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Loi conso, culture, fiscalité…les échos de la distribution

Je reprends ici le fil d’un blog que j’ai un peu délaissé ces dernières semaines. Dur de trouver un peu de calme alors que sous la pression de la crise, jamais nous ne fûmes autant interpellés.

Loi conso : le baiser qui tue !

Y a pas à dire, ils sont forts à l’ANIA…dans la dernière ligne droite, la rapporteure de la loi consommation à l’Assemblée nationale a déposé un amendement qui vient rendre complètement non négociables les conditions générales de vente entre professionnels.

L’idée des parlementaires qui l’ont voté est - j’imagine - de vouloir protéger les petits fournisseurs, les PME. Fort bien. Mais cette modification du texte de la loi Hamon risque d’aboutir sur l’effet inverse du but recherché.

Comme rien ne fixe légalement ce qui doit ou ne doit pas figurer dans les CGV, on y trouve parfois du grand n’importe quoi…Dans la relation commerciale, les CGV font d’abord l’objet d’une âpre négociation, avant même qu’on ne commence à parler de tarif. Il est notamment une pratique de certains fournisseurs puissants qui consiste à tenter d’imposer des assortiments de gammes, c’est-à-dire de nous imposer de prendre toute une série de produits qu’on ne veut pas forcément, en plus de leur produit-phare incontournable dont on doit garnir nos rayons.

Avec l’adoption de cet amendement, la négociation des CGV n’étant plus autorisée, nous ne pourrons donc plus rejeter ce type de demande. Et comme nos linéaires ne sont pas extensibles, vous devinez bien qu’il y aura moins de place pour les autres…suivez mon regard.

Comme aurait pu le dire Serge, mon collègue et concurrent, après le Coco de Paimpol, c’est le Breizh Cola qui va trinquer pour laisser la place au Cola d’Atlanta !

Clôture de Chapitre

La série noire continue pour les magasins culturels. Après Virgin l’an dernier, c’est au tour des librairies Chapitre de baisser le rideau. Plus d’un millier d’emplois sont en jeu. L’objectif est bien sûr de tenter de trouver des repreneurs pour les 53 magasins du groupe.

La concurrence du web est évidemment pointée. La question de la diversification de l’offre dans les librairies est aussi une réflexion qu’il faut mener, même si elle n’est pas facile et personne n’a encore complètement trouvé la martingale.

A la tête d’un réseau de 215 Espaces culturels, 2e réseau français de librairies indépendantes, nous nous posons sans cesse les mêmes questions que la FNAC ou d’autres. Comment donner envie aux clients de continuer à pousser la porte de la boutique, alors même qu’ils peuvent commander à toute heure et être livrés gratuitement au bureau durant la pause-déjeuner ?

Difficile d’imaginer l’avenir de la librairie, surtout dans un contexte économique où la culture est souvent le premier poste sacrifié dans les budgets des familles. Sans parler de l’instabilité fiscale et législative qui vient peser sur l’activité, la rocambolesque histoire des taux de TVA Sarkozy/Hollande sur le livre venant illustrer mon propos…

Il faut trouver le bon mélange entre contenant et contenu, entre tablette, film, livre et MP3. Il faut penser des stratégies de niches, posséder une gamme large et diversifiée, faire preuve de réactivité. Sans oublier les incontournables problèmes logistiques propre au milieu de l’édition et qui ne facilitent pas la vie quotidienne des petites librairies. Ca nécessite de la souplesse et beaucoup de débrouillardise…Enfin, dans la culture plus qu’ailleurs, il faut aussi avoir des partis pris et les revendiquer bien fort. Virgin est mort de n’avoir plus rien à dire à ses clients !

La lecture n’est pas dépendante du seul rôle et du seul sort des libraires. Pas plus que la musique n’était tributaire des seuls disquaires. Mais la garantie d’une diversité culturelle nécessite alors d’autres pédagogues, d’autres « passeurs ». Lesquels ? Ca aussi c’est une question !

TVA, CICE, fiscalité…

Si j’ai bien tout compris, finalement nos parlementaires ont renoncé à baisser la TVA (de 5.5% à 5%) car une baisse de 0,5 point risquait de ne pas être vue par le client sur son ticket de caisse. Au passage, et pour faire écho au paragraphe précédent, ce n’est pas forcément une bonne nouvelle pour les libraires indépendants qui comptaient dessus.

Au final, il n’y aura donc que des hausses.Là en revanche, le consommateur risque de les voir. A la veille des élections municipales, ce n’est pas forcément une bonne nouvelle !

Alors j’ai entendu certains grands responsables de notre pays expliquer qu’ils comptaient sur «le sens civique » des distributeurs pour ne pas répercuter cette hausse de TVA sur les prix. Fichtre !

