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Affrontement gauche/droite ? Mais si chacun pêche au centre, que deviennent les clivages ?
Hier soir, à l’heure des premières estimations, sur nos écrans TV… A les voir, à entendre les candidats, Sarko grand vainqueur de ce premier round leur avait piqué leur discours. Il y avait tout dans le sien. Le credo sécuritaire du candidat UMP, en version plus cool, mais aussi l’ouverture au centre. Il a tiré le premier, les autres ont eu bien du mal à se démarquer.
Ségolène d’abord. Beau score. Elle n’a pas démérité, loin de là. Elle s’est imposée aux militants, elle s’est révélée charismatique, énergique, perso mais déterminée. Elle a fait preuve d’intelligence tactique. Au final, elle s’est offert le luxe de faire oublier la piteuse performance de Jospin en 2002. Et aussi les propos désobligeants des éléphants à son égard. Hormis l’incontournable et omniprésent Jack Lang, ils se sont réfugiés dans un silence pesant.
Mais avez-vous vu Ségolène lire son texte ? Si maladroite ; sans conviction aucune, l’air emprunté. La raison ? Elle a été prise de court par le discours de Sarkozy. Elle s'apprêtait à aborder les mêmes thèmes. Il aura fallu près de trois quarts d’heure à ses conseillers pour réécrire le texte de son intervention.
Malgré cela, la similitude saute aux yeux : la République fraternelle, l’affirmation des préoccupations sociales (le clin d’œil aux ouvriers, aux handicapés, aux « anciens »), l’engagement de protéger le peuple contre les effets négatifs de la mondialisation (les délocalisations). Les mêmes propos que ceux de Sarko. Les socialistes attendaient le candidat de l'UMP ancré à droite. Mais il avait choisi d’ouvrir au centre.
Le piège rend désormais l’exercice compliqué pour Ségolène. Pour se démarquer, elle doit gauchir son propos, au risque de faire fuir l’électorat social-démocrate qui avait suivi le gentil Bayrou.
Le Pen, lui, en a perdu sa superbe. Pourtant passé maître dans l’exploitation des défaites (« la faute aux médias, à l’establisment… »), il en était, lui aussi, tout chiffonné.
Le FN, deux fois violé ! Sarko leur a d’abord fait le coup du « baiser de l’araignée ». Et puis, comme Mitterrand avec le PC en 1981, il s’est transformé en mante religieuse en digérant une grande partie des électeurs de Le Pen.
Sa fille, Marine, avait beau dire que les idées de Le Pen avaient imprégné toutes les thématiques de cette campagne, au final, qu’en restera-t-il dans cette opposition entre chrétiens et socio-démocrates pour récupérer les idées centristes ?
Sarkozy a fait un coup de maître. Quoi qu’on pense de l’homme, son discours, hier soir, était de la belle ouvrage (signé Henri Guaino ?).
Il y avait de la hauteur (« Mes respects, Madame Royal »), de la projection (« I have a dream to-day »), de l’émotion, de la rondeur (y compris dans des gestuelles qu’on ne lui connaissait pas). Bref, de quoi susciter de l’empathie. Toutes les catégories sociales ont été courtisées par le candidat. Une intervention très radsoc (mais version nouvelle cuisine) qui fera date et dont je préconise l’enseignement dans les cours de marketing : « …protection mais pas protectionnisme, nation mais pas nationalisme, diversité mais pas communautarisme… ». Ni Edgar Faure, ni (mais oui !) François Mitterrand ne renieraient l’exploit littéraire. Même Giscard, près de son épée académique, a dû ressentir un petit coup de blues.
On verra bien comment tout cela sera transformé ! Mais incontestablement, à ce stade, Sarkozy prend une longueur d’avance dans la pêche aux électeurs qu’avait séduits Bayrou.
C’était ça le problème de Bayrou. Sur le fond des idées, il ne fut pas le moins intéressant. Qui ne se reconnaîtrait pas dans sa vision d’une République aux institutions rénovées, plus démocratique, plus « société civile ». Une sorte de social-démocratie débarrassée des scories de l’après-68, des vieux relents marxistes et idéologiques ! Personnellement, j’y étais très sensible.
Mais son handicap, c’est l’incapacité d’agir faute de majorité. Après dix années d’immobilisme, les Français veulent que ça bouge et c’est pourquoi ils ont privilégié le vote utile.
