
Prix agricoles et agroalimentaires (1) : à chacun sa responsabilité professionnelle
Manuel Valls au SIAL ce soir, demain Emmanuel Macron… puis tous les ministres… et chacun aura sa petite phrase autoritaire à l’égard des distributeurs. C’est unique en Europe. C’est devenu un feuilleton, un marronnier pour la presse, un prétexte hypocrite pour les industriels, une pression inefficace sur les distributeurs. La séquence est toujours la même : à l’approche des négociations commerciales, les syndicats de producteurs envoient les agriculteurs sur les parkings des hyper et sollicitent l’intervention du politique qui convoque industriels et distributeurs, pour en général tancer ces derniers.
Comme pour toute campagne de com’, il faut un événement qui serve de caisse de résonnance. C’est souvent le salon de l’agriculture de la Porte de Versailles, c’est parfois le Salon de l’élevage de Rennes. Cette année, c’est le Salon de l'industrie agroalimentaire en France, le SIAL, qui doit servir d’amplificateur des revendications. Avec en prime time la tenue d’une table ronde à Bercy sous les auspices de Le Foll et Macron réunis.
Il faut dire que « la Sainte-Alliance » FNSEA-ANIA-Coop de France était un peu restée sur sa faim avant l’été. Elle était parvenue à provoquer deux rendez-vous interprofessionnels l’un à l’Assemblée nationale et l’autre à Bercy. La distribution en a pris pour son grade, Montebourg se qualifiant de « Père Fouettard ». Mais outre qu’il n’en eut pas le temps, tout ce cirque médiatique n’a débouché sur aucune proposition concrète… comme cela était d’ailleurs très prévisible.
Cette semaine, rebelote. Dans un contexte d’embargo russe, de restrictions des subsides de la PAC et de météo d’été capricieuse, le ministre de l’agriculture, qui n'ose pas renvoyer chaque professionnel à sa part de responsabilité, n’a plus grand-chose à proposer à ses ouailles. Alors que faire ? Organiser une nouvelle table ronde pardi ! C’est prévu pour jeudi prochain, 40 représentants professionnels (dont E.Leclerc), 5 minutes chacun, un communiqué de presse diffusé avant même le début de la réunion… et c’est reparti pour un tour.
Dans ce cinéma, je vais prendre mon ticket de spectateur et observer avec gourmandise le jeu de scène du comédien Serge Papin qui, avec Système A, va enfin avoir les moyens d’appliquer la politique qu’il théorise depuis si longtemps : prix plus rémunérateurs pour les producteurs, « meilleur partage de la valeur », etc.
Rester un partenaire du monde agricole
Oui je vous le concède. Mon commentaire est désabusé. Non je ne fais pas mon "burn out mélenchonien". C’est juste qu’on perd du temps et qu’on entretient dans les campagnes de fausses illusions.
Les éleveurs peuvent toujours aller manifester sur les parkings des E.Leclerc. Que croyez-vous qu’il adviendra ? Qu’on va relever les prix ? Comme ça, sur injonction ? Et les consommateurs vont applaudir et vont acheter plus ? Allons ce n’est pas sérieux.
En réalité, les agriculteurs sont pris dans un étau : en amont les appro. sont instables et les cours volatiles. En aval, les subventions diminuent avec la nouvelle PAC, et le marché se mondialise : Nestlé, Danone, Unilever font leurs courses partout sur la planète.
Dans une telle situation, l’Etat devrait arrêter de se planquer derrière son rôle d’arbitre (médiateur) ou de gendarme (DGCCRF). Avec la législation (LME, LMA), il dispose d’outils qu’il peut actionner en temps de crise. Au fait, il faudrait aussi qu’il assume ses décisions régaliennes : ce ne sont pas les distributeurs qui négocient les droits de douanes, les traités de libre-échange ou qui suscitent l’embargo russe.
