Carrefour : les actionnaires et le temps

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« Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille ». Carrefour qui les accumule, confirme le célèbre diagnostic chiraquien. Après 6 mois de tumulte interne et de piétinement commercial, le groupe limoge son directeur général. Un an à peine après son recrutement, il n’aurait pas atteint ses objectifs, dixit Lars Olofsson. Le temps : voilà la hantise des actionnaires de Carrefour. Invoquer le temps, inculper le temps, c’est une manière de transférer les responsabilités sur les opérationnels, c’est une manière d’éviter les remises en cause stratégiques. Or, le problème de Carrefour, tout le monde le sait, c’est sa stratégie illisible sur les prix. Il faut du temps (et bien sûr de la volonté) pour construire une image prix. Du temps que ne veulent plus concéder les actionnaires. Le management ne peut qu’être poussé à la faute, comme il l’a faite au mois de mars en étant la première enseigne à remonter brutalement ses prix. Je ne cherche évidemment pas à dédouaner tel cadre de Carrefour. Mais sous la pression des seuls critères financiers, je dois dire je ne serais plus le Président des Centres E. Leclerc depuis longtemps. Pas plus ne serait encore en poste la quinzaine de cadres qui, dans notre Groupement d’Achats ou à l’Association, ont grandi depuis 20 ans avec moi en participant au développement de notre enseigne. Et vous savez quoi ? Je pense très sincèrement que sur ces critères-là (de retour immédiat sur investissement…), Edouard Leclerc lui-même aurait été évincé dès les premières années de son mandat. Et le comble, j’en suis sûr, c’est que les fondateurs et les premiers Présidents de Carrefour auraient été, eux aussi, éjectés. On ne peut fidéliser sur les prix sans être constant. On ne peut être performant sans la durée qui capitalise. Pour l’entrepreneur, le temps est une espérance d’opportunités nouvelles. Au pire, il permet de gommer les erreurs. Mais pour le boursier, le temps est une dépense qui le prive d’autres opportunités de profit, c’est donc un danger. J’écris ces lignes pour rappeler à mes adhérents et à nos fidèles consommateurs la raison pour laquelle nous ne serons jamais cotés en bourse. Il s’agit pour nous de rester maître et responsable de notre projet d’entreprise et de notre avenir.