SOCIÉTÉ Actus / Débats

Concurrence : délit d’autorité ?

L’Autorité de la Concurrence vient d’émettre un Avis qui a laissé sans voix l’ensemble des distributeurs. Dans le but louable d’éviter les risques de concentration dans certaines villes, l’Autorité de la concurrence élude en deux pages la principale explication : les obstacles administratifs, telle la loi Royer, qui ont depuis 35 ans gêné l’implantation des enseignes. Elle constate ne pas avoir la possibilité de remettre en cause la concentration des leaders intégrés. C’est donc sur les réseaux franchisés et les groupements d’indépendants que porte son interrogation. Et sans aucune précaution, elle balance cette accusation définitive : « Les magasins affiliés sont aujourd’hui captifs de l’enseigne qui les regroupe ». Situation qu’elle décrit sous forme d’un avis, mais que beaucoup de distributeurs indépendants interprètent comme une injonction. Les arroseurs arrosés  Il faut dire que les leaders de certaines enseignes intégrées salivaient à l’avance. Ils n’en faisaient pas mystère : cette « autosaisine » de l’Autorité de la concurrence arrivait à point. Les E. Leclerc, Système U et Intermarché, revenu dans la course, en faisaient un peu trop avec leurs 5 % de croissance quand d’autres, boudés par les consommateurs, n’avaient d’autre excuse que « la crise de l’hyper ». Et donc ils en rêvaient : fragiliser les indépendants et enchérir auprès des patrons E. Leclerc quand vient l’âge de prendre la retraite. Dans les rangs de la FCD, on ne se lassait pas de dire que même Serge P., irrité du transfert de quelques associés U passés chez E. Leclerc, n’y trouverait rien à redire. Là, c’était sans compter sur la presse qui n’avait pas eu le temps de lire. Des 67 pages, à première livraison des médias, on ne retint que le tir groupé contre l’ensemble du secteur : « la distribution dans le collimateur de l’Autorité de la concurrence ». Pire, c’est contre Carrefour et Casino, suspectés de s’être approprié 80 % du marché parisien ( !!!) que le Conseil municipal de Paris a demandé qu’on prolonge l’enquête pour ouvrir le marché à de nouvelles enseignes d’indépendants !!! Quelles salades !!! Et quelle mouche a donc piqué l’Autorité de la concurrence pour prendre ainsi le risque de provoquer une telle pagaille. J’ai écrit au Président de l’Autorité de la concurrence et lui ai signifié à peu près ceci : a)  L’Avis pratique des amalgames. On y parle trop indistinctement de situations commerciales très différentes. Un associé U ou un adhérent E. Leclerc n’a pas les mêmes avantages, ni les mêmes contraintes qu’un franchisé qui se contente de payer une redevance de marque. Dans un cas, l’adhésion à un réseau peut être le projet d’une vie personnelle et professionnelle, dans l’autre, le licencié de marque essaie de saisir les meilleures opportunités du moment. C’est comme dans la vie civile : il y a les pratiquants de l’union libre, et ceux qui se sont promis fidélité dans le mariage. Vouloir harmoniser les contrats des uns et des autres n’a pas de sens. b)   Je ne conteste pas le rôle de l’Autorité quand elle dénonce concrètement les abus, les excès et les atteintes au bon fonctionnement du marché. Mais passer d’une recommandation générale qui viserait à préserver la liberté des entreprises…à l’injonction d’organiser systématiquement la mobilité des magasins indépendants entre réseaux concurrents, il y a un pas que l’Autorité n’avait pas à franchir. Partout en Europe, les réseaux d’indépendants cherchent à se renforcer pour concurrencer les grandes enseignes d’hypers. Je suis bien placé, après 30 ans de vie professionnelle, pour savoir ce qu’il est advenu des enseignes qui ne se sont pas suffisamment organisées (Egé, Codec, etc.).  c)  Exiger la fluidité des seuls réseaux d’indépendants n’est rien d’autre, ici, qu’un concept militant. Il ne viendrait à l’idée de personne d’interdire aux dirigeants de Carrefour, de Cora ou de Casino de se protéger d’une OPA sauvage. Pas plus, on n’est choqué que des actionnaires d’Hermès veuillent contrer les avances d’un Bernard Arnault en tentant d’organiser « un noyau dur » par des pactes d’actionnaires, etc. D’où vient donc cette idée que  les indépendants devraient, eux, fragiliser leur réseau ? A qui fera-t-on croire que, demain, des entreprises pourront rester indépendantes et se développer sur le marché européen sans être adossées à de solides structures ? d) Voici donc un avis en forme de sentence. Les conclusions y sont présentées comme impératives car « nécessaires ». Elles doivent être « mises en œuvre » sous la « vigilance » de l’Autorité. A lire la conclusion, la messe est dite, ce n’est plus un avis, c’est une obligation de se réformer…quand bien même rien n’est démontré…quand bien même les tribunaux, déjà saisis de litiges, ont validé votre organisation… Bref, disais-je, une vraie pagaille. Chacun se demande s’il est concerné, mais tous les indépendants sont interpellés. Ce qu’il en reste, c’est une somme de griefs. Et devant une telle confusion, mes adhérents m’ont demandé d’engager un recours, auprès du Conseil d’Etat, en annulation de cet avis.