Bayrou peut-il encore peser sur son propre électorat, en créant un nouveau parti ou en négociant un espace auprès de l’un ou l’autre des candidats. Je n’y crois pas. Peut-être à long terme… Mais pour l’heure, j’imagine plutôt une cannibalisation de son discours au profit des deux candidats en lice, avec, comme je le disais, une longueur d’avance pour Sarkozy.
A titre posthume (je parle de la fin de ce round), Bayrou aura eu raison contre ceux qui postulent à raviver l’éternel clivage gauche/droite. Mais ce sera au détriment de son propre courant, faute de l’avoir organisé autrement.
30 Commentaires
Villiers + Le Pen + Nihous + Sarkozy = 45%. Et j'imagine qu'il y a plus de 5% de centristes qui voteront Sarkozy.
A gauche, l'extrême + les verts + PC + Royal = 37%. Il faudrait que plus des 2/3 des électeurs de Bayrou votent Royal. Cela fait beaucoup.
D'autant que la mission est impossible : coment avoir un discours qui convainque à la fois l'électeur de Besancenot et celui de Bayrou ?
Deux thématiques peuvent éventuellement être efficaces :
- le rejet du système, de "l'establishment", en se posant en victime des forces de l'argent et des médias : voilà qui peut avoir un effet large, de l'extrême gauche à l'extrême centre ;
- le "tout sauf Sarkozy", en jouant sur la peur, non pas des chars soviétiques place de la concorde, mais d'un retour des émeutes, des germes de guerre civile, ...
Dans les deux cas, la Politique avec un grand P n'a pas beaucoup à y gagner.
Et Sarkozy a déjà anticipé. De sa référence à Jean-Paul II, "n'ayez pas peur", à sa "République fraternelle", il construit un rassemblement large. Dans le droit fil du principe selon lequel au premier tour on rassemble son camp et au second on s'ouvre au reste du monde.
Le contraire de Royal qui a pris le PS en s'ouvrant d'abord au reste du monde !
Nous voilà donc vraisemblablement partis pour 10 ans de gouvernement à droite successifs, après les cinq ans de Raffarin et Villepin. Je crains que cela ne dure encore beaucoup plus, parce que la France vieillit et que la Gauche reste paralysée par un grand écart idéologique qui est finalement la marque de son inconsistance.
mais Bayrou n'etait pas une solution ne representant que 6% d'encartés, tel Hannibal le voila devant Rome avec une troupe heteroclite ne pouvant esperer une victoire a la longue. On ne peut demander a un homme sans organisation de mener un combat jusqu'auboutiste et d'obtenir un résultat, son manque de charisme et le coté simpliste de sa vision releve plus de la communication, le bric et le broc a l'image de l'entreprise cela ne fonctionne pas, hors toi le premier, tu dis que le petit commerce aurait pu survivre si il s'etait adapté,Bayrou aurait pu survivre si il avait fait une campagne differente.
mais cela n'est que supposition, dans l'instant, je pense plutot a une version soft de 2002, sans Le Pen, et un suivi de la contestation des appareils traditionels politiques, la France n'est pas plus centriste que fachiste aux yeux des scrutins et de leurs interpretations, elle se cherche un leader...
ah je dois dire que le discours de Sarko était balaise, celui qui a écrit ce discours est un fortiche de premiere, comme quoi il importe plus de parler et de discourir que de revisiter la politique.
Argentine
Monsieur MEL, allez-vous bientôt vendre des radars ? Il est vrai que l'on en aura besoin avec Monsieur Miss France...
Jean
Politique (certes) et Grande Distribution (certes encore) en ces temps d'élection présidentielle fortement teintée de pouvoir d'achat, parlons-en.
Jose-Luis Duran appelait hier de ses voeux dans les Echos un "futur chef de l'état avec un vision plus juste et sans préjugé de la grande distribution". On verra...
J-L. Duran se déclarait également étonné des déclarations de Ségolène Royal à l'issue de la visite de cette dernière dans un magasin Carrefour à propos de "destruction d'emplois" et "de prolétariat féminin".
Justement, sur la problématique en question des caisses automatiques, la CFDT je crois, dénonce le caractère prédateur d'emplois de ce dispositif.