Personne ne nie le fait que la concurrence internationale (polonaise, italienne, espagnole, allemande, ukrainienne, mais aussi brésilienne, argentine, australienne, américaine…) ait pesé sur la compétitivité de l’agriculture française et détruit de la valeur. A force d’avoir justifié les subventions de la PAC en plaidant qu’on était le grenier du monde, le syndicalisme agricole s’aperçoit – mais tardivement – qu’on produit beaucoup ailleurs, y compris avec de l’argent et des savoir-faire français.
Les agriculteurs français pourraient déjà sortir de cette nasse, principalement hexagonale, dans laquelle ils se sont enfermés depuis trente ans et européaniser définitivement leurs revendications. Oserais-je, mon cher Xavier, plaider pour que la FNSEA devienne la FESEA ?
En tous les cas, les distributeurs et E.Leclerc au 1er chef, acceptent bien volontiers une main sincèrement tendue, un partenariat, hors de ces futiles polémiques, pour participer à la revalorisation des produits agricoles français. Ce que les viticulteurs français, ont fait, et que nous avons su mettre en valeur dans nos foires et caves à vins, nous cherchons à l’organiser pour les fruits, les légumes et la viande. C’est d’ailleurs toute notre stratégie de revalorisation de l’offre en hyper.
Les Centres E.Leclerc s’offrent à aider le monde agricole à s’organiser pour sortir du piège des cours des matières premières (volatilité) et valoriser sa production au-delà de la simple matière brute (transformation, traçabilité, signes de qualité, engagements environnementaux… et bien sûr marketing).
A cette condition d’une production qui élève ses promesses nutritionnelles, environnementales, et tout simplement qualitative, nous pourrons revaloriser les produits français. En ce domaine, nos acheteurs et nos vendeurs sont d’excellents professionnels et ont fait leur preuve.
5 Commentaires
En effet, vous avez raison, à chaque évènement d'ampleur un tant soit peu médiatisé dans un contexte de crise, suffit sa table ronde et son communiqué de presse aux éléments de langage pré-machés!
Le politique et le syndical, lorsqu'ils n'ont pas la même formation partagent de toutes les façons au moins un point : ils ne parlent pas anglais tous les deux! Cela explique autant le peu d'influence de la France à Bruxelles que l'inanité de votre voeu de transformer le "N" de la FNSEA en "E".
Ne parlant ni l'anglais ni le langage de la consommation, logique de "revenu" pour le syndicaliste agricole et de "taxes" pour le politique, il ne faut pas attendre de ces corps intermédiaires de moins en moins légitimes autre chose que la capacité à défendre leurs intérêts de corps intermédiaires plutôt que ceux de leurs mandants...
Et vraiment vous avez raison, ce sont bien aux opérateurs économiques d'organiser les débouchés de la filière, avec, du point de vue du consommateur que je suis, des signes tangibles de qualité, d'excellence, etc...
Il y aura toujours des débouchés dans les magasins pour de bons produits car les consommateurs les plebisciteront. Le revenu de l'agriculture en dépend ; pas de Bruxelles!
Bon courage à vous.
André
La mondialisation profite à ceux qui se mondialisent et fait perdre à ceux qui restent dans la politique de l'après guerre de 1945. Le monde économique a changé sans remettre à niveau les anciens principes. Résultat notre agriculture souffre tout comme notre élevage alors que nous produisons notre consommation. Quels principes sont à revoir selon vous? Notre économie a-t-elle pris en compte l'évolution des flux?
Quant au domaine agricole, il s'est tellement habitué à recevoir des subventions qu'il ne sait plus gérer son compte d'exploitation et s'est trouvé pris à son propre piège.
Si nous jetons un œil sur les entreprises agroalimentaires, de grosses entreprises travaillent avec la Grande Distribution et s'en trouvent fort bien (je ne citerai que Besnier et LDC et il y en a beaucoup d'autres!!)
Je sais, nous sommes Français, mais arrêtons de pleurer sur notre sort et remettons nous en cause en permanence afin d'évoluer et de pouvoir se rémunérer convenablement.
Allez bon courage à tous !!