CULTURE Actus - Débats

Les Misérables, d’après Victor Hugo, de Schönberg et Boublil

Lesmiserables2 C’était au Théâtre du Châtelet. Assurément, ce fut du grand spectacle. Il faut dire que les décors étaient magnifiques : tantôt sous forme de dessins d’Hugo, projetés, agrandis, et au final en 3D (astuce qui nous a valu une fuite terrifiante de Jean Valjean dans les égouts de Paris), tantôt d’une machinerie savamment construite, magnifiée par un éclairage des plus beaux effets.  La mise en scène est impressionnante. Beaucoup de plans (trop ?) se succèdent dans la première partie : on passe, toutes les dix minutes, dans un décor différent, du bagne à l’usine, de la sortie du bordel au presbytère, d’une taverne à sa ruelle riveraine. Alors qu’en deuxième mi-temps, les acteurs évoluent devant une gigantesque barricade à laquelle les seconds rôles qui tournent le dos au public, semblent scotchés. Bon, je n’ai pas aimé la musique de Schönberg. C’est du lourd, du grave, une vraie musique de genre, comme dans certains films des années 50. Rien que du prévisible et il faut beaucoup de talent aux chanteurs pour personnaliser un livret qui voudrait nous familiariser avec tant de personnages. De ce fait, on sent tout de suite le parti pris : les partitions intimistes (Valjean et Cosette, Cosette et Marius, Marius et Eponine) sont interprétées avec beaucoup de sensibilité. John Owen-Jones (Valjean) domine son monde autant par le coffre que par la subtilité. Mais la mort de Gavroche, pourtant si bouleversante dans le texte, est traitée en off (parce que cachée par la barricade). Le monologue de Javert (très applaudi !), juste avant son suicide, virait (à mon goût) au tragi-comique. Et la prestation de la pauvre Eponine relevait de la pantomime tant il fallait, pour donner de la voix, s’échapper des bras de Marius, son amour impossible, pour y revenir agoniser entre deux tirades ! Pour qui n’a pas lu le Maître, incontestablement, l’histoire, ici, est magnifiquement racontée, spectaculaire, pathétique. Mais pour celui dont le texte d’Hugo a bouleversé l’adolescence, cette comédie musicale laisse un goût de…produit dérivé. Allez, Mel, ne fais pas ton snob. Un bon péplum, genre « Ben-Hur » ou « Les Dix Commandements », n’a jamais fait de l’ombre à un grand texte. Et avant que Cameron Mackintosh (le producteur) nous gratifie de cette comédie, ils furent des dizaines à avoir tenté d’adapter Hugo. J’avais aimé, en son temps, le Jean Valjean de Claude Santelli (avec très peu de moyens) quand il dirigeait à l’ORTF « Le Théâtre de la jeunesse ». J’ai gardé en mémoire Gabin des années 60 en Jean Valjean. J’ai moins aimé le film de Josée Dayan. Mais avec Boublil et Schönberg, on est au niveau des grands succès populaires de Robert Hossein. Pas sûr que Hugo, mégalo en son temps, n’eut détesté ce parti pris et cette débauche de moyens. Reste que, sur le fond, on a eu le droit à quelques belles incongruités. Les discours sur les barricades surmontés du drapeau rouge, avaient des airs plus « mao » que « communards ». Et à défaut que le bon peuple ne rejoigne les partisans sous la mitraille, les chœurs finissaient par ressembler à ceux d’une Armée Rouge, version vinyle restauré ! Mais alors, le pompon, c’est vraiment la scène finale. Le syncrétisme religieux n’aurait pas fait peur à notre écrivain, amateur de spiritisme et tourneur de table. Mais voir les figures angéliques (post mortem) de Fantine et d’Eponine tendre la main à Jean Valjean pour le rejoindre au paradis céleste, c’est trop vite enterrer l’esprit des barricades. Une heure auparavant, Valjean interpellait son Dieu avec amertume : « Je lève les yeux aux Cieux, il n’y a que la lune ». Quand la comédie s’approprie (viole ?) la tragédie, Offenbach finit par singer Hugo. Les Thénardier qui jouent ici un étourdissant vaudeville, finissent par passer pour des guignols. Et là, on est quand même bien loin du messianisme hugolien et de la critique sociale.

4 Commentaires

Salut Mel!

Est-ce que ce spectacle va être proposé en dvd?
Cela permettra de passer rapidement sur l'élan musical moins attractif et de profiter des effets spéciaux.
La salle du Châtelet est sans pareil pour profiter d'un spectacle.
Ce fut le lieu privilégié des opérettes par le passé grâce à la scène très grande et au nombre de places important.
Faire passer les Thénardiers pour des guignols est plein de moralité. Ils le méritent bien. Le pire c'est que 150 ans plus tard il y en a encore!!!
Je ne sais pas si Victor Hugo aimait la musique mais je crois qu'il préférait la mélodie des mots et le dessin.

Le "roi"(alors ça il n'aurait pas aimé) du récit épique aux accents forts de liberté, de réalisme et de bon sens mérite bien une place sur ce blog.
Bon a vous,pourquoi pas en DVD,au contraire!Ce serait interessant aussi bien pour le grand public,que pour le theatre.Je serais le premier a en acheter un exemplaire.150 ans plus...notre nature est et restera pour chaqu´un la sienne.
Salut Mel!

Est-ce que ce spectacle va être proposé en dvd?
Cela permettra de passer rapidement sur l'élan musical moins attractif et de profiter des effets spéciaux.
La salle du Châtelet est sans pareil pour profiter d'un spectacle.
Ce fut le lieu privilégié des opérettes par le passé grâce à la scène très grande et au nombre de places important.
Faire passer les Thénardiers pour des guignols est plein de moralité. Ils le méritent bien. Le pire c'est que 150 ans plus tard il y en a encore!!!
Je ne sais pas si Victor Hugo aimait la musique mais je crois qu'il préférait la mélodie des mots et le dessin.

Le "roi"(alors ça il n'aurait pas aimé) du récit épique aux accents forts de liberté, de réalisme et de bon sens mérite bien une place sur ce blog.
Bon a vous,pourquoi pas en DVD,au contraire!Ce serait interessant aussi bien pour le grand public,que pour le theatre.Je serais le premier a en acheter un exemplaire.150 ans plus...notre nature est et restera pour chaqu´un la sienne.

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