CULTURE Actus - Débats

Bande dessinée : hommage à Giraud-Moebius

© FEP – Jean Bibard

Tous les artistes, toute la presse ont rendu hommage au génial créateur de Blueberry et d’Arzach. Tout a été dit sur  son oeuvre. Olivier Delcroix (Le Figaro, ce matin) et Quentin Girard (Libération, qui lui consacre sa Une) ont trouvé les mots justes pour dire leur admiration. C’est peu dire que Jean Giraud a eu une influence extraordinaire sur les deux dernières générations d’artistes graphistes. Il a produit plus de 80 ouvrages, albums de bande dessinée, romans ou essais illustrés (des westerns, des récits intimistes, des sagas fantastiques…). Il a travaillé sur des scénarios de film (Dune), sur le story-board de Tron pour Disney, sur des jeux vidéo et même sur les costumes d’Alien (Ridley Scott). Je l’écoutais lors de la retransmission d’une interview réalisée pour l’exposition que lui a consacrée la Fondation Cartier : oui, il a révolutionné le monde de la bande dessinée, avec Philippe Druillet, et aussi avec Bilal, en la faisant passer à l’âge adulte, en multipliant tous ses domaines d’expression, en la faisant rentrer dans le monde de l’Art avec un grand « A ». A vrai dire, il restera au biographe à dire l’étendue de son influence tant auprès des dessinateurs américains (des auteurs de romans graphiques aux studios de cinéma) qu’auprès des mangakas japonais qui le regardaient presque comme un dieu. (Lors de l’exposition « Miyazaki-Moebius » à la Monnaie de Paris, l’auteur du « Château ambulant » nous rappelait que si l’histoire des mangas précédait celle de Moebius, la publication d’Arzach et de L’Incal eut l’impact d’une météorite au Japon).

© FEP – Jean Bibard

Si je devais ajouter quelques mots, c’est de l’homme dont j’aimerais parler. Je l’ai rencontré souvent à Angoulême (E. Leclerc a sponsorisé pendant 17 ans le festival). J’ai eu l’occasion de publier une première interview réalisée avec lui le 17 octobre 2001. Et depuis, nous nous voyions, avec Isabelle, son épouse, et Claire, sa belle-sœur, à l’occasion de diverses inaugurations. Et comme il aimait la vie, il nous honorait de sa présence lors de rencontres que plusieurs fois par an, j’ai organisées autour de jeunes auteurs de la bande dessinée. Homme généreux, homme d’écoute, il s’asseyait à une table, s’insérait dans un groupe, et indifférent aux statuts sociaux, il savait donner du temps, des marques d’intérêt à de jeunes pousses qui n’auraient jamais pu rêver de bénéficier d’une telle opportunité. De ces discussions, j’ai retenu la richesse de pensée, la densité, des qualités qu’on ne reconnaît pas toujours aux auteurs de bande dessinée. Je vous livre : « Le mal, l’erreur sont le signal de la liberté de l’être humain. Les animaux ne font pas d’erreur, par exemple. Ils sont pris dans des écosystèmes très rigoureux. La sanction est la mort. La mort d’un animal n’est pas quelque chose de triste. Une antilope qui va être dévorée rend une certaine grâce. Tant qu’elle peut s’échapper, elle va se battre, mais dès que les chances s’inversent, elle se donne à la mort. Sa mort est la vie de l’autre. A ce niveau-là, le jeu du bourreau et de la victime est un jeu de vie et de mort où chacun des antagonistes prend et défend une position. On a tendance à se mettre toujours du côté de la victime, mais si on choisit la victime, on y lie forcément le bourreau, aussi. » La maladie a emporté le corps de Jean. Voilà  Giraud télé-transporté sur l’immense anneau de Moëbius dont on sait qu’il n’a ni commencement, ni fin. Manière de dire qu’il ne nous est pas perdu à jamais, tant son œuvre de fiction imprègne désormais notre vécu.

6 Commentaires

Salut Mel!

Voilà un portrait qui me touche. Si Moëbius sait dessiner, vous savez écrire.
L' artiste ne meurt jamais car il n'a jamais voulu vivre mais rêver les yeux ouverts. Il crée un monde parallèle avec l'espoir de nous y faire entrer de temps en temps. Pour arriver à cela il ne le quitte jamais ou le moins possible et il sublime ses acquis à force de recherche, de travail et d'inspiration pour toujours nous donner plus.
Très beau texte, sobre et clair.
Vous lui rendez un bel hommage Michel-Edouard et c'est un grand privilège que vous avez eu de l'avoir connu.

Bien à vous

amicalement

Antoine Laurain.
Bel hommage ai-je envie de dire. Mais un hommage peut-il être beau ? Un hommage ne peut qu'être triste. Surtout quand il s'agit d'un hommage adressé à un tel Artiste. Car avec la disparition de Jean Giraud ce n'est pas seulement le monde de la bande dessinée qui est en deuil mais bien tout le monde Artistique. Alors salut l'Artiste. On te rejoindra vite...
Salut Mel!

Voilà un portrait qui me touche. Si Moëbius sait dessiner, vous savez écrire.
L' artiste ne meurt jamais car il n'a jamais voulu vivre mais rêver les yeux ouverts. Il crée un monde parallèle avec l'espoir de nous y faire entrer de temps en temps. Pour arriver à cela il ne le quitte jamais ou le moins possible et il sublime ses acquis à force de recherche, de travail et d'inspiration pour toujours nous donner plus.
Très beau texte, sobre et clair.
Vous lui rendez un bel hommage Michel-Edouard et c'est un grand privilège que vous avez eu de l'avoir connu.

Bien à vous

amicalement

Antoine Laurain.
Bel hommage ai-je envie de dire. Mais un hommage peut-il être beau ? Un hommage ne peut qu'être triste. Surtout quand il s'agit d'un hommage adressé à un tel Artiste. Car avec la disparition de Jean Giraud ce n'est pas seulement le monde de la bande dessinée qui est en deuil mais bien tout le monde Artistique. Alors salut l'Artiste. On te rejoindra vite...

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