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Fabius, Jospin, Lang, Strauss-Kahn et l'offense faite à Ségolène

img_blog_290806_segolene Je ne sais pas si les participants à l’Université d’été du PS, ce week-end à La Rochelle, sont satisfaits de l’image qu’ils ont donnée d’eux-mêmes. Mais une chose est sûre : le concert des éléphants, le soir, quand retombe le rideau, a quelque chose de fascinant. Et de franchement pathétique. Fascinant… parce que selon une règle bien connue de ceux qui sont passés maîtres dans l’art de la communication, tout bruit, tout commentaire ou toute critique exagérément faits autour d’un adversaire, surtout s’il est déjà populaire, ne conduisent qu’à renforcer sa « visibilité », sa notoriété, sa légitimité. Ségolène n’a jamais autant engrangé… Pathétique… ? A défaut d’opposer leurs idées, d’afficher leur propre programme ou d’exprimer leurs différences, les propos des multiples prétendants socialistes s’apparentent au comportement de certains critiques cinématographiques : « Trop populaire, trop médiatique », comme on dirait « trop commercial pour être un bon film, un vrai film, une œuvre… ». On croirait lire certaines tribunes de Télérama ou des Cahiers du Cinéma quand de farouches opposants à toute culture populaire font la fine bouche devant l’audimat. 1) Dans le genre, le clown le plus triste, c’est quand même notre Jack Lang. Franchement, comme le rappelle Guy Konopnicki dans Marianne (26/08), « Jack Lang n’a pas été le plus inutile des ministres, ni d’ailleurs des socialistes ». Mais faut-il être « faux derch » pour reprocher à Ségolène Royal de n’être « qu’une production du système médiatique » quand lui…maître du genre… abusa du système !!! 2) Pas mal non plus la sortie de Laurent Fabius : « Si on pense qu’on peut s’en sortir par le look, ce n’est pas possible » dit-il sans élégance. Ramenant la popularité de Ségolène à sa seule capacité médiatique, il sait être encore plus goujat : « Bien sûr, il faut utiliser les techniques nouvelles et ce que d’aucuns appellent l’interactivité, la relation directe entre la société civile et les lieux de pouvoir. Mais les tuyaux ne donnent pas le contenu. La technique ne remplace pas la politique. Il faut avoir des idées, des convictions, exposer les enjeux, dire quelles sont nos décisions demain et quels seront nos actes ». Toutes capacités dont Ségolène, évidemment, serait dépourvue ! 3) Dominique Strauss-Kahn aime les femmes. Il le dit et cela se sait. Plus malin, il évite l’attaque directement machiste, mais c’est pour mieux se positionner en homme d’expérience. Mais l’expérience est-elle définitivement incompatible avec la popularité ? 4) C’est ce que semble croire Lionel Jospin qui revendique la sienne. Ce à quoi Ségolène répond par avance : « J’entends dire çà et là qu’il faudrait pour diriger la France une expérience que très peu possèdent ici-bas. Mais cela ne suffit pas. Je sais surtout que ce qui compte, c’est la capacité à mobiliser l’expérience collective… ». Ah, décidément, « tous contre Ségolène ! ». Mais ils devraient être plus prudents, nos éléphants. Outre qu’à leur tour, avec leurs petites phrases, ils alimentent la peopolisation qu’ils dénoncent par ailleurs, ils placent l’élue de Poitou-Charentes sur orbite. Et, finalement, la confirment dans ses choix : ne pas dévoiler trop tôt un programme dont tous, hypocrites, réclament « les bonnes feuilles ». Un piège puisque, parallèlement, militants et éléphants s’évertuent à rappeler qu’il faut jouer collectif et faire prévaloir les idées du parti. De toute façon, tactiquement, Ségolène joue sur du velours. « Le PS tourne aujourd’hui « La Croisière s’amuse » (Jean-Luc Mélenchon