ÉCONOMIE Actus / Débats

Journal du 15 au 25 juin 2005 (fragments)

Mon métier, le monde qui nous entoure… Tous les jours, je prends quelques notes. Pour moi, pour nourrir mes réflexions, mes discussions avec les collaborateurs, et mes interventions dans la vie associative… 1) Otages : Liesse, concert de joie et conférence de presse : à la Une des magazines, le beau regard de Florence Aubenas. Inconnue du public avant la prise d’otages, elle en devient l’icône. Qui ne s’est pas senti concerné, touché, ému. « Notre société, qu’on stigmatise pour son égoïsme…est capable d’élans de compassion et d’identification au malheur des autres. L’individualisation des mœurs rend possible cette identification. C’est la face positive de l’individualisme… ». G. Lipovetsky, sociologue (Elle, 20/06). Assurément, notre peuple a du ressort et entretient une forme d’espérance. Les Français sont désenchantés à l’égard de la politique. Mais pour peu qu’une cause passionnante ou un projet collectif leur soit proposé (qui permettrait d’exprimer leur solidarité et leur sensibilité), ils savent se manifester et réagir. 2) Bretagne : Réunion de travail dans les Côtes d’Armor. Premier bassin de production porcine en France. Nous y avons implanté quatre unités de production agroalimentaires. En roulant de Rennes vers Collinée, je découvre, sous le soleil (mais oui !) des routes bien entretenues, des villages attrayants, des jardins ou des maisons où il fait bon vivre. Il y a vingt ans, quand le département s’appelait « Côtes du Nord », une forme de précarité agricole et salariale constituait le ferment d’une gauche régionaliste et révolutionnaire. Les élus d’aujourd’hui (PC ou PS façon Fabius) sont leurs héritiers. Ils ont appelé à voter « non » au référendum. De tous les départements bretons, seul, celui-ci a levé l’étendard de la contestation. Pourtant, dans les villages que je traverse (Saint-Onen-la-Chapelle (35), Vildé-Guingalan , Saint-Jacut-du-Mené, Collinée (22) et Saint-Léry (56)), le taux de chômage est tombé en dessous de 8 %. Et, tous les professionnels de la région (agroalimentaire !) savent ce qu’ils auraient à perdre d’une remise en cause de la PAC. Comment expliquer ? 3) Libéralisme : A quelques kilomètres de là, le convoi de Sarkozy s’arrête à Vitré. Bain de foule et discussions avec les salariés de la SVA (abattoir travaillant avec Intermarché). Ca fuse dans tous les sens. On parle délocalisations, écarts de salaires, modèle social : « Je suis pour le libre échange et la concurrence, mais une concurrence loyale : j’ouvre, tu ouvres. Tu fermes, je ferme… ». Même les plus acerbes à l’égard du maire de Neuilly en convenaient : Sarko à l’OMC ou à la Commission Européenne, ça déménagerait ! 4) Jean-Marc Ayrault : L’activisme des chefs de l’UMP ne l’impressionne pas. Mais le député PS de Loire-Atlantique devrait faire attention dans son langage à ne pas désespérer Landerneau. Pour lui, la politique de Chirac « relève plus du calcul d’épicier que d’une vision de chef d’état ». Attends un peu, mon bonhomme, qu’on débatte devant témoins et tu verras ce que vaut le regard de « l’épicier » sur l’organisation de l’état… 5) Délocalisations : La campagne référendaire a été propice aux surenchères démagogiques. Jamais, on n’avait autant parlé de risques de délocalisations. Avec comme boucs émissaires, les pays de l’Est, principalement. Or, l’INSEE vient de publier les chiffres des transferts d’investissements et d’emplois. Sur 13 500 postes délocalisés chaque année, de 1995 à 2004, ce sont l’Espagne (16 %), l’Italie (15 %) et l’Allemagne (14 %) qui ont capté les emplois partis de France. Ce sont nos vieux voisins, nos partenaires fondateurs, et non pas nos amis polonais… C’eût été une bonne idée de publier ces statistiques pendant le débat. 6) Italie, justement : J’étais dans les Abruzzes, la semaine dernière, pour inaugurer trois magasins. Dans la Botte, nous sommes alliés avec la coopérative Conad, numéro deux en Italie. Leurs magasins prennent l’enseigne E. Leclerc en devenant hypers… Superbe décor que ces montagnes avec vue directe sur la mer. Villages accrochés en haut des pics, vallée instable du fait de l’activité tellurique, vieilles églises et forteresses, vestiges de la route des croisades… Je discute avec mon hôte, le responsable de la coopérative. Nous parlons des rigidités françaises, mais aussi de l’individualisme de nos concitoyens. Quoi, un Italien qui me dit ça ! A un moment, sa voiture franchit la ligne jaune (qui est blanche, là-bas). Je lui fais la leçon. Il s’amuse : « Une ligne blanche, ici, c’est franchissement interdit. Mais deux lignes parallèles, alors ça, oui, ça veut dire que c’est vraiment interdit ! ». Comment voulez-vous lutter à armes inégales !

