à la conclusion que je suis plus efficace là où je suis qu’en mêlant ma voix à l’un de ces nombreux élus qui bossent au Parlement.
Au fond, ce dont je suis convaincu, c’est qu’on manque moins d’idées ou de personnes qualifiées que de tribunes ou d’institutions suffisamment ouvertes pour que puisse s’exprimer une nouvelle « génération » (pas un problème d’âge) issue de nouvelles pratiques sociales.
Tenez, juste cet exemple : reprenez tous les discours et les articles des leaders politiques depuis un mois sur des sujets aussi divers que l’école, l’immigration, la concurrence économique ou l’emploi. Combien de ces discours mentionnent-ils les initiatives et les expériences locales ou régionales qui viendraient crédibiliser et nourrir un projet national.
Je suis sûr que si on réembobinait tous les journaux télévisés nationaux depuis un an, on y apprendrait pratiquement rien sur les dizaines de milliers d’emplois créés dans le secteur des services et des technologies. Et pourtant, ce sont là aussi des réalités. Si l’on veut entraîner notre pays dans l’action, dans l’effort et dans les défis contemporains, il convient d’abord de valoriser ce qui marche.
On ne dirige pas une entreprise en rabrouant les cadres et en ne leur parlant que de ce qui ne marche pas. Alors, un pays, c’est pareil. Permettez-moi donc de paraphraser ce vieux slogan de Carrefour : il faut positiver !
Réponse à chautagnat (05/01/2006)
Désolé, je n’ai pas la réponse. Tout simplement parce qu’il va nous falloir revoter. Lors des discussions entre les membres du jury, il y a eu méprise sur l’attribution de certaines œuvres. Donc Glénat et Arte vont nous re-réunir.
Réponse à l’opticien (05/01/2006)
Je transmets votre proposition à mes collaborateurs en charge du développement de l’optique.
Réponse à M.E.L.
Je vous remercie de votre intérêt et vous tiendrais informer de la suite de ma candidature.
Votre dévoué,
L'opticien
J'aimerais ouvrir un magasin d'optique dans le centre leclerc de ma ville. Comment faire ?
Cher MEL,
Je découvre sur le tard votre très intéressante contribution sur le thème de "la loi bavarde"...
Je partage votre conclusion (et votre jugement sur Pierre Mazeaud) mais je pense que si la norme juridique est de plus en plus complexe, c'est qu'elle est à l’image de la société qui la produit. Il est à cet égard, je pense, illusoire d’en appeler à un grand soir de la simplification du droit, tout comme on peut douter du succès qu’emporterait aujourd’hui un véhicule automobile du type de la Ford Model T (pour poursuivre la métaphore automobile, qui se satisferait de nos jours d’un véhicule capable de transporter deux personnes, 20 kg de pommes de terre et un cochon, mot d’ordre qui présida à la conception de la Citröen 2 CV ?...). La complexité croissante du droit n’est à cet égard que le reflet de l’évolution du monde moderne. Par exemple, la protection de la santé et de la sécurité des individus, de même que les préoccupations écologiques et sociales se traduisent concrètement par des textes qui génèrent des contraintes toujours plus fortes, mais considérées comme étant socialement nécessaires. Que dire de l'évolution du monde de la distribution, que vous connaissez bien : on est très loin de la simple relation d'achat-vente encadrée par le Code civil de 1804. Sur ce point (en particulier s'agissant des lois Galland et Dutreil), je vous accorde que la réaction du législateur est inappropriée et d'une inutile complexité. Il serait d'ailleurs très intéressant de réunir un distributeur et un fournisseur autour de la question : "A partir d'une feuille blanche, inventez ce que pourrait être le droit de la distribution moderne"...
Enfin, pour être tout à fait juste, il faut préciser que la formule "Nul n'est censé ignorer la loi" a toujours été présentée comme une fiction juridique, permettant de ne pas se défausser de l'application de la loi au seul motif qu'on l'ignorait...
Je vous rejoins en définitive sur la nécessité de travailler sur la pédagogie du droit, une pédagogie qui devrait etre partagée par le Parlementaire autant que l'enseignant.
Je vous félicite sincèrement pour vos propres talents pédagogiques, notamment en matière juridique !
Christophe COLLARD, Professeur de droit à l'EDHEC Business School
Réponse à Christophe COLLARD (22/03/06)
Merci pour ces observations et surtout pour vos encouragements. A bientôt donc sur ce blog…
Bonjour à toutes et à tous, bonjour MEL,
je m'associe à mon prédécessseur Christophe COLLARD pour relever une nouvelle fois la qualité de vos propos et de vos interventions !
Sentant mes limites atteintes sur un sujet juridique vaste et complexe, je resterai seulement spectateur. Mais j'aimerais seulement ajouter un point : n'oublions pas qu'au-delà de la complexité du droit français, vient maintenant s'ajouter, de manière de plus en plus évidente, le droit européen.
Celui-ci, espèce de consensus mou obtenu autour d'une table trop grande à mes yeux, vient rendre une lecture nationale déjà complexe ... encore plus confuse, voire brumeuse ... Nos juristes ont donc du pain sur la planche, à n'en pas douter ... !
Quand à vous voir sur la scène politique ... pourquoi pas !? Certains hommes de l'industrie s'y sont essayé. Pourquoi pas vous ?
Christophe
A l'heure des grands discours, je vous conseille:
http://www.presidentielle-2007.net/generateur-de-langue-de-bois.php
Salut,
Justement, y a-t-il volonté politique d'améliorer les choses ? Non. Est-ce sur ce seul problème ? Non. Il y a une redondance, non pas qu'au Conseil Constitutionnel, mais aussi sur le terrain.
Une faille dans le système ? Tout le monde s'engouffre dans la brêche. Alors, il faut ré-encadrer. Oui, mais il y aura toujours un point de fuite, un peu comme dans le cercle parfait. Alors, on va ré-encadrer...
Alors, si vous connaissez l'histoire du cercle parfait et de son point de fuite, vous connaissez la dure réalité du terrain et la nécessité d'encadrer. Je suis convaincue que ça peut aussi arriver au patronnat : une brêche dans le système, un employé profiteur peut vite devenir malhonnête. Vous investissez pour ne plus que ça recommence...???!!!! Vous connaissez la suite ?
Mais alors, voyons, d'où vient l'erreur ? Du système, c'est doute.
Tchao M.E.L.

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