dixit). Et dans cette ambiance, suicidaire est celui qui voudrait entamer un débat de fond ! Comme beaucoup de citoyens, j’ai hâte de connaître les principaux engagements de Ségolène Royal sur l’Europe, la mondialisation, l’entreprise et l’économie de marché, l’environnement, la réforme du système éducatif, etc. Pas question, quels que soient, demain, les candidats, d’aller déposer un chèque en blanc dans l’urne. Mais les reproches qui lui sont faits par ses pairs sentent la bile et me paraissent finalement terriblement machistes ! Et en tout cas, je ne vois pas qui, dans les accusateurs, pourrait se soustraire aux mêmes critiques. Tous ont connu la popularité. Tous ont connu les mêmes conditions d’exercice du pouvoir, en tant que ministre ou sur le plan local. Alors…Messieurs les éléphants, ayez l’affirmation plus modeste… Dans Le Figaro Magazine (26/08), Isabelle Adjani a livré à JC Buisson une passionnante interview. On y lit cette phrase très vraie : « Je suis indéniablement en décalage avec le rythme du monde moderne qui exige que l’on ait tout fait avant même d’avoir entrepris quoi que ce soit ». La notion de « devenir » n’existe presque plus. Sur le même mode, mais à l’inverse, oserais-je dire qu’il n’est pas décent, quel que soit le candidat à la présidence de la République, d’attendre de lui (ou d’elle) qu’il en ait déjà les attributs, les idées, l’aura et le crédit…avant même que d’avoir jamais été en fonction !

16 Commentaires

Bien que n'étant pas du tout socialiste, mais attentif à la vie politique française, j'ai suivi comme vous les interventions des "éléphants" du PS. J'en tire les mêmes conclusions que vous ! ILS n'ont RIEN compris et restent sur les bases du socialisme d'antan... sur les bases d'un discours avant tout dogmatique et quelque peu rétrograde.
ILS se veulent SOCIO ceci, cela, anti- truc, pro-, mais surtout pas socio-démocrates... un vilain mot, que dis-je, une injure!
Il est vrai que Marie-Ségolène surfe sur une vague people... autre temps, autres moeurs... Le changement de la classe politique est attendu et même si Marie-Ségolène n'a pas de programme, ses conseillers sauront lui donner les cartes nécessaires... jusqu'au face à face avec Nicolas sarkozy...
Quelle jolie phrase d'Isabelle Adjani....et tellement vraie...
Epoustouflantes sont vos critiques, Michel-Edouard, et l'aveu puissant(je le dis bien) d'Isabelle!
Moi aussi, "je suis indéniablement en décalage avec le rythme du monde moderne qui exige que l’on ait tout fait avant même d’avoir entrepris quoi que ce soit". "La notion de « devenir » n’existe presque plus", alors que l'existence même n'est que le devenir!
J'aime à croire, et espère que Ségolène fait partie de ces grandes personnes, tous bords confondus, qui savent attendre, au mépris de toutes les jacasseries, leur heure avant d'abattre leurs cartes.
A la place de Lang, de DSK(qui aime les femmes sans les aimer, voulez-vous dire?!) et de Jospin, je ne m'abaisserais pas davantage à débiter les propos dénigrants si peu élégants, si peu justifiés et stériles, stériles car ils ne seront de toute façon jamais président de la RF, contre Ségolène.
Nous le verrons...
A la prochaine.
Argentine
Gentil Webmaster, comme le répète souvent MEL,
Ne voulez-vous pas corriger quelques fautes de français qui se sont glissées dans mon message précédent? Ma pensée était si entièrement à Ségolène que j'ai résumé toutes les personnes à elle seule. J'ai peur que le professeur de français qui navigue sur votre toile ne me gronde... Sinon, vous pouvez supprimer mon message.
Merci d'avance.
à quand une obligation de résultats quand on est élu ?
Quel trou d'air salvateur cela ferait ... à la démocratie...
