
CULTURE
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Mécènes et marchands d’art : la preuve par Chaïm Soutine (musée de l’Orangerie, Paris)

Salle 1 : Portraits dont celui de Maria Lani (1929), très émouvant.
Salle 2 : Paysages : « Les Maisons » (vers 1920-1921), « Le Vieux Moulin » (vers 1922-1923), « La Route de la colline » (vers 1924) et « L’Escalier rouge à Cagnes » (1923-1924), sublimes.
Salle 3 : Natures mortes : extraordinaire « Nature morte au faisan » (vers 1924) et « Dindon et tomates » (vers 1923-1924).
Salle 4 : Figures dont certains visages vous obsèderont longtemps : celui de la « Petite fille à la poupée » (1919) ou de cette femme perdue dans « Déchéance » (1920-1921).
La traversée de cette exposition constitue un choc visuel et émotionnel particulièrement fort. Mais l’exposition et le catalogue qui l’accompagne sont, aussi, riches d’enseignements sur les rapports entre l’artiste, ses mécènes et les marchands. Jamais de la vie de Soutine, la puissance publique n’a accompagné le peintre, n'eût-ce été qu'en faisant l’acquisition de ses œuvres. Ce sont des amis (Modigliani, André Derain), des courtiers (dont l’ancien poète polonais Léopold Zborowski), des marchands (dont Paul Guillaume), des collectionneurs (Roger Dutilleul, le Docteur Louis-Jules Devraigne, Jonas Netter et Albert C. Barnes) qui ont permis de rémunérer Chaïm Soutine, puis de faire connaître ses tableaux. Bien sûr, aujourd’hui, la marchandisation de l’art a trop pris d’importance. Le discours sur l’art, trop centré sur la cote et les valeurs, cultive la fracture sociale et creuse le fossé entre l’artiste et son public. Mais j’éprouve une formidable admiration pour ces collectionneurs et ces mécènes qui restent des découvreurs. Au lendemain de la Première Guerre Mondiale, il fallait du culot et une sacrée sensibilité pour acheter, presque contre la volonté de l’artiste, les tableaux d’un Soutine bougon et revêche. La plupart de ses supporters ont dû parfois, pour des raisons économiques, se séparer des toiles, même avant la crise de 1929. Et si la cote de Soutine a « décollé » depuis, c’était faire preuve de passion, d’initiative et de prémonition que d’oser acquérir alors ces chefs-d’œuvre. C’est une bonne chose que la Fondation Barnes ait pu prêter les œuvres directement acquises auprès de Soutine par Albert C. Barnes. Mais c’est quand même une chance d’avoir pu inscrire au patrimoine artistique et économique de notre pays la collection d’un Français qui en a fait donation.
16 Commentaires
Nous allons suivre votre conseil et irons voir cette exposition à Paris avec néammoins le souvenir impérissable de l'exposition Soutine organisée par le Musée d'art moderne de Céret il y a maintenant quelques années. Chaque tableau de la "période Céret" était exposé avec la photo actuelle de la scène de vision du peintre. Formidable idée muséale! Les platanes, pour la plupart étaient encore présents dans le regard des visiteurs.
Vous savez que certains critiques et spécialistes semblent marquer l'apogée de la peinture de Soutine juste après cette période..
Cela dit, on peut, je pense trouver encore dans vos centres culturels (et ailleurs!)le Soutine de chez Taschen à défaut de se déplacer à Paris.
Vous évoquez la marchandisation de l'art. Mais l'art n'est
t-il pas toujours allé de pair avec le monde de l'économie et de sa symbolique de puissance et de modèle de réussite. Des grands monarques dans le passé aux chefs d'industrie aujourd'hui, les causes produisent les mêmes effets.
Reste encore à parler des collectionneurs particulires de sept à soixante dix sept ans et des achats institutionnels.
Mais on est là jusqu'à tard!
Bien cordialement.
Personnellement j'éprouve des difficultés à m'intéresser à cette peinture qui déforme les traits des visages et des mains. J'ai le même problème avec les toiles de Picasso et d'autres. Je suis plus attiré par les peintures de Degas par exemple sans rester indifférent devant les toiles de Van Gogh ou Cézanne.
Il y a une douleur chez Soutine. Un mal de vivre certain est transposé dans son oeuvre.
L'art doit éveiller une émotion, l'oeuvre de Soutine est pleine d'émotion.
