Carlos Gho​s​n : plus qu’un modèle, un phénomène

Méthode de travail et de management, source d’inspiration et vision... Le moteur de l’action et l’expression des personnalités sont toujours fascinants et puis, comme dans une chasse au trésor, on trouve matière à se jauger soi-même (orgueil) ou à progresser. 

L’hebdo le Point consacre un très grand article (10 pages) à Carlos Ghosn, le patron de l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi. Cet homme est un monument. Sa vie une épopée. Physiquement, ce n’est pas un flamboyant comme le furent par exemple les Agnelli qui, il est vrai, étaient propriétaires de leur marque. Avec ses éternels costumes bleus ou noirs (moi aussi), ses sourcils épais en ailes de corbeau déployées et ses postures trapues, Carlos Ghosn me fait penser à un personnage de Tilleux, auteur de BD belge. Il y jouerait le rôle d’un inspecteur, d’un détective débonnaire mais appliqué ou même un professeur de la saga Yoko Tsuno (créée par par l'auteur belge Roger Leloup). 

Mais s’il a la patience, la distance et la lenteur sainte du Samouraï, il a tout d’un habile politique issu des meilleures écoles. Emmanuel Macron l’a, comme d’autres, accroché sur son niveau de salaire. Il serait footballeur, peintre de la jet-set ou patron d’une start-up branchée, les mêmes chercheraient à lui taper dans le dos. Lui, a fait le dos rond. 

D’une culture cosmopolite et intercontinentale, frotté aux particularismes du Japon, du Brésil ou du Liban, il est un rigoriste et ne dévie pas de son chemin pour des broutilles, même quand ça fait mal. Il se consacre intégralement à ses mandats et ne rend compte qu’à ses mandataires... Et à lui-même bien s​û​r. Visionnaire, toujours en mode push, il cultive une exigence sportive​ ​: « ​Q​uand vous regardez les coureurs du 100 mètres, quelle est la différence entre Usain Bolt et le deuxième ? Elle est minime. Ils courent à peu près à la même vitesse... Mais Bolt prend toute la lumière ». 

Je ne l’ai que trop rarement rencontré (Salon de l’Automobile, dîner dans un ministère). Si humblement je compare nos modes de fonctionnement, on a l’air franchement différents. Il ne semble pas mettre d’affect dans ses rapports sociaux, (j’en suis pétri), il gouverne à distance (je suis trop immergé), il s’isole et se préserve au risque d’apparaître froid. Mais les commentaires lui importent peu : « Steve Jobs est célébré non parce qu’il était gentil mais parce qu’il a poussé à des ruptures ». 

Les résultats sont là : jamais Renault n’a vendu autant de véhicules (3,18 millions), jamais la firme n’a gagné autant d’argent (3,5 milliards). Carlos Ghosn a bâti une alliance automobile, la première du monde, avec 450.000 emplois pour produire 10 millions de voitures par an. 

Je recommande vivement le passionnant portrait de Carlos Ghosn par Marie Bordet et Clément Lacombe dans le Point cette semaine.