17 Commentaires

issu d'une famille des cotes du nord, et neveu d'un permanent du parti communiste local, je réagis a votre prose
certes, les entreprise agroalimentaires ont permis un emploi dans ces regions difficiles
mais a quel prix ?
que valent aujourd'hui les cours d'eau bretons, notamment dans ce département
les plages du nord de la bretagne n attirent pas les vagues de touristes fortunes de la baule et c est tant mieux pour la sauvegarde des paysages
mais nous ne pouvons rester insensibles a l envahissement des algues dans le port de ces cotes
a collinée, vous avez un magnifique complexe qui entretien cette agriculture intensive empoisonnante et vous revendez ces produits (tradilege) avec un cynisme étonnant...
quelle liesse avec la liberation de florence aubenas ?
il ne s agit que de delire mediatique
une folie bobo, un parisianisme exacerbé
le peuple de la france d en bas est bien entendu heureux de voir une liberation d otage
mais n oublie pas les morts de faim africains
une vie de journaliste vaut elle plus qu une vie de soudanais ?
ne nous trompons pas
c est a cause de manifestation autant ostentatoire qu un vote extremiste nait dans notre democratie
pas d enthousiasme excessif, le désenchantement sera douloureux
votre opinion est certes genereuse, mais gardons notre raison
Un fait à répéter, à traiter et retraiter :
nb d'handicapés au Royaume Uni inférieur de 50 % à celui de la france ( 2, 5 millions en + environ) facilement vérifiable sur google) à comparer aux taux de chômage.... la statistique, forme moderne du mensonge....
La vie d'une journaliste francaise ne vaut peut etre pas plus mais on se sent plus proche d'une journaliste francaise qu'une femme anonyme au Soudan je presume.
Mr Mel, peut on qualifier ce blog de blog d'entreprise ? Qu'est ce qui vous a pousse a parler de vos idees appliquees dans votre entreprise sur le web ?
Bien sûr qu’on est très content que Florence Aubenas ait été libérée.
Mais le sentiment est ambigu.
Un journaliste otage jouit d’un double privilège :
- celui d’un soutien médiatique que n’aurait pas un quidam lambda,
- celui de soulever une émotion particulière et mobilisatrice car en arrière fond il y a le sacro-saint principe de la liberté, liberté de la presse, liberté de l’information et la défense de ceux qui œuvrent pour elle.
Mais en organisant en France toutes ces manifestations pour sa libération :
- on a fait le jeu de qui ? Celui de la liberté ou celui des ravisseurs à qui on a donné un écho justifiant leur acte ?
- on a fait pression sur qui ? Sur les preneurs d’otages, sur les « autorités » irakiennes ou plutôt et surtout sur le gouvernement français ?
Mais c’est vrai c’est questions ne sont pas bonnes puisqu’il n’y a pas eu de rançon !! ??
Tous les bénéficiaires de la PAC, toute cette France agri. et agro. qui a voté non a du regarder le bout de ses chaussures comme des enfants qui ont fait une bêtise en entendant le discours de Tony Blair dans lequel il ne s’est pas gêné de rappeler que la PAC « draine 40% du budget mais ne profite qu’à 2% de la population de l’Union »
Sauf respect à votre égard je pense que JM Eyrault a raison. La vision de chef d’état de Chirac : on la cherche. Mais il est vrai que je suis très myope.