Vivement la valorisation financière des obus! Ainsi on arrêtera de détruire les réalisations artistiques présentes sur notre pauvre Terre et ils seront enfermés dans des coffres pour longtemps!
Mais vous êtes libre de regarder ou de ne pas regarder une oeuvre d'art, de vous y intéresser ou pas, comme vous l'écrivez ci- dessus!
Soutine ne déforme rien, il nous livre sa vision personnelle des choses! Ne déformons-nous pas parfois nous-même nos souvenirs d'enfance par exemple? Pourquoi ne faisons-nous pas d'un évênement vécu en commun avec d'autres le même récit à postériori?
Parce que notre appréhension des êtres et des choses, du monde, pour être bref dépend de notre vécu individuel (familial, social, intellectuel, etc...)
Prenons un exemple au hasard. Croyez-vous qu'un individu qui a vécu huit années dans le même pensionnat que MEL ait le souvenir du même vécu? Bien sûr que non!
Comme de parler de "douleur" chez Soutine. La peinture en soi n'exprime aucune douleur, elle s'organise plutôt en véhémence de matière, de couleur, de refus d'une forme ordonnée.D'où l'importance de l'oeuvre de Soutine, de son matiérisme que l'on retrouvera après-guerre chez un Dubuffet ou un Rebeyrolle et bien d'autres peintres.
Quant à votre évocation des oeuvres enfermées dans un coffre, c'est déjà le cas dans des containers en terrain neutre, ce qui encourage la spéculation désirant échapperà la fiscalité nationale.
Pour les obus enfin, je vous signale que s'est développé un art populaire de leur décoration après la première guerre mondiale et qu'ils deviennent un objet de collection!
Je vous rejoins lorsque vous écrivez que nous déformons les faits avec le temps. Le temps passe et nous relativisons les évènements.
Cependant une photo ou une peinture marque un instant précis qui est indéformable.
Si les souvenirs ont tendance à s'embellir avec le temps la perception de la tristesse d'un tableau sera toujours la même dans des siècles. C'est une scène qui est figée à jamais.
Je pense que l'ensemble des décideurs habitués aux marocains et aux dorures, protégés par les fameux parachute dorés devraient aller visiter l'exposition car avec la crise actuelle, la douleur que je perçois sur cette femme, pourrait redevenir le quotidien de bien des femmes d'aujourd'hui. Peut être que cela pourrait les aider à se poser les bonnes questions et trouver des réponses en disant: "plus jamais ça!"
Concernant les œuvres d'art en container, je pense que c'est un mal pour un bien. Si les objets n'avaient pas de valeur, ils auraient servi à allumer un feu de cheminée. Maintenant on peut se poser la question pourquoi construire tant de bureaux et si peu de musées alors qu'il y a une matière incroyablement riche, de l'argent à gagner et des emplois à créer.
J'ai déjà observé ces obus décorés. C'est un premier pas vers la raison. J'ai souvent croisé les douilles transformées en porte- parapluie ou colonne pour recevoir un pot de fleur, seulement à l'évidence, elles avaient déjà servi. Il faut commencer à les collectionner dès la sortie de l'usine ce sera ainsi beaucoup mieux!
Je vais me documenter sur les oeuvres de Dubuffet et de Rebeyrolle que je vais découvrir grâce à vous!
« Avec le temps, nous relativisons les événements » me répondez-vous.Mais nous pouvons aussi privilégier, survaloriser des moments de ces événements. Cette anamnèse n'est jamais univoque !
C'est ce qui fait la richesse de vision d'une œuvre d'art. Il y a toujours pour les œuvres fortes une multiplicité d'approches possibles.
Une « scène figée à jamais », un « instant précis qui est indéformable » pour reprendre vos expressions, voilà ce que contredit l'universalité d'un création artistique.Il y a l'intentionnalité de l'auteur et la réception du spectateur et l'histoire de l'art nous montre bien que la réception d'une œuvre n'est pas figée..
Par ailleurs, on ne peut que difficilement entrer dans votre incitation pour les « décideurs » à la visite muséale repentante. L'art n'est en rien une fable moralisatrice. Et même si l'art religieux à une certaine époque fut conçu avec une volonté d’édification des âmes, celui-ci, par l'originalité de l'univers de ses formes échappa à l'univocité originelle.Nous portons un regard sécularisé sur un art religieux.Malraux n'a-t-il pas dit avec admiration que les fresques romanes de Saint Savin étaient l' ancêtre de la bande dessinée?