Qu'en pensez vous? Qu'en est-il dans votre enseigne?
Merci pour votre réponse.
Mais dans le fond, où tout cela va t'il nous mener ??? Au-delà des techniques de communication (savamment apprises), au-delà du "qui est meilleur que qui dans la course aux promesses", quel avenir Sarkozy (s'il est élu) nous réserve t'il ?
J'ai peur et je crois qu'il y a sincèrement de quoi (sans diabolisation).
Un peu de bon sens, de psychologie, d'analyse des propositions. Excusez-moi mais, pour ma part, je ne confierai pas mes enfants à cet homme...
Si N.Sarkozy est élu (ce qui est vraisemblable), il y aura des sanglants réglements de compte dans le camp socialiste...
On ne fait pas avancer le schmilblick de cette façon !
Croyez-vous que Marie-Ségolène était convaincante dans son discours du soir des élections ?
Argentine
Ce qu'Edouard Leclerc voulait dire, et qu'il me rectifie si ce n'est pas le cas, c'est que Nicolas Sarkozy a fait du marketing politique bien réussi. Il sait convaincre par son discours. J'ajouterai même qu'il a bien investi dans la publicité : spam (on tapera sarkospam dans un moteur de recherche pour en savoir plus), des affiches toujours dominantes...
Et Ségolène faisait à mon avis de même (avec le sourire, pas la parole, malgré des efforts), mais elle a moins bien réussi.
Cordialement...
bien, reprenons "un discours sans ame" peut on lire plus haut , c'est faire fi de la notion d'interet général évoquée, Nicolas fait mouche et marche en plein sur les plates bandes du PS, qui en demonstration nous on offert la notion de l'interet particulier aux vues des nombreux candidats, ce discours va chercher ses racines au plus profond de notre histoire et est placé au bon moment et au bon endroit, donc le professionalisme est bien present face a une absence totale de réplique, les strateges du PS sont largués.
Sarkosy n'assure pas le role de nounou, n'en déplaise a ceux qui ont des problemes de garde d'enfants,.j'ajoute que la psychologie revendiquée n'est pas dans la ligne de l'analyse, l'attaque est nulle et n'intervient pas dans les champs de competances.
On peut lire dans les interventions, un sujet tres cher a la démagogie de gauche, l'habituel le relent permanent, la dictature planante,amusant, mais le pen n'est pas au deuxieme tour et les preformatés de centrale auraient dut etre changés, la fete continue et de surcroit on compare la France aux Etats Unis, amalgame Bush Sarko tant qu'on y est, ben voyons.
Le pompon la dictature installée dans la chambre a coucher, il serait tentant de faire en réponse, une attaque tres basse a forte connotation sexuelle, mais le site ne s'y prete pas, et je vais me faire censuré a juste titre....
Bref Bayrou pense monter son propre parti ce qui determine la bassese du joueur trahissant sa famille et ne representant que lui même, 12 député a cette heure rejoingnent sarko, qui ment a qui?
la politique est un jeux puissant ou seuls les gogos se laissent seduire, par ce qu'il leur parait etre, déformant selon leurs inclinations ce qu'ils pensent avoir compris tout en le repetant de maniere encore plus érronée que la source d'origine, la source d'origine ayant calculé l'impact dsu pouvoir de nuisance, amen!
Je suis née et reste capitaliste si vous voulez que je sois absolument une -iste. Mais, cela ne m'empêche ni de repousser un Sarkozy et un Jospin, ni de soutenir un Chirac et une Royal. Ce qui me guide, c'est l'amour de France et de ses valeurs.
c'est pas Lénine qui disait ça?
Les deux nations sont des démocraties...
Vous comparez cela à des dictatures... Nous ne sommes plus en 1936...
Je ne vous suis pas sur ce chemin... vous risquez de vous enliser...
La France -comme les E U- sont des démocraties et aucune dérive n'est possible, sans que le peuple ne se soulève...
Nous sommes loin de ce schéma !
Soyez réaliste !
Cordialement
C'était à Nîmes...
Nulle part ailleurs, dans les différents discours je n'ai entendu cela... et, croyez moi, je suis assez au courant de l'actualité politique.
Chacun ses valeurs... et je respecte les vôtres -assez élastiques... puisque vous soutenez ET Chirac ET Royal...
Bien cordialement.
qui a écrit ce discours ?
