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Cotisation sociale sur la valeur ajoutée des entreprises : une mauvaise idée
Le Président n’aura donc pas retenu la leçon. Son entourage disait Jacques Chirac sensible au message du Président du Conseil Constitutionnel (ma note du 4/01/06). La légèreté avec laquelle il a multiplié les effets d’annonce en tout genre, la semaine dernière, témoigne que la politique spectacle a encore de beaux jours devant elle. Et François Bayrou, servi sur un plateau par cette frénésie présidentielle, aura eu raison de rappeler qu’en matière d’emploi, « il ne suffit pas de claquer des doigts » (Les Echos, 9/01/06).
1) Le projet de CVA (cotisation sur la valeur ajoutée) : de quoi s’agit-il ?
Au départ, il y a une volonté. Le Président voulait lutter contre les délocalisations. Et diminuer les écarts de coûts de production qui pénalisent les industries françaises dans la compétition avec les pays émergents.
En France, le coût du travail est élevé. En partie, du fait des cotisations sociales, dont la part patronale représente environ 18 % du salaire brut. Résultat, on taxe les entreprises qui embauchent, on leur fait supporter une partie croissante des financements sociaux, ce qui annihile leur effort de productivité, et pousse les dirigeants à rechercher des implantations dans des pays à plus bas coût de main d’oeuvre.
JC propose un transfert partiel des cotisations sociales sur l’ensemble de la valeur ajoutée des entreprises (le projet, dans son énoncé actuel, reste très fumeux : on ne sait s’il s’agit d’un élargissement de la base taxable à un taux plus réduit ou d’une volonté de « ratisser » plus large pour récolter plus…).
2) La complexité du projet
L’idée d’élargir la base imposable est bonne. Mais la proposition de CVA a cet inconvénient : elle est extrêmement complexe à mettre en œuvre.
a) La notion de « valeur ajoutée » est un concept flou. Elle a quelque consistance en comptabilité. Mais il suffit de lire les journaux financiers pour s’apercevoir que personne n’utilise une définition précise. C’est si vrai que, pour les mêmes raisons, la réforme de la taxe professionnelle, annoncée depuis si longtemps, reste toujours en rade…
b) La question se pose aussi de savoir si une telle initiative peut être engagée dans le seul cadre de l’hexagone. L’impact d’une CVA sur les entreprises n’est pas neutre sur les conditions de concurrence. A Bruxelles, les négociations sur le taux de TVA dans la restauration ou le BTP ont provoqué le tintouin qu’on connaît. Imaginez les querelles que suscitera la CVA. Une telle réforme ne pourra jamais être prête le 1er janvier 2007 (comme annoncé par JC).
c) Enfin, la valeur ajoutée est une variable aléatoire. Comment calculer un taux sur une base aussi mouvante ? Je demande à voir.
3) Effets pervers
Je pourrais, en tant que distributeur, applaudir des deux mains. La CVA serait évidemment favorable à mon secteur, gros employeur, mais à faible intensité capitalistique (à l’instar des secteurs du bâtiment, du tourisme, et des services en général).
Mais la mesure pénaliserait terriblement toutes les firmes qui investissent en machines et en recherche : l’énergie, les télécommunications, l’ingénierie médicale, les centres de traitement informatique, etc…
Tous les rapports qui, depuis 1995, ont fleuri sur cette question (Chadelat, Foucauld, Malinveau, etc…) sont unanimes pour dire que les secteurs des hautes technologies seraient pénalisés par la réforme, et notamment les grandes entreprises exportatrices.
Pour atténuer ces critiques (qui me suffisent personnellement pour rejeter l’idée), des analystes font deux observations :
a) Ils proposent qu’on module le taux selon le secteur d’activité. Peut-être ! Mais si sur le papier, ça peut marcher, qu’en est-il de la complexité devant laquelle on risque de se retrouver :
- Complexité juridique, s’il faut préciser des catégories d’entreprises alors que les métiers n’arrêtent pas d’évoluer ;
- Complexité financière, puisqu’alors, on assistera à l’intérieur d’une entreprise à des transferts de valeur ajoutée entre filiales…
Usine à gaz garantie !
b) Plus étonnant, la suggestion d’Henri Sterdyniak, directeur de recherche à l’OFCE (Les Echos, 5/01/06). Il ne voit pas pourquoi il faudrait favoriser les entreprises de technologie puisqu’elles contribuent au développement du chômage ! ! ! Allons bon ! Déjà concurrencés par les pays à faibles salaires, devons-nous sanctionner notre technologie pour retrouver les vertus d’un plein emploi sans capital ? ? ?
Décidément, tout cela ne me paraît pas très sérieux. Je continue à penser que la piste de la TVA sociale (transfert des charges vers l’impôt de consommation) constitue le moyen le plus efficace pour alléger le coût du travail, et mieux répartir le financement de notre modèle social.
Le Président voulait lutter contre les délocalisations ; la CVA risque de les accélérer (il n’y a rien de plus facile à transférer que la valeur ajoutée).