Sur la valeur des objets encore, il faut se souvenir que l'art dit primitif qui a désormais un grand musée en France n'était pas conservé et même brûlé ou enfoui après usages rituels par ceux qui le fabriquaient.Et je n'insisterai pas sur le débat récent de l'évolution et de la qualification de ces objets, ethnologiques ou artistiques..
Enfin, de décorer des obus, ce n' est pas à mon sens « un premier pas vers la raison » mais bien plutôt un basculement dans l'univers de la fantaisie et de l'appropriation sensible d'une mémoire au travers d'une pratique très personnelle.
Mais je constate que l'on a pas répondu au billet de MEL qui mentionne le rôle des mécène et des collectionneur !
Il faudra y revenir ?
Bien à vous.
Merci de me donner l'occasion d'ouvrir un dictionnaire. Jusqu'à ce soir l'anamnèse ne figurait pas dans mon vocabulaire et univoque est un mot que j'utilise fort peu.
Alors pour préciser ma pensée je quitte l'œuvre de Soutine pour rejoindre celle de Léonard de Vinci. La Joconde est un tableau qui caractérise une expression. Un regard et un sourire qui depuis que je suis gamin reviennent comme des marronniers. On peut parler du sfumato spécifique au peintre mais avant cela toujours la même question "que se cache-t-il derrière le sourire de la Joconde?"
Je suis d'accord avec vous il y a des degrés de lecture dans un tableau comme dans un livre. Après avoir réalisé Guernica, Pablo Picasso aurait affirmé qu'il n'y a pas de sens politique dans son œuvre. A peine la phrase terminée le professeur d'espagnol nous montre un chemin de réflexion et de compréhension qui nous mène vers un décodage qui va à l'encontre de ce qu'affirme l'auteur.
Si vous admirez "le sacre de Napoléon" de Jacques Louis David vous admettrez que l'œuvre a marqué un coup d'arrêt au temps pour marquer un moment solennel. Maintenant il est vrai qu'une étude approfondie de l'attitude des personnages de second plan permet d'expliquer le contexte et les rapports entre les personnes.
De la même manière dans l'art contemporain un simple carré blanc sur fond blanc de kasimir Malevitch peut vous emmener à la rencontre de concepts auquel vous n'avez jamais songé.
Une œuvre est composée d'émotions et d'intellect. A chacun de trouver son ressenti. Il n'empêche que lorsqu'elle est signée, elle est terminée et représente un achèvement. Donc elle est figée à jamais. Rien n'empêche de lui donner une suite sur une autre toile par exemple. Clairement si vous voulez rajouter une moustache à la Joconde, vous ne pourrez pas le faire sur l'original.
La religion catholique a largement diffusé la représentation artistique de Jésus sur la croix. Est-ce simplement pour un exercice de style que cette représentation est présente dans toutes les églises?
Les décideurs ont des orientations prédéfinies assises sur des raisonnements qui oublient les dommages collatéraux de leurs actions. L'art peut révéler au travers d'images fortes ou de concepts des oublis et des manques dans certain domaine comme le respect de la personne sur le plan physique et mental.
Pour revenir à l'œuvre de Soutine, la déformation du visage et des mains de cette femme ramène à une existence difficile. C'est mon ressenti il existe peut être quelqu'un qui ressent un contentement en regardant ce portrait.
Les égyptiens sont aussi les précurseurs de la bd. Malraux a mis en avant la forme et a oublié le fond. N'est-ce pas un acte politique pour favoriser la laïcité?
Les financiers tant de fois décriées ont sauvé le patrimoine en donnant de la valeur à des œuvres qui n'en avaient pas. Peut-on leur reprocher?
Je suis admiratif devant ces créations issues du détournement d'objet. Le dernier que j'ai vu et qui m'a intéressé est un couteau électrique transformé en locomotive fonctionnelle. Il n'y a pas de prix pour cela car elle n'est pas à vendre!
Les collectionneurs sont animés par une passion qui les obligent à rassembler autant d'informations, que de tournemains, que d'objets. Ils présèrvent, restaurent, suscite l'intérêt. Ils entretiennent le mythe. Le mécène fournit de l'argent pour réaliser un projet qu'il ne domine pas forcément.La rencontre des deux créee des évènements et fait parfois flamber les prix.
