CULTURE Actus - Débats

Le livre numérique, la TVA et l’avenir des libraires

La Cour de justice européenne a tranché. La France ne pourra plus appliquer le taux réduit de TVA (5,5 %) sur la vente de livres numériques.

On s’y attendait. La Cour étant saisie sur une question de droit, elle ne pouvait déroger à sa jurisprudence pour laquelle le support de diffusion ne saurait être considéré comme un bien culturel en lui-même, et encore moins un bien de première nécessité.

Je partage la consternation des éditeurs et de tous les professionnels qui savent combien l’avenir est au numérique et à la révolution digitale. Il n’empêche, que d’hypocrisie entend-on aujourd’hui !

Que n’a-t-on su, que n’a-t-on voulu dépasser la question juridique pour défendre une position politique plus forte. Ah ça oui, la France est bavarde quand il s’agit de défendre « l’exception culturelle » dans les traités européens. Mais dans les faits, quoi qu’on nous dise de l’action du gouvernement à Bruxelles, si l’on en est arrivé là, à la focalisation sur une question purement juridique, c’est bien par défaut d’un investissement politique sur le primat des enjeux culturels.

N’importe quel juriste spécialisé dans les affaires européennes sait que la TVA est devenue un impôt européen, que la liste des taux réduits est explicite et s’appuie sur des dérogations strictes. Qui ne se rappelle pas du débat sur la promesse chiraquienne de taux réduit dans la restauration, et la réaction à l’époque des députés qui n’y voyaient qu’un cadeau à la corporation.

Le film qu’on nous joue est hypocrite et les libraires ont toute raison d’en rester perplexes.

En attendant, les conséquences sur le marché français sont pourtant évidentes. Soit les éditeurs et les diffuseurs « vont prendre sur leur marge » pour éviter une hausse du prix du numérique. Soit le développement du livre numérique encore embryonnaire (5,5 % des ventes) en pâtira. A court terme, la réponse à cette question dépendra du choix des opérateurs privés sur le marché. Les ministres pourront commenter, les pouvoirs publics seront réduits à jouer au Ponce Pilate. Mais pas pour longtemps, je pense !

Car les pouvoirs publics devront, pour être crédibles dans cette affaire, trancher entre le soutien au livre numérique et celui antérieurement accordé au réseau des libraires physiques.

Si l’avenir du livre est numérique, le numérique ne fait pas l’avenir des libraires ! Demandez-le aux anciens disquaires !!!

Depuis 30 ans, on a justifié la loi sur le prix unique du livre (loi Lang) par le souci de donner exceptionnellement la priorité  au réseau des libraires. Il s’agissait, dans l’idée de Jack Lang, reprise dans les 110 propositions de François Mitterrand, d’empêcher les grandes surfaces ou même la Fnac de brader « les livres faciles » (best-sellers, dictionnaires, etc.) en donnant aux éditeurs le pouvoir (et l’obligation) d’afficher un prix public imposé à tous les consommateurs, avec une limitation de rabais à 5 % ! Et encore, avec interdiction d’en afficher le principe en dehors du lieu de vente. Pas de publicité grand public sur les rabais.

Et c’est en conséquence de ce traitement exceptionnel, dérogatoire au droit commun de la concurrence, que pour en compenser les effets inflationnistes sur les consommateurs, on avait passé le taux de TVA sur les livres en taux réduit. Si je ne me trompe pas, l’un allait avec l’autre.

Et donc, vous me voyez arriver avec mes gros sabots…

Si l’avenir est au livre numérique, qu’il faut en booster l’offre, et laisser ainsi maintenir un écart de prix à la baisse par rapport au livre physique, comment continue-t-on à protéger les libraires ?

Comment prétend-on les protéger de la concurrence de l’offre numérique si elle doit être commercialisée 20 à 30 % moins cher ? Que devient la rémunération de leur expertise, de leur spécialisation, de leur dévouement (je reprends les qualificatifs des rapports officiels), face à ces nouvelles grandes surfaces du web ?

Moi je défends la lecture, j’utilise le multimédia, mais j’aime le livre papier et les libraires.

J’ose dire, au risque de déclencher des polémiques et d’en devenir encore une fois le bouc émissaire ; les pouvoirs publics et les professionnels de l’édition vont devoir redevenir cohérents dans leurs revendications. Si depuis les années 1980, les libraires méritaient la paix des grandes surfaces, que ne méritent-ils aujourd’hui celle des Amazon.com, des Fnac.com et tout autre opérateur sur Internet ?

Qui fait la réponse ?