Je veux bien être « civique », mais je n’ai hélas pas de baguette magique pour faire en sorte que, quand l’Etat augmente ses taxes, nous puissions les assumer seuls !

Alors on fait comment ? La réponse tiendrait en 4 lettres : CICE.

Le problème c’est que le ministre qui a dit ça, n’a pas entendu que la veille, son collègue du gouvernement annonçait qu'il comptait sur le CICE des distributeurs pour financer l’écotaxe. Chaque jour qui passe, quand j’allume ma radio, j’attends de savoir à quoi les Centres E.Leclerc devront aujourd’hui consacrer l’argent d’un CICE que l’Etat leur a donné d’office.

Quelqu’un pourra-t-il expliquer à nos bonnes âmes que, si nous sommes pour réinjecter le CICE dans l’économie réelle, celui-ci présente l’inconvénient d’être « non rechargeable » en cours d’année. Donc, une fois qu’on l’a utilisé pour quelque chose, on ne peut plus l’utiliser pour autre chose. En l’occurrence, le fruit du CICE a été quasiment totalement aspiré pour soutenir le revenu des éleveurs laitiers cette année, et cela à la demande du ministre de l’agriculture. Pour l’écotaxe ou la hausse de la TVA, ça va devenir compliqué de compter dessus…

De la fiscalité, on en reparlera prochainement sur ce blog.

La Teste sur les épaules

Législation, contraintes administratives…la CNAC a heureusement rendu ses droits à la liberté d’entreprendre. Je conclus donc ce billet par une pensée pour notre adhérent Thierry Bluteau et ses équipes qui ont, après moult péripéties, enfin pu ouvrir les portes du centre commercial de La Teste-de-Buch, en Gironde. Il aura fallu une forte mobilisation de la population, un soutien sans faille des élus locaux et une détermination de fer des équipes pour qu’enfin les choses bougent positivement. Bon vent !

2 Commentaires

Salut MEL,
53 points de vente Chapitre ==> 53 adhérents E.Leclerc pourraient peut-être "regarder" magasin par magasin les possibilités de "positionner" des Espaces Culturels au cœur des villes ? Des commandes au clic associées à des retraits en centre ville (1 livre ou 2 ce n'est pas si lourd, donc pas besoin de "bagnole"), ça pourrait aussi avoir du sens ? NON ? Je sais c'est un peu simpliste, mais c'est ce à quoi j'ai pensé en premier hier en entendant la mauvaise nouvelle concernant Chapitre. Et 24 heures plus tard, je persiste !!!
Salut Mel!
Baisser le coût du travail... c'est une belle idée sur le papier mais est-ce une mesure efficace? Je n'en suis pas certain. La main d'oeuvre est considérée comme une charge pour l'entreprise qui augmente sa productivité en automatisant les tâches et en supprimant la main d'oeuvre tout en simplifiant les fabrications. Donc ce n'est pas parce que je baisse le coût de travail que je vais embaucher mais parce que j'ai besoin de main d'oeuvre. Comme le système demande moins de main d' oeuvre je réduis régulièrement le nombre des salariés pour les remplacer par des robots Reste l'actionnaire majoritaire qui fait le lobbying nécessaire pour qu'on l'oublie, engrange les bénéfices de l'entreprise. C'est bien lui qui aujourd'hui traverse les crises en faisant porter le fardeau aux autres en demandant des retours sur investissement à 2 chiffres quelque soit la conjoncture. Lui ne fait pas de politique, il fait dans du pragmatique. Il ne pense qu'à grossir et utilise tous les moyens pour cela. Fondations, holding, associations, sociétés offshore... tout est bon! L'Europe et la France sont des casinos pour la vente et l'Asie pour produire donc il n'y a pas de soucis ils jouent comme cela. Reste à savoir quelle volonté est souhaitée par les politiques. L'alignement de la main d'oeuvre européenne à celle de l'Asie n'est pas pour tout de suite. A ce jeu le contrôle des flux risque même d'être dirigé par les asiatiques qui aujourd'hui fabriquent 75% des bateaux et achètent des ports occidentaux Barcelone devient un peu plus chaque jour un comptoir chinois. Le premier groupe mondial de charcuterie Smithfield a été racheté par les chinois qui sont aussi entrés dans le capital du Club Med. Donc nous sommes attaqués de partout et le cash nécessaire part en Asie et manque pour soutenir la consommation en Europe. Faut il dans ces conditions faire marcher la planche à billets ou faut il contraindre les actionnaires majoritaires à payer le véritable impôt? Les niches fiscales sont des remèdes de grand-mère qui ne sont pas assez efficaces contre un cancer du à l'évasion de la masse monétaire. Nous sommes en train de transférer le pouvoir monétaire aux asiatiques, après leur avoir transféré le pouvoir de produire. Ainsi il va nous rester le pouvoir de pleurer et de fermer notre bouche.

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