Qu'en pensez vous?
J'ai suivi quelques instants le reportage sur France5 concernant Soutine dans lequel on retrouve Fromanger qui explique sa vision de l'œuvre et comment il a trouvé son inspiration.
J'ai regretté d'avoir pris l'émission à sa fin car j'ai aimé ce que j'ai vu et entendu.
Cela ne m'a pas permis de renverser mes ressentis sur les toiles de Soutine mais j'ai apprécié les œuvres de Rembrandt qui ont servi de modèle à Soutine et les œuvres de Fromanger nées du style de Soutine.
Cela veut dire que ce peintre aura transmis son intérêt et sa passion au delà de sa propre réalisation.
Je me prive d'un plaisir et cela m'ennui, mais je me réjouis qu'un homme qui se bat pour faire de l'art arrive à transmettre quelque chose de beau même si on apprécie pas l'expression de son œuvre sur la toile.
Ce n'est pas donné à tout le monde d'arriver à imposer un style qui devient ensuite un modèle.
Soutine est un pionnier, son œuvre est torturée. Son style me rappelle l'adolescence. Il se cherche, trouve des vérités mais l'ensemble reste brut. Fromanger s'en inspire et ses tableaux gagnent en légèreté pour en devenir aérien. Reste à savoir ce qu’aurait pensé Rembrandt de ces déclinaisons de ses réalisations.
Nous allons suivre votre conseil et irons voir cette exposition à Paris avec néammoins le souvenir impérissable de l'exposition Soutine organisée par le Musée d'art moderne de Céret il y a maintenant quelques années. Chaque tableau de la "période Céret" était exposé avec la photo actuelle de la scène de vision du peintre. Formidable idée muséale! Les platanes, pour la plupart étaient encore présents dans le regard des visiteurs.
Vous savez que certains critiques et spécialistes semblent marquer l'apogée de la peinture de Soutine juste après cette période..
Cela dit, on peut, je pense trouver encore dans vos centres culturels (et ailleurs!)le Soutine de chez Taschen à défaut de se déplacer à Paris.
Vous évoquez la marchandisation de l'art. Mais l'art n'est
t-il pas toujours allé de pair avec le monde de l'économie et de sa symbolique de puissance et de modèle de réussite. Des grands monarques dans le passé aux chefs d'industrie aujourd'hui, les causes produisent les mêmes effets.
Reste encore à parler des collectionneurs particulires de sept à soixante dix sept ans et des achats institutionnels.
Mais on est là jusqu'à tard!
Bien cordialement.
Personnellement j'éprouve des difficultés à m'intéresser à cette peinture qui déforme les traits des visages et des mains. J'ai le même problème avec les toiles de Picasso et d'autres. Je suis plus attiré par les peintures de Degas par exemple sans rester indifférent devant les toiles de Van Gogh ou Cézanne.
Il y a une douleur chez Soutine. Un mal de vivre certain est transposé dans son oeuvre.
L'art doit éveiller une émotion, l'oeuvre de Soutine est pleine d'émotion.
Vivement la valorisation financière des obus! Ainsi on arrêtera de détruire les réalisations artistiques présentes sur notre pauvre Terre et ils seront enfermés dans des coffres pour longtemps!
Mais vous êtes libre de regarder ou de ne pas regarder une oeuvre d'art, de vous y intéresser ou pas, comme vous l'écrivez ci- dessus!
Soutine ne déforme rien, il nous livre sa vision personnelle des choses! Ne déformons-nous pas parfois nous-même nos souvenirs d'enfance par exemple? Pourquoi ne faisons-nous pas d'un évênement vécu en commun avec d'autres le même récit à postériori?
Parce que notre appréhension des êtres et des choses, du monde, pour être bref dépend de notre vécu individuel (familial, social, intellectuel, etc...)
Prenons un exemple au hasard. Croyez-vous qu'un individu qui a vécu huit années dans le même pensionnat que MEL ait le souvenir du même vécu? Bien sûr que non!
Comme de parler de "douleur" chez Soutine. La peinture en soi n'exprime aucune douleur, elle s'organise plutôt en véhémence de matière, de couleur, de refus d'une forme ordonnée.D'où l'importance de l'oeuvre de Soutine, de son matiérisme que l'on retrouvera après-guerre chez un Dubuffet ou un Rebeyrolle et bien d'autres peintres.