Edgar Faure avait dit quelque chose comme : ccce ne sssont pas les girouettes qui tournent mais ccc’est le vent.
Aller pour ne pas froisser votre susceptibilité JME aurait été plus avisé de dire boutiquier qu’épicier.
A propos vous qui avez eu l’occasion de fréquenter un ex ministre des finances qui se rase tous les matins en pensant à son avenir qui n’était pas que celui de la réforme de la loi Galland, pensez-vous qu’il a une vision de chef d’état ? C’est une vraie question pour 2007.
Délocalisations
D’accord avec vous les délocalisations intra- européennes vers les nouveaux entrés étaient un argument démago.
Mais dans les stat. que vous citez où vont les 55% restant ?
c'est amusant ce que vous dites pour l'Italie.
Je crois qu'effectivement les Italiens sont plus ouverts d'esprit et plus solidaires que les Français.
Pour mettre une pierre dans votre jardin, je dirais même que le peu de goût qu'ils ont montré jusqu'à présent pour la grande distribution dénote d'une certaine volonté d'être solidaire du petit commerce...
J'ai toujours été frappé en rentrant dans une tratorria de voir combien l'accueil y est différent par rapport à l'entrée dans une de nos brasserie.
A peine le seuil franchi on a l'impression de faire partie de la famille, d'être un invité et pas un client.
La déshumanisation du commerce en France qui, en effet pervers encourage la course folle à la consommation comme seul repère de réussite sociale, fait perdre du terrain à la libre entreprise.
Comment aujourd'hui espérer lutter contre la force titanesque des Leclerc, Auchan, Carrefour et autre...? C'est un grand débat.
Attention, je ne vous juge pas MEL comme responsable de cette situation. Vous en profitez de manière opportune et c'est tant mieux.
Mais il va sans dire qu'il y a une large différence sur ce point du commerce du détail entre nous et les Italiens. Et il me semble qu'en l'occurence les Italiens continuent à privilégier le partage de la parole quitte à moins consommer, à la consommation égoïste dans des rayonnages vidés de représentants humains.
Plus ouvert d'esprits ils le sont aussi. Beaucoup moins cocardiers que nous. il n'y a qu'à voir en comparaison le nombre de produits étrangers sur le marché Italien par rapport au nbr de produits étrangers en France...C'est instructif !
En revanche, et vous le notez judicieusement, il y a qui recouvre tout celà la "combinazione"...Mais l'un peut-il aller sans l'autre ? C'est une vaste question ?
Re testard (25/06/06)
Pourriez-vous développer. Voulez-vous nous dire que les statistiques n’ont pas les mêmes bases ? Ou sont manipulées ? A vous lire, c’est intéressant…
Re Nico (25/06/05)
Beaucoup d’articles actuellement dans la presse sur le phénomène blog. Enquêtes ethnographiques, analyses sociologiques de cette nouvelle catégorie sociale : les bloggeurs. Intérêt comparé des blogs, vices cachés, etc…
Comme on m’attribue beaucoup d’intentions et qu’on n’est jamais si bien servi que par soi-même, je me propose de vous répondre de manière un petit peu plus approfondie qu’en deux lignes, mercredi ou jeudi prochain, si vous le voulez bien. A bientôt donc.
Re Babylone (27/06/05 – 1 :11)
1- On est bien d’accord : il y a eu dans le soutien à Florence Aubenas, une réaction corporatiste. Je ne suis pas sûr que tous les médias, ni la population ne se seraient autant mobilisés s’il s’était agi de l’enlèvement d’un cadre d’une compagnie pétrolière, ou même d’un quelconque fonctionnaire français.
Mais si la mobilisation a bien été entretenue par ses confrères, il n’empêche : la population tout entière s’y est associée. Et c’est tant mieux.
2- Oui, les agriculteurs ont été bien mal conseillés. En votant oui, ils auraient conforté notre capacité de reporter la réforme (inéluctable) de la PAC. En votant non, ils ont décrédibilisé leur principal allié (Jacques Chirac). Il va y avoir des dégâts.