Au fond, qu’on taxe l’entreprise sur ses salaires ou ses investissements…on taxe toujours les entreprises.
Copie à revoir.
9 Commentaires
façon, vous la récupérez sur tous vos
achats, frais généraux et amortissements,
alors où est le vrai problème?...
Nicolaes Maes
Il est en effet séduisant et me semble-t-il indispensable, d'élargir la base imposable. La CSG en taxant tous les revenus répondait à cet objectif.
Ne pas faire peser sur les salaires des charges trop lourdes est plutôt raisonnable. Nous avons dans ce domaine atteint un maximum, l'emploi et le pouvoir d'achat des ménages s'en ressentent.
Pénaliser les entreprises, c'est diminuer leur compétitivité et favoriser les importations. Cette approche est contreproductive.
Une taxe sur la consommation me semble la formule la plus lisible, la plus simple à mettre en oeuvre et la plus adaptée.
La combinaison géniale consisterait à affecter une part de la TVA au financement de la protection sociale. La démarche pourraît être progressive allant de façon linéaire en quelques années jusqu'à 1 point, peut-être 2.
En revanche, la TVA sociale ne me paraît pas constituer une solution satisfaisante :
- il y a d'abord un problème de masse : la TVA, c'est 110 milliards, les cotisations patronales 180 milliards (80 si l'on ne prend que les cotisations maladie et famille). Le transfert de cotisations patronales sur la TVA ne peut donc être que partiel, voire même très partiel puisque le droit communautaire nous interdit de passer le plafond de 25%.
- ensuite, la TVA française à 19,6 est déjà parmi les plus élevées d'Europe. L'augmenter davantage posera des difficultés dans les zones frontalières.
- en 3ème lieu, soit les entreprises répercutent dans les prix HT la baisse des cotisations mais dans ce cas la base d'imposition baisse, soit elle ne répercute pas et l'inflation menace avec les demandes de renégociation des salaires à venir. Dans les deux cas, ce n'est pas satisfaisant.
A mon sens, la question est la suivante : avec des prélèvements obligatoires à 44% du PIB, ce qui est un pic historique, l'urgence est-elle de prévoir de nouvelles recettes ou de maîtriser les dépenses ?
Entre la TVA sociale et la CVA, qui ont toutes deux leurs inconvénients, une autre solution, tirée du rapport Malinvaud, ne pourrait-elle pas être de poursuivre l'allègement des charges sur les bas salaires, en les finançant par une augmentation des cotisations sur les hauts salaires ?
alors est ce aujourd'hui le jour de la libération des dessinateurs en herbes?
Savez vous si Glénat va se décider à donner les résultats du concours?
merci
Mathilde
Je vous remercie de m'avoir répondu et garde toute confiance dans le bon traitement de ma candidature.
Bien à vous,
L'opticien.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=349109
Sur le fond, un de vos dernières phrases est :
"Le Président voulait lutter contre les délocalisations ; la CVA risque de les accélérer (il n’y a rien de plus facile à transférer que la valeur ajoutée)."
Est-ce à dire qu'il faudrait choisir entre la délocalisation des emplois (cotisations assises sur les salaires) et la délocalisation des profits (cotisations assises sur la VA) ?
Vous allez me dire "les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain", mais au-delà du pseudo théorème de Schmitt, bien discutable en lui-même, la question est de savoir si les investissements en question sont réalisés dans des secteurs à croissance riche en emploi. Or ce n'est pas vraiment le cas...
Vous avez raison, la CVA est une usine à gaz. Au delà de cet aspect, elle partage avec la TVA sociale le grave défaut (du point de vue des salariés) de découpler les cotisations du salaire. D'ailleurs c'est l'objectif. Comme Sébastien, je pense que les augmentations de salaire seront de pus en plus à l'ordre du jour, pour un certain nombre de raisons (la hausse du coût du logement, pour n'en citer qu'une).
Est-ce un hasard si c'est justement dans ce contexte qu'il est proposé de déconnecter les cotisations du salaire ?
Voila comment se termine ce post...bien entendu au tout debut c'est le couplet sur les salaires...
Dites nous une bonne fois pour toutes la fin de l'histoire cher MEL.
C'est quoi le but de tout ce cirque.
Votre but cher MEL?
Vous arrivez comme ça sur le net, " Le blog de MEL"
C'est quoi l'histoire?
Vous parlez a qui?
Vous aimez faire le "people", mais il me semble que vous vous dégonfliez, alors vous parlez de vos sous-sous.
J'aimerais être assis a la terrase d'un bistrot avec vous, et vous dire en toute simplicité, qu'en y regardant de plus près depuis le debut du blog vous racontez qdm un paquet de conneries...souvent bien gonflantes. Les taxes et tout ce foin tout le monde s'en fout. Plus personne n'arrive a compter dans sa tête en Euro...Alors...
Alors comme-ça vous lisez toujours Fripounet et Marisette?
La « valeur ajoutée » porte aussi un autre nom, l'ensemble des revenus, comme l'explique trés bien Pascal Salin.