
Entente sur les prix : distributeurs grugés et consommateurs plumés
La décision de l’Autorité de la Concurrence sanctionnant les ententes des parfumeurs et lessiviers tombe à point nommé, en pleine période de négociations commerciales.
Je suis d’accord : les sanctions sont hors norme et disproportionnées. Mais quand même, voilà qui vient rappeler à nos gouvernants que le métier de négociateur est légitime et fort utile. A force de tirer à vue sur les distributeurs, on en a oublié que derrière le puissant lobbying des industriels invoquant baisse des marges et pertes d’emplois, on n’avait pas affaire qu’à des enfants de chœur.
1) La décision de l’Autorité de la concurrence
Treize grands groupes des produits d'hygiène et des cosmétiques ont donc été condamnés par l’Autorité de la Concurrence (ADLC), pour s'être entendus sur les prix. Ils devront s’acquitter d’une amende d’un milliard d'euros.
Ce que j’en retiens rapidement, outre le caractère incroyable d’un scénario digne d’une série B (des patrons se réunissant dans une brasserie pour négocier le prix de la lessive et de la laque, un repenti qui en échange de l’immunité balance ses collègues…), c’est cette face cachée d’un marché.
Les industriels étaient tous plus ou moins déjà leaders sur leurs catégories. Que des grands noms, que des grandes marques. Quasi que des multinationales. Tous des rois du marketing, capables de peser sur les distributeurs par l’addiction créée à leurs marques. Un rapport de forces déjà clairement à leur avantage.
En plus, on était sous la Loi Galland qui limitait la capacité des distributeurs pour négocier…
Qu’est-ce qui pouvait bien justifier de surcroît une telle entente ? Ça me dépasse, même si nous l’avons tous subodorée.
Voilà, c’est décrit, et derrière les anecdotes, ce n’est autre que l’illustration des limites de fonctionnement d’un marché laissé à lui-même. Nous le savons bien, dans l’histoire économique, ça a toujours été une tentation pour les entreprises, de partager un marché plutôt que de risquer de le perdre.
L’ADLC a bien fait son boulot d’investigation. C’est une leçon pour nous tous, acteurs de la vie économique. Le marché n’est jamais vertueux à lui seul (cf. A. Comte Sponville), c’est la limite du libéralisme et la nécessité d’un pouvoir de régulation voire de sanction. Intellectuellement, cet interventionnisme et cette capacité de sanction me hérissent le poil comme tout un chacun. Mais voilà il faut bien reconnaître les choses.
2) Un autre regard sur la négociation
C’est la deuxième leçon qu’il faut retenir.
Depuis près de deux ans, le lobby industriel en fait trop. Nous sommes le seul pays d’Europe dans lequel des industriels se permettent de fustiger leurs clients sur la place publique. Je ne vous parle pas de PME, je vous parle des grands industriels qui se planquent derrière les revendications des « petits ». Des parlementaires y furent sensibles, qui alimentent les débats d’un bréviaire d’accusations à l’encontre de ces « diables de distributeurs ». A gauche, comme à droite.
Eh bien preuve est faite. Les pratiques industrielles ne font pas partie de l’univers des Bisounours.
Heureusement qu’il y a en face d’eux des distributeurs pour négocier. S’ils n’avaient pas fait le job, de combien aurait été la ponction sur le pouvoir d’achat des Français ?!
J’insiste. Pas de leçons de morale, ce n’est pas mon propos. Les sanctions sont énormes, et à mon sens disproportionnées et à vocation médiatique (au final, c’est le consommateur qui paiera…).
Mais cette affaire démontre (comme d’autres, pendantes), combien ont été instrumentalisés les discours sur la destruction d’emplois chez les industriels, pour faire cesser les négos et laisser passer des hausses de prix.
PS : j’en profite pour dire à tous les acheteurs du groupe que si la Loi Hamon a encore augmenté les contraintes juridiques de la négo, ils font un métier noble et nécessaire. C’est avec discernement (les PME), avec précaution (le juridique !) mais sans complexe qu’ils doivent faire leur métier.
5 Commentaires
Après la TASCOM il y a quelques jours par les députés (financement des politicards et des feignasses, pas que heureusement, mais toujours trop), une autre autorité publique l'ADLC inflige des amendes à des industriels, que les consommateurs vont payer à travers des hausses de tarifs ; et, une nouvelle fois, cet argent va aller financer les mêmes politicards et les mêmes feignasses (pas tous cf. infra) afin de maintenir la perfusion dans un système pourtant déclaré mort!
"Quousque tandem abutere, Catilina, patientia nostra?" Il suffit de remplacer "Catilina" par "Autorité publique", et j'ai la réponse : la limite est dépassée, le consommateur en a marre de payer, payer, payer... Combien de Conseils, d'Autorités, d'organismes consultatifs qui ne sont là que pour recycler les "copains et les coquins", énarques improductifs, politicards entre 2 mandats, copines de, copains de, filles de, fils de... et qu'il faut payer, payer, payer, payer...avec l'agent des impôts, amendes, taxes, droits... payer, payer, payer!!! Toujours faire payer, payer, payer le consommateur!!!
J'arrête là sinon je vais être grossier!!!!
Jean-Claude
Pour quoi ne pas reverser l'argent des amendes aux distributeurs avec obligation d'injecter cela en baisse de prix, qui pour l'occasion et uniquement en ces circonstances, viendrait en baisse de prix en dessous du seuil de revente à perte des produits des industriels concernés!
Ce serait du win win : bon pour le portefeuille du consommateur (ENFIN!!) et apporterait un peu de vertu aux industriels fautifs qui répareraient ainsi leur faute auprès de ceux qu'ils ont pénalisés.
Qu'en pensez vous? En plus, cela permettrait de voir ainsi enfin des vrais prix bas chez Casino et autre Carrefour (dans tous les magasins!!!), puisque moins chers encore que le seuil de revente à perte!
Oui, vraiment une bonne idée pour le consommateur.
Gilou