Quant à votre évocation des oeuvres enfermées dans un coffre, c'est déjà le cas dans des containers en terrain neutre, ce qui encourage la spéculation désirant échapperà la fiscalité nationale.
Pour les obus enfin, je vous signale que s'est développé un art populaire de leur décoration après la première guerre mondiale et qu'ils deviennent un objet de collection!
Je vous rejoins lorsque vous écrivez que nous déformons les faits avec le temps. Le temps passe et nous relativisons les évènements.
Cependant une photo ou une peinture marque un instant précis qui est indéformable.
Si les souvenirs ont tendance à s'embellir avec le temps la perception de la tristesse d'un tableau sera toujours la même dans des siècles. C'est une scène qui est figée à jamais.
Je pense que l'ensemble des décideurs habitués aux marocains et aux dorures, protégés par les fameux parachute dorés devraient aller visiter l'exposition car avec la crise actuelle, la douleur que je perçois sur cette femme, pourrait redevenir le quotidien de bien des femmes d'aujourd'hui. Peut être que cela pourrait les aider à se poser les bonnes questions et trouver des réponses en disant: "plus jamais ça!"
Concernant les œuvres d'art en container, je pense que c'est un mal pour un bien. Si les objets n'avaient pas de valeur, ils auraient servi à allumer un feu de cheminée. Maintenant on peut se poser la question pourquoi construire tant de bureaux et si peu de musées alors qu'il y a une matière incroyablement riche, de l'argent à gagner et des emplois à créer.
J'ai déjà observé ces obus décorés. C'est un premier pas vers la raison. J'ai souvent croisé les douilles transformées en porte- parapluie ou colonne pour recevoir un pot de fleur, seulement à l'évidence, elles avaient déjà servi. Il faut commencer à les collectionner dès la sortie de l'usine ce sera ainsi beaucoup mieux!
Je vais me documenter sur les oeuvres de Dubuffet et de Rebeyrolle que je vais découvrir grâce à vous!
« Avec le temps, nous relativisons les événements » me répondez-vous.Mais nous pouvons aussi privilégier, survaloriser des moments de ces événements. Cette anamnèse n'est jamais univoque !
C'est ce qui fait la richesse de vision d'une œuvre d'art. Il y a toujours pour les œuvres fortes une multiplicité d'approches possibles.
Une « scène figée à jamais », un « instant précis qui est indéformable » pour reprendre vos expressions, voilà ce que contredit l'universalité d'un création artistique.Il y a l'intentionnalité de l'auteur et la réception du spectateur et l'histoire de l'art nous montre bien que la réception d'une œuvre n'est pas figée..
Par ailleurs, on ne peut que difficilement entrer dans votre incitation pour les « décideurs » à la visite muséale repentante. L'art n'est en rien une fable moralisatrice. Et même si l'art religieux à une certaine époque fut conçu avec une volonté d’édification des âmes, celui-ci, par l'originalité de l'univers de ses formes échappa à l'univocité originelle.Nous portons un regard sécularisé sur un art religieux.Malraux n'a-t-il pas dit avec admiration que les fresques romanes de Saint Savin étaient l' ancêtre de la bande dessinée?
Sur la valeur des objets encore, il faut se souvenir que l'art dit primitif qui a désormais un grand musée en France n'était pas conservé et même brûlé ou enfoui après usages rituels par ceux qui le fabriquaient.Et je n'insisterai pas sur le débat récent de l'évolution et de la qualification de ces objets, ethnologiques ou artistiques..
Enfin, de décorer des obus, ce n' est pas à mon sens « un premier pas vers la raison » mais bien plutôt un basculement dans l'univers de la fantaisie et de l'appropriation sensible d'une mémoire au travers d'une pratique très personnelle.
Mais je constate que l'on a pas répondu au billet de MEL qui mentionne le rôle des mécène et des collectionneur !
Il faudra y revenir ?
Bien à vous.
Merci de me donner l'occasion d'ouvrir un dictionnaire. Jusqu'à ce soir l'anamnèse ne figurait pas dans mon vocabulaire et univoque est un mot que j'utilise fort peu.
Alors pour préciser ma pensée je quitte l'œuvre de Soutine pour rejoindre celle de Léonard de Vinci. La Joconde est un tableau qui caractérise une expression. Un regard et un sourire qui depuis que je suis gamin reviennent comme des marronniers. On peut parler du sfumato spécifique au peintre mais avant cela toujours la même question "que se cache-t-il derrière le sourire de la Joconde?"