6 Commentaires

Cher Monsieur,

tout d'abord le lien vers le texte intégral http://www.autoritedelaconcurrence.fr/pdf/avis/10a26.pdf

ensuite la composition du "collège" de cette Autorité: essentiellement des hauts fonctionnaires, juristes, universitaires, qui n'ont pas forcément le temps de pousser leur caddie eux-mêmes chaque semaine, sauf dans des zones estivales

la 1ère partie du rapport montre clairement que la concurrence au plan local a été freinée par des lois et réglementations nationales, et des commissions et des recours locaux. Il faut autant de temps pour l'ouverture d'un hypermarché que pour la mise en service d'une centrale nucléaire, soit 5 à 7 ans, mais la complexité est d'une autre nature. Des hauts fonctionnaires semblent actuellement dénoncer une situation que des génerations de hauts fonctionnaires ont contribué à créer.

En outre, concernant les liens entres magasins et enseignes: les magasins des indépendants achètent principalement auprès des centrales régionales, et se sont fortement liés à elles parce que le législateur Galland les y a poussés fin des années 90 (seuil de revente à perte, massification des achats pour rester compétitifs)

donc, si cette Autorité souhaitait faire le tour du sujet, elle devrait non seulement demander le toilettage des contrats et des conditions pour les magasins, qui pourrait être une conséquence et une partie du problème de concurrence, mais certainement pas le coeur du sujet, mais revoir complètement la politique et la réglementation en matière de distribution.

j'ai par ailleurs beaucoup ri en ce qui concerne la sous densité d'implantation des hard discounters dans certaines régions page 23, paragraphe 64. ALDI et LIDL, 2 enseignes allemandes sont plus présentes dans le Nord et l'Est d'après ce texte! Etonnant. Lidl cependant bien présent dans x autres régions, dont la Bretagne qui vous est chère
Quelle cruelle déception de ne pas avoir un site optmisé iPhone et autre appareil portable. Il n'est pas aisé de lire un blog si intéressant et provocateur dans le train.

M. Leclerc continuer de provoquer, comme M. Niels, regarder et innover autrement, ce qui n'est pas incompatible avec faire des profis.
mais le constat du marché bloqué sur Paris avec une trés faible concurrence reste intéressant. Combien de Leclerc dans paris et dans la petite couronne ? pourquoi si peu ? fatalité ?
Cher Monsieur,

tout d'abord le lien vers le texte intégral http://www.autoritedelaconcurrence.fr/pdf/avis/10a26.pdf

ensuite la composition du "collège" de cette Autorité: essentiellement des hauts fonctionnaires, juristes, universitaires, qui n'ont pas forcément le temps de pousser leur caddie eux-mêmes chaque semaine, sauf dans des zones estivales

la 1ère partie du rapport montre clairement que la concurrence au plan local a été freinée par des lois et réglementations nationales, et des commissions et des recours locaux. Il faut autant de temps pour l'ouverture d'un hypermarché que pour la mise en service d'une centrale nucléaire, soit 5 à 7 ans, mais la complexité est d'une autre nature. Des hauts fonctionnaires semblent actuellement dénoncer une situation que des génerations de hauts fonctionnaires ont contribué à créer.

En outre, concernant les liens entres magasins et enseignes: les magasins des indépendants achètent principalement auprès des centrales régionales, et se sont fortement liés à elles parce que le législateur Galland les y a poussés fin des années 90 (seuil de revente à perte, massification des achats pour rester compétitifs)

donc, si cette Autorité souhaitait faire le tour du sujet, elle devrait non seulement demander le toilettage des contrats et des conditions pour les magasins, qui pourrait être une conséquence et une partie du problème de concurrence, mais certainement pas le coeur du sujet, mais revoir complètement la politique et la réglementation en matière de distribution.

j'ai par ailleurs beaucoup ri en ce qui concerne la sous densité d'implantation des hard discounters dans certaines régions page 23, paragraphe 64. ALDI et LIDL, 2 enseignes allemandes sont plus présentes dans le Nord et l'Est d'après ce texte! Etonnant. Lidl cependant bien présent dans x autres régions, dont la Bretagne qui vous est chère
Quelle cruelle déception de ne pas avoir un site optmisé iPhone et autre appareil portable. Il n'est pas aisé de lire un blog si intéressant et provocateur dans le train.

M. Leclerc continuer de provoquer, comme M. Niels, regarder et innover autrement, ce qui n'est pas incompatible avec faire des profis.
mais le constat du marché bloqué sur Paris avec une trés faible concurrence reste intéressant. Combien de Leclerc dans paris et dans la petite couronne ? pourquoi si peu ? fatalité ?

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