 

 

7 Commentaires

C'est le prix de la culture mais aussi celui du prix de l'édition professionnelle et juridique, celle que l'on rencontre et se procure en ESPACE CULTUREL LECLERC, pour les enfants et plus grands les livres scolaires dont les "cahiers de vacances", de belles éditions ! Justement en spécifiant pour le pouvoir d'achat du consommateur et celui du distributeur, cela va aussi avec la qualité de service, le bien-être de la "consommation" et de façon citoyenne la légalité, l'intérêt sociétal, l'intérêt public !
Le distributeur intervient sur la culture il ne peut être neutre, libraire comme GMS, kiosque en aéroport, gare, ville, les marchés et ventes mobiles, ambulantes ... font tous parti à leur envergure et identité au fonctionnement et orientation de l'activité, mais aussi aux réactionnels et comportements collectifs et individuel. Ce n'est pas seulement une question de prix, de pouvoir acheter qui pour certains n'est pas un obstacle, c'est aussi une question aussi essentiel que de se nourrir cela va du bien-être, comme du fonctionnement pratique quotidien et les démonstrations sociologiques comme psychologique le prouve.
Le choix de la taxe c'est aussi ne pas nourrir de n'importe quoi les impôts et taxes manuel du comptabilité et ses effets directs et secondaires et autres ! On ne peut brader les intérêts ni des uns ni des autres et laisser l'avis à chacun dans la concertation constructive du fait que tous n'en sont pas aux mêmes conditions et point.
Et pour ce message en effet ce n'est pas seulement une question de littérature et support d'ouvrages, de textes et autres, c'est bien encore une question de cohérence sociétale dans l'évolution universelle, une affaire de droit, de devoir de développement durable avec ses opposition chronique auquel il faut faire obstruction ! choix politique économique et financier, le machin n'intéresse pas les islandais aussi en rayon ... ! les taxes pour les nuls explique tout !
Bonjour

Bravo et merci pour la qualitée des sujets que vous traitez.
Je pense qu'il est vraiment temps que nos responsables politique travail dans le bon sens et pour notre pays, sans effacer d'un revers de main ou détricoter ce qui était bon pour la FRANCE.Nous n'avançons plus , nous reculons
[...] Le PDG des établissements Leclerc, Michel-Edouard, le répétait dernièrement à ActuaLitté : « Notre pari, c’est que le livre papier a encore une longue strive devant lui [...]. Ce n’est pas exclusive avec la digitalisation, voire la mise en ligne des livres sur Internet, mais notre priorité reste de mettre le livre-objet dans les mains du public. » Avec l’avis de la Cour de probity de l’Union européenne, c’est du pain bénit flow MEL, qui signe une chronique au vitriol. [...]
[...] Le PDG des établissements Leclerc, Michel-Edouard, le répétait dernièrement à ActuaLitté : « Notre pari, c’est que le livre papier a encore une longue vie devant lui […]. Ce n’est pas incompatible avec la digitalisation, voire la mise en ligne des livres sur Internet, mais notre priorité reste de mettre le livre-objet dans les mains du public. » Avec l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne, c’est du pain bénit pour MEL, qui signe une chronique au vitriol. [...]
Juste pour vous signaler que nous avons décidé d'organiser notre prix des prix littéraires et que nous avons mis en compétition votre prix Landerneau.
Bien cordialement

http://thegazeofaparisienne.com/2015/03/19/le-prix-litteraire-de-the-gaze-of-a-parisienne/
Bonjour Monsieur Leclerc,
Éditeur d'un journal touristique sur les régions, j'ai toujours été sensible en tant qu'ancien libraire à la qualité de vos librairies. Des vrais choix de libraires sont proposés, avec un bon équilibre entre les ouvrages de fonds et les nouveautés. Je souhaite pour 2016, développer à travers un partenariat éditorial ce journal que j'ai crée il y a cinq ans.

Ce journal touristique, pour les locaux et local pour les touristes, est un annuel qui paraît début mai et reste en vente dans les kiosques et dans les grandes surfaces, jusqu'à la fin août. Il répertorie et localise grâce à une cartographie décorative, toutes les manifestations - de la plus petite fête de village aux plus grands festivals - qui se déroulent sur un territoire donné. Je souhaite renforcer considérablement son aspect culturel par une importante sélection de livres qui pourrait être faite par vos libraires.
Si vous êtes sensible à cette proposition, accepteriez vous me donner une adresse postale où je pourrais vous envoyer un exemplaire du journal afin d'étudier plus précisément ma proposition qui sera évidement plus détaillée…
Dans l'attente de votre réponse, je vous prie d'agréer, Monsieur, l'expression de mes sentiments distingués
Patrice Grée
Tel : 06 42 93 22 77
Bonjour, merci pour votre proposition. L'adresse postale est le 26 quai Marcel Boyer 94859 Ivry sur Seine Cedex. Bien cordialement. MEL

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