Je suis d'accord avec vous il y a des degrés de lecture dans un tableau comme dans un livre. Après avoir réalisé Guernica, Pablo Picasso aurait affirmé qu'il n'y a pas de sens politique dans son œuvre. A peine la phrase terminée le professeur d'espagnol nous montre un chemin de réflexion et de compréhension qui nous mène vers un décodage qui va à l'encontre de ce qu'affirme l'auteur.
Si vous admirez "le sacre de Napoléon" de Jacques Louis David vous admettrez que l'œuvre a marqué un coup d'arrêt au temps pour marquer un moment solennel. Maintenant il est vrai qu'une étude approfondie de l'attitude des personnages de second plan permet d'expliquer le contexte et les rapports entre les personnes.
De la même manière dans l'art contemporain un simple carré blanc sur fond blanc de kasimir Malevitch peut vous emmener à la rencontre de concepts auquel vous n'avez jamais songé.
Une œuvre est composée d'émotions et d'intellect. A chacun de trouver son ressenti. Il n'empêche que lorsqu'elle est signée, elle est terminée et représente un achèvement. Donc elle est figée à jamais. Rien n'empêche de lui donner une suite sur une autre toile par exemple. Clairement si vous voulez rajouter une moustache à la Joconde, vous ne pourrez pas le faire sur l'original.
La religion catholique a largement diffusé la représentation artistique de Jésus sur la croix. Est-ce simplement pour un exercice de style que cette représentation est présente dans toutes les églises?
Les décideurs ont des orientations prédéfinies assises sur des raisonnements qui oublient les dommages collatéraux de leurs actions. L'art peut révéler au travers d'images fortes ou de concepts des oublis et des manques dans certain domaine comme le respect de la personne sur le plan physique et mental.
Pour revenir à l'œuvre de Soutine, la déformation du visage et des mains de cette femme ramène à une existence difficile. C'est mon ressenti il existe peut être quelqu'un qui ressent un contentement en regardant ce portrait.
Les égyptiens sont aussi les précurseurs de la bd. Malraux a mis en avant la forme et a oublié le fond. N'est-ce pas un acte politique pour favoriser la laïcité?
Les financiers tant de fois décriées ont sauvé le patrimoine en donnant de la valeur à des œuvres qui n'en avaient pas. Peut-on leur reprocher?
Je suis admiratif devant ces créations issues du détournement d'objet. Le dernier que j'ai vu et qui m'a intéressé est un couteau électrique transformé en locomotive fonctionnelle. Il n'y a pas de prix pour cela car elle n'est pas à vendre!
Les collectionneurs sont animés par une passion qui les obligent à rassembler autant d'informations, que de tournemains, que d'objets. Ils présèrvent, restaurent, suscite l'intérêt. Ils entretiennent le mythe. Le mécène fournit de l'argent pour réaliser un projet qu'il ne domine pas forcément.La rencontre des deux créee des évènements et fait parfois flamber les prix.
Qu'en pensez vous?
J'ai suivi quelques instants le reportage sur France5 concernant Soutine dans lequel on retrouve Fromanger qui explique sa vision de l'œuvre et comment il a trouvé son inspiration.
J'ai regretté d'avoir pris l'émission à sa fin car j'ai aimé ce que j'ai vu et entendu.
Cela ne m'a pas permis de renverser mes ressentis sur les toiles de Soutine mais j'ai apprécié les œuvres de Rembrandt qui ont servi de modèle à Soutine et les œuvres de Fromanger nées du style de Soutine.
Cela veut dire que ce peintre aura transmis son intérêt et sa passion au delà de sa propre réalisation.
Je me prive d'un plaisir et cela m'ennui, mais je me réjouis qu'un homme qui se bat pour faire de l'art arrive à transmettre quelque chose de beau même si on apprécie pas l'expression de son œuvre sur la toile.
Ce n'est pas donné à tout le monde d'arriver à imposer un style qui devient ensuite un modèle.
Soutine est un pionnier, son œuvre est torturée. Son style me rappelle l'adolescence. Il se cherche, trouve des vérités mais l'ensemble reste brut. Fromanger s'en inspire et ses tableaux gagnent en légèreté pour en devenir aérien. Reste à savoir ce qu’aurait pensé Rembrandt de ces déclinaisons de ses réalisations.