Maintenant, c’est fait ! Cela ne sert à rien de se lamenter. Il me semble qu’il nous faut réfléchir à la manière de renationaliser la PAC et d’anticiper cette évolution. L’occasion aussi, comme le réclame la Confédération Paysanne, de mettre à plat tout le système de subventions et d’en valider les modes de répartition… L’occasion aussi de changer de politique agricole nationale. Après l’hyperproductivisme et l’exportation à tout prix (et à des prix négatifs), investir sur une agriculture de plus grande qualité, mieux marketée, seule susceptible de fournir aux producteurs une meilleure rémunération.
Re Babylone (27/06/05 – 1 :45)
Je n’en sais rien. J’interroge la société de sondage. Vous avez raison, la réponse peut être intéressante.
Re augustin (24/06/05)
Ok Augustin. Je prends la commande. Dans une prochaine note, je vous raconterai, par derrière les tonneaux, comment s’effectuent les sélections des foires aux vins et qui en sont les principaux protagonistes. A bientôt.
Re pierre (24/06/05)
Vous avez raison, l’industrialisation à outrance du processus d’élevage et de production a conduit à des désastres écologiques : pollution des nappes phréatiques, développement de micro-algues dans la mer, rendant souvent impropre la consommation d’eau douce dans les terres et des coquillages dans la mer. Aussi ne plaidé-je pas pour le maintien d’un système hyperproductiviste. L’avenir de l’agriculture bretonne passe par des remises en cause. Programme anti-pollution, limitation de la taille des élevages, diversification des productions et transformation plus élaborée, développement du bio et d’appellations plus qualitatives, etc…
Pour accompagner les agriculteurs dans cette inéluctable mutation, il faudra de l’argent ! Les consommateurs, une fois les nouveaux produits sur le marché, paieront plus cher des produits de meilleure qualité. Mais le processus transitoire qui doit nous amener vers cet objectif va nécessiter d’importants financements.
C’était tout le débat sur la réforme de la PAC : orienter les subventions vers le qualitatif plutôt que le quantitatif ! Au moins, fallait-il reconnaître cet avantage à l’Europe qu’on nous proposait.
Mon propos ne visait donc pas à cautionner le système économique actuel, mais à préserver les possibilités d’évolution. La production porcine des Côtes d’Armor est moins dépendante des aides européennes que, par exemple, l’agriculture céréalière ou sucrière. Il n’empêche. C’est se tirer une balle dans le pied que de refuser les traités proposés.
Nos abattoirs en Côtes d’Armor, nos usines de transformation, comme nos magasins sauront répondre présents pour commercialiser tous ces nouveaux produits. Mais après que les Anglais aient accéléré la mise à mort de la PAC, un département comme les Côtes d’Armor va forcément souffrir et rencontrer des difficultés pour trouver de nouveaux modes de financement.
Re yoyo (24/06/05)
D’accord avec vous. La mobilisation d’une partie de l’opinion française pour la libération de Florence Aubenas est une belle chose. Mais elle ne doit pas masquer l’inertie de notre pays à l’égard des malheurs de l’Afrique. D’ailleurs, votre commentaire le laisse entendre. C’est la médiatisation de certaines situations qui entraîne notre intérêt et notre mobilisation. On sait ce qu’il en est des dossiers qui ne sont pas couverts par l’actualité. On peut en accuser les médias. Ils ont une part de responsabilité puisqu’ils font « l’opinion ». Mais fondamentalement, qu’est-ce qui empêche nos concitoyens de s’intéresser aussi, de leur plein gré, aux ravages du sida en Afrique, à la faim en Ethiopie. En attendant, Laurence Aubenas a été libérée. Ce n’est pas non plus une raison de bouder notre satisfaction.
merci de votre réponse
elle admets qu une partie de la solution pour essayer de limiter la pollution de notre environnement est entre les mains des consommateurs eux memes.
mais qui mieux que vous (et vos magasins) peut faire preuve de pédagogie envers ces consommateurs ?
imaginez un seul instant que vos responsables de rayons soient sensibilisés à ce combat dans les référencements...que vos adhérents admettent faire partie d'une société qui ne demande pas uniquement des prix bas...en bref, que la grande distribution accepte de reprendre la main concretement dans ces enjeux de société...
les produits seront plus chers ? certainement
n'est ce pas le prix à payer ?

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