Nous pensons bien que la politique ne sert qu'à ceux qui sont payés pour en faire. Depuis cinquante années, il a toujours fallu que nous travaillions, et aucun politique n'a jamais résolu un problème même gros comme un nez au milieu de la figure...
Maintenant il y eût une question au Bac 2002 : La politique est-elle une science ou un art ? Et nous avions répondu : C'est l'art de prendre les autres pour des cons, sans qu'ils s'en aperçoivent. Aujourd'hui en 2007, ils s'en aperçoivent, mais cela ne change rien.
Excellente journée. Jean.
Il faut que M. Bayrou regarde aujourd'hui la société sous tous ces angles (économiques, socials, la politique extérieure aussi).
Certains groupes de travail se projettent dans les cinquantes années à venir (lutte contre les discriminations, le développement durable, l'écologie, la police de proximité, une meilleure coordination européenne, la haute technologie, une meilleure prise de conscience en faveur de la santé...).
Reste le présent.
Reste le plus délicat à gérer.
Une réorientation de l'économie ne peut pas s'accomplir à la légère. Elle concerne 64 millions d'individus. Pour moi, il doit prendre position dans les clivages gauche/droite en faveur du second tour.
Tchao M.E.L.
(F.Bayrou représente bien un parti politique qui s'appelle jusqu'à aujourd'hui : UDF)... Il est également vrai que dans vos anciens livres d'or vous naviguiez entre J. Chirac, P. Mauroy, B. Kouchner, Mme Mitterrand, S. Royal, R. Bachelot, D. Voynet... c'est dire votre élasticité !
Jean ne navigue pas et a toujours exprimé ce qu'il pense.
Jean n'a aucun livre d'or ou d'argent. Jean ne fait pas de déclaration d'amour à un homme.
On ne comprend pas très bien vos propos... Ni quelle idée et jalousie vous animent...
Mais cela ne nous ennuie pas du tout.
Vous dans l'anonymat vous êtes le phénix de ces épiciers et le redresseur de tort.
Nous vous saluons cher Monsieur...
Vous ne savez visiblement plus où vous habitez...
Il est vrai qu'avec tous vos sites, blogues (une cinquantaine, tous mort-nés)... et vos multiples pseudos (même féminins...), vous ne savez plus trop où vous en êtes !
Je vous plains...
Bonne santé !
"cher monsieur", titre de l'entete, invite déja a la plus grande méfiance, le mieleux etant l'apannage des convoiteurs, l'art du pseudo alexandrin qui suis, dans le texte, est l'expression d'un esprit tourmenté déconnecté du monde, ce qui n'enleve rien a l'amusement du clown de service.....
Les clivages droite/gauche ont leur utilité commune. Si un seul parti politique existait alors cela ne s'appelerait plus une république.
Cependant, le jeu se resserre. Quelque soit le candidat sortant, il devra affronter la réalité économique en face. Et ce candidat là n'aura que cinq ans pour convaincre : la menace de l'extrème, malheureusement, n'est pas éteinte.
Tchao M.E.L.
autre chose.
Militant UDF, je reste effaré devant l'incapacité intellectuelle de certains français à sortir du clivage droite/gauche!
Avant la campagne des gens m'ont dit "droite gauche c'est toujours la même chose" et je suis d'accord avec eux. En fait la marge de manœuvres des politiques est si faible qu'en pratique c'est la même chose sauf pendant les campagnes.
Le centre correspond pour moi à un système de valeurs profondément humanistes et une à attitude d'ouverture et de sérieux de ces membres. Nous sommes donc au dela des doctrines politiques qui n'ont aucun impacte sur les politiques à venir. Croire que voter Ségolène, c'est rendre les riches plus pauvre est très naïf. De même penser qu'élire Sarko va rendre les employés précaires et baisser la violence est complètement illusoire et faux pour pour le second point (cf les statistiques du ministère de l'intérieur).
Je trouve passionnant de voir à quel point tous les cinq ans l'ensemble des français se reprennent au jeu! Mais ce qui m'amuse le plus c'est qu'entre temps ils me déclarent que "la droite et la gauche c'est la même chose". Je suis plein d'admiration envers les communiquants du PS et de l'UMP qui recréent l'envie à chaque élection. Ce qui est fondamental pour la démocratie et donc important.