MEL puis-je "copier" votre avis sur SEGOLENE
sur d'autre blogs ou elle fait l'objet de denigrements ?
vos prises de positions sont claires et bien argumentees
et dans le cas de SEGOLENE je partage votre avis a 100%
Une fois n'est pas coutume, je ne suis pas très convaincu par ton papier, MEL !
Il y a, à mon sens, une réelle complaisance de la presse à l'égard de Ségolène Royal. Elle doit sa hausse dans les sondages plus à l'exposition médiatique qu'on lui accorde, à raison de ce qu'elle est plutôt de ce qu'elle dit, qu'à l'exposition de ses idées.
J'entendais cette semaine Joseph Macé Scaron de Marianne, autrefois du Figaro, qui disait clairement que les médias avaient choisi leur affiche : la présidentielle doit opposer Sarkozy et Royal. Et quand Le Point fait sa couverture de rentrée sur "Ségolène, comment elle se prépare", on comprend qu'en réalité ce n'est pas la presse qui a choisi c'est la droite !
Je ne trouve donc pas anormal, dans ces conditions particulières d'ascension politique, que les adversaires du moment de Ségolène Royal disent ce qu'ils en pensent. C'est la loi du genre.
C'est le contraire qui serait hypocrite !
Peut-on esperer qu'en France, un jour le Politique qui se présente à une élection n'aura jamais été condamné par la justice.
tout(e) Politique qui a été comdamné à la moindre peine dans les 5 dernières années, devrait être RADIE A VIE DE TOUTE POSTULANCE FRANCAISE OU EUROPEENNE.
C'est trop facile de s'écarter du pouvoir le temps qu'il faut, et de venir se représenter sitot la peine épurée.
Faut-il que les électeurs soient bêtes pour donner le moindre crédit à de tels hommes.
Moi, j'ai suivi ces journées et je ne sais toujours pas pour qui voter...
Ségolène... mais elle est de Droite non ? :P
DROUHOT => heu plus personne ne pourra se présenter, non ? ;)
" Je suis indéniablement en décalage avec le rythme du monde moderne qui exige que l’on ait tout fait avant même d’avoir entrepris quoi que ce soit "
c'est grave ! miele ! très grave ! trop grave ! trop trop grave ! vraiment très très grave !
évident d'avoir une politique moderne damocratiemoderne respecteuese des intarêts des existence des uns et des autres ! des sociéts de la grande distribution ! mais vraiment ce n'est plus possible que certains
participe à la société génarale ce n'est plus possible d'avoir les m^mes sociéts générales ni la m^me grandes distributions et comme vous l'exprimez très bien la qualité de ses fournissuers pme etc .. qualité sacurité solvabilité bonnes pratiques vers des projets correctement organisé et qualifié solvable ... !
on ne peut avoir ce que l'on veut sans le faire, ni se le faire prendre avant ni de le faire quand il ne faut pas le faire et puis ingeneirei expertise temeporelle , horaires des supermarchés, des sociétés pays et évolutions ! évident donc que sur les bases et références externe interne il y a obligation de sacurité technique politique de fonctions de responsable de bon responsable !
comme un bateaux de croisières la grande distributions à aussi des ports techniques .... et des services pour son rythme et rythme politique ! c'est aussi un choix de société moderne et civilisée et donc pas d'interférence d'activité, shéma dans le temps ni de calage et entrave ennemies, ce qui est une varitable préoccupation ...! pas de grain de sable pour stoper la machine !
l'activité se fait dans le temps l'existence aussi ! il ne faut plus faire confiance au politiques actuels qui ne voient que l'accaparement facile comme le résultats !
ce n'est donc plus un choix politique mais une orientation politique régulière de filtrage sélection et exclusion !
cause et conséquence amont aval - spécialisations !
Ce qui rajoute de la faire cette activité avec les bons intervenants, réussir à en avoir les conditions, se défendre, savoir se faire entendre,être exigent et régulier, technique, plans programmes et de ne pas se le laisser prendre les résultats !
hypermarchés apolitiques ! pas vraiment !
c'est donc lutter contre des sytèmes temporel qui véritablement comme une politque non conforme à la morale se veut d'avoir les résultats sans en avoir réaliser l'activité !
il ne faut pas le faire n'importe comment ! n'importe où n'importe quand ! avec n'importe qui ! pour n'importe qui !
Merci, adorable Webmaster! MEL n'exagère rien quand il vous qualifie de gentil!
Très bonne journée, et à bientôt.
Argentine(c'est mon vrai prénom)
Merci de tout coeur pour ce post, qui m'apparaît encore, mais c'est subjectif, tout à fait limpide.
Ce que je crains de poser c'est cette question : à maîtriser de multiples aspects de votre environnement, ne vous arrive-t-il jamais de vous sentir au bord du précipice ? Et si oui, comment faîtes vous pour vous en sortir à chaque fois ;-?
Je voulais aussi remercier ces contributeurs qui réconcilient avec le blogging, mais le webmestre veille surement... et remercions la de ne pas toucher une virgule (?) des textes de xb, qui doivent finir encadrés, c'est ...
Réponse à sebastien (31/08/2006)
Je ne crois pas penser différemment de toi, Sébastien. Et je ne pense pas que nos commentaires se contredisent. En fait, dans ma note, je ne contestais pas que le succès de Ségolène Royal était façonné par l’opinion. D’une certaine manière, même, je suis d’accord avec François Bayrou pour dire que les grands propriétaires de médias ont choisi de « mettre en avant » les candidats qui font le plus « vendre ». Et peut-être aussi qui sont considérés comme les plus rassurants.
Ce que je disais tout simplement, c’est que les adversaires de Ségolène Royal au PS étaient, vu leurs rapports passés aux médias, malvenus de le lui reprocher. Et qu’à tout le moins, c’est être sacrément goujat que d’en déduire qu’une personne, a priori parce qu’elle est une femme, n’aurait d’autre contenu que sa « popularité ».
Je ne suis pas particulièrement partisan de Ségolène. Et Ségolène, pas plus que les autres, n’a encore abordé sérieusement les débats de fond que l’on peut attendre dans le cadre de cette élection. J’y vois une explication tactique. Mais de là à dire que c’est une cruche ?
Réponse à jpp (31/08/2006)
Oui, pas de problème. Excusez le retard de ma réponse. Vous pouvez reprendre les notes qui sont ici.
Je réside en Vendée, à Luçon,depuisAoût 2005 et fais mes courses chez Leclerc. Par hasard, je me suis retrouvée chez Hyper U, à l'autre bout de la ville, et quelle n'a été ma surprise de découvrir la différence de prix entre les deux magasins!! J'ai acheté poisson( du flétan, 3 € moins cher au Kg, Le whisky Glen fidich 4 € moins cher , des tas de choses dont je ne me souviens plus' c'était il ya 1 mois) mais j'ai eu un choc!! Cela fait des années que je crois en votre publicité ( "le moins cher", "n'allez pas plus loin!" etc...). en fait, c'est une formidable machine de communication qui m'a dupée. Je n'en reviens pas. votre style, homme humble et sympathique y était pour beaucoup mais aujourd'hui, je dis ce que je pense et en parle autour de moi constamment. J'ai poussé mes amies à faire les comparaisons , elles n'en reviennent pas!!! Je souhaiterais une réponse honnête et vous suggère de faire vous même les constatations sur place. Merci de faire la lumière sur cet aspect sombre que je viens de découvrir. Véronique Le Guen
Moi, je suis pour Ségolène. C est la meilleure.
On ne peut admettre qu un socialiste s'exprimme comme Mélenchon sur le Tibet
voici mon texte:(4 pages)
En Réponse à Monsieur Mélenchon
«… les « événements du Tibet » ont commencé par un pogrom de commerçants chinois par des Tibétains . » Luc Mélenchon, blog
« Les Tibétains ont perpétré des pogroms à l’encontre des commerçants chinois. » Luc Mélenchon sur Télématin, 10/4/2008
QU’EST-CE QU’UN POGROM ?
Le mot « pogrom » a été récemment employé par l’un de nos sénateurs socialistes à propos d’une action menée par des Tibétains en révolte. Mais qu’est-ce qu’un pogrom ?
Rappel : terme d’origine russe, repris en yiddish, pour désigner une attaque « avec pillages et meurtres d’une partie de la population contre une autre. » Le mot caractérise « un massacre de Juifs en Russie » entre 1881 et 1921, dit l’Encyclopédie Universalis. Ces persécutions et massacres s’exercèrent contre une minorité, avec « l’appui discret des autorités civiles et militaires » est-il précisé. Ainsi, l’armée blanche de Dénikine organisa plusieurs pogroms en 1919, à Konotop, Fastov et Kiev. Lisons bien : « l’armée, » qui, selon un témoignage, versait 500 roubles aux soldats pour chaque Juif tué. La même année, en Ukraine, des bandes de paysans massacrèrent les Juifs « avec l’appui des troupes ukrainiennes et du Premier ministre Simon Petlioura ».
Dans l’Allemagne nazie, les pogroms prennent un tour encore plus officiel. En 1938, lors du violent pogrom dit de la Nuit de Cristal, organisé par Goebbels, ministre de l’information de Hitler, celui-ci lance les Sections d’Assaut dans tous les territoires du IIIe Reich. Ceci en représailles officielles à l’assassinat d’un conseiller de l’ambassade allemande de Paris par un jeune de 17 ans vengeant sa famille polonaise. Cet assassinat fut considéré comme un « complot juif » attribué à la « communauté juive mondiale » pour justifier une vengeance sur l’ensemble du peuple juif.
De même, en Pologne, lors du pogrom de Kielce de septembre 1946 –donc après la fin de la guerre-- des survivants de l’Holocauste revenus chez eux furent massacrés (42 tués) avec la neutralité --en fait l’appui discret-- des autorités civiles et militaires.
Un pogrom n’a donc rien à voir avec une révolte, ni même une insurrection. Ces dernières ne sont en aucun cas appuyées, ni suscitées, par le pouvoir. Au contraire, elles sont dirigées contre le pouvoir d’une majorité qui opprime une minorité. Au Tibet, qui donc fait subir aux autochtones une occupation d’abord violente puis discriminatoire depuis 1950, sinon l’armée officielle chinoise omniprésente ?
Puisque M. Mélenchon rappelle l’époque féodale d’avant Mao Zedong, sa mémoire ne saurait être assez sélective pour oublier le gigantesque pogrom de Lhassa en 1959. La chasse à l’homme dans les monastères et les rues de Lhassa qui fut partiellement filmée1 a mis un terme à la vie de plus de 80000 Tibétains en l’espace d’une semaine. Les temples bouddhistes furent anéantis comme l’avaient été les synagogues lors des pogroms nazis. Les soldats c’était l’Armée de Libération du Peuple envoyée par Mao qui avait dit textuellement à Staline, lors de l’entrevue du 22 janvier 1950 : « Nous nous préparons à attaquer le Tibet ». Et , le Petit Père des Peuples avait approuvé « Il est bon que vous vous prépariez à attaquer le Tibet. Il faut soumettre les Tibétains. » 2
Ce qui s’est passé à Lhassa autour du 14 mars 2008 est une explosion populaire contre ceux que les Tibétains considèrent comme des occupants. Les déprédations et les crimes commis à cette occasion, qui ont causé la mort directement ou indirectement de 18 Chinois han, sont inadmissibles et constituent une entorse regrettée par les bouddhistes eux-mêmes. Elles étaient le fait d’une population excédée, incontrôlée, désespérée et suicidaire qui opposait un défi de la dernière chance à la police et à l’armée, car ils savaient qu’ils ne pourraient leur échapper. Mais les Tibétains et les Tibétaines se sentent si opprimés qu’ils sont prêts à donner leur vie pour la liberté de leur pays. Témoins ces cinquante nonnes arrêtées le 14 mai, dans la ville de Su-Ngo". Selon TCHRD, les nonnes ont organisé une marche de protestation après avoir tenu une réunion lors de laquelle elles ont proclamé : "Il vaut mieux mourir que de dénoncer, critiquer et attaquer le dalaï-lama. Si les Chinois veulent nous tuer, qu’ils nous tuent, nous ne regrettons rien." Parler de pogrom au lieu de révolte, c’est faire preuve d’une ignorance peu commune des faits. Dans l’enceinte du Barkhor où les résidents tibétains sont en majorité, et les commerçants chinois han une minorité, on pourrait, à l’extrême rigueur, parler d’un mini-contre-pogrom à l’intérieur de l’immense pogrom qu’est devenu le Tibet.
Décidément Monsieur Mélenchon, dans son parti pris, mélange tout. Il y a de nombreuses erreurs dans ses commentaires historiques et sociologiques sur la Chine et le Tibet. Pour faire court, n’en évoquons qu’une ici. Parlant de l’esclavage, il attribue généreusement au Dalaï-lama le désir secret de le « rétablir » en oubliant que le responsable du gouvernement tibétain en exil a mis en place depuis bientôt 50 ans des institutions démocratiques avec un parlement élu le 2 septembre 1960 ; une Constitution fondée sur la déclaration universelle des droits de l’homme promulguée le 10 mars 1963 ; un conseil des ministres, le Kashag, dont le président, premier ministre, est élu au suffrage universel.
Dénué du sens historique de la plus élémentaire chronologie, il omet de resituer la question de l’esclavage dans son époque alors que le nouveau Dalaï Lama qui venait d’être intronisé en urgence devant l’invasion n’était qu’un adolescent de 15 ans. C’était en 1950. Le système qui régissait le Tibet il y a 60 ans était plutôt une forme de servage ou de métayage ce qui est assez différent. Voir à ce sujet les réflexions pertinentes de l’ethnologue Katia Buffetrille, dans « Le Tibet en exil : A l'école de la démocratie. » 3 Ce système existait dans d’autres pays, y compris la Chine où, sous la dynastie des Qing (sans parler de celle des Han), de fréquentes révoltes paysannes, parfois très violentes, révèlent le mal-être des populations rurales et la dure exploitation dont elles étaient victimes, quel que soit le nom par lequel on désigne le système qui maintint cette paysannerie dans la pauvreté, la misère et la faim pendant des siècles.4
Nous ne discuterons pas ici de l’inexactitude de ce postulat de l’esclavage au Tibet avant 1950, ni du régime imposé à toute la Chine par Mao5 où la paysannerie fut d’abord utilisée pour être ensuite négligée, car il y a pire : il faut rappeler que les « libérateurs » du Tibet n’en sont pas moins aujourd’hui encore victimes, dans leur propre pays , d’une structure sociale perfectible. Monsieur Mélenchon, philosophe, sénateur de France et membre du PS n’a apparemment pas entendu parler du système du « hukou » chinois qui ressemble fort au servage. En théorie, le « Hukou » est un certificat de résidence qui attache le rural et sa descendance à son territoire d’origine. Le certificat temporaire longue durée est pratiquement hors de portée des travailleurs migrants.
« Le hukou a un statut héréditaire, dit Amnesty International, les enfants le reçoivent de leurs parents à la naissance. Un enfant né à Pékin de parents originaires d’un village rural recevra le même hukou qu’eux. Cela l’empêchera de recevoir un permis de résidence permanent dans la capitale, limitera ses chances de recevoir un enseignement gratuit… de jouir de son droit aux soins médicaux. » {…] « Ce système , même après les assouplissements accomplis ces 20 dernières années, constitue, engendre ou favorise des discriminations fondées sur l’origine sociale. » 6
En outre pour les travailleurs migrants, les arriérés de salaires impayés sont astronomiques et l’ouvrier qui quitte son emploi perd toute chance de les récupérer. D’après le Rapport d’Amnesty International, ces arriérés cumulés s’élevaient en 2003 à la modique somme équivalente à de plus de 18 milliards d’ euros. Un exemple qui fait penser à de l’esclavage : le migrant Xiang Guanghui a été battu sauvagement parce qu’ il réclamait ses arriérés. Son crâne a été gravement déformé. Montant des frais médicaux 6000 euros, pour lesquels son patron ne l’a pas indemnisé. 7
On peut aimer la Chine. C’est un beau pays, une belle culture, et son peuple, qui a beaucoup souffert, est endurant. Et les gens pleurent aujourd’hui les êtres chers disparus dans le séisme du Sichuan. Le premier ministre Wen Jiabao s’est déplacé et a été pris à la gorge en aidant les secouristes. On n’est plus tout à fait à l’époque où Mao disposait de centaines de milliers d’hommes sans sourciller. Mais il faut reconnaître les abus de pouvoir commis en Chine aujourd’hui aux divers niveaux de l’appareil d’Etat pour ne pas s’exposer à énoncer des énormités. De plus, en bon historien respectueux de la chronologie, il conviendrait d’éviter de parler du Tibet d’autrefois pour le comparer au monde moderne…
Notes
1- Histoire d’une Tragédie, film de documents d’archives, par Ludovic Ségarra.
2- Cold War History Project Bulletin, n° 6-7, p.9, cité par Jung Chang & Jon Halliday,dans leur ouvrage scientifique très documenté, Mao, the Unknown Story, Vintage, 2007, p. 552. [Notre traduction, littérale]
3- Katia Buffetrille, ethnologue, tibétologue, de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes : « Le mot "esclave" est parfaitement impropre. Très schématiquement, on
peut dire que le Tibet était une société à strates, très hiérarchisée […]Trois groupes seulement pouvaient être propriétaires : l'Etat, le clergé et les nobles. Le terme de "serfs", appliqué aux paysans, est contesté par certains tibétologues, qui préfèrent celui de "gens du commun" ou "sujets". […]
« En dépit de cette structure [les liant à la terre] qui peut paraître rigide, il y avait en fait une grande flexibilité. Ces paysans avaient des devoirs mais jouissaient aussi de droits. Les seigneurs n'avaient aucunement pouvoir de vie et de mort
sur eux. Il ne s'agissait pas du tout d'un système idéal, mais il n'avait rien à voir avec de l'esclavage. »
Voir aussi ce que Katia Buffetrille en dit dans le Rapport de groupe d'amitié du Sénat, n° 67, 2006 : « Le Tibet en exil : A l'école de la démocratie. »
4- Dès la fin du XVIIIème siècle, une révolte est menée par la société secrète du Lotus blanc (1796-1805), qui professe le taoïsme. La révolte la plus meurtrière est celle des Taiping, de 1851 à 1864. Ce mouvement paysan et nationaliste prône une réforme agraire fondée sur un mode égalitaire.
5- En 1953, Mao lance sa politique de réquisition de nourriture chez les paysans qui meurent littéralement de faim, forcés de se nourrir de feuilles, d’écorces et d’herbe. Une vague de suicides explose en Chine. Mao déclare alors au Politburo que « c’était une guerre contre les producteurs agricoles et contre les consommateurs d’aliments. » Les leaders des provinces chargés d’appliquer la politique de confiscation de la récolte chez les paysans par la violence si nécessaire, s’entendirent dire qu’ils allaient assister à de nombreux décès et à des révoltes dans 100.000 villages (Bo Yibo, [Recollections of Important Decisions and Events], Beijing 1993, pp. 263-264). Et Mao de dire à ses exécutants « Ayez moins de conscience (liang-xin). Certains de nos camarades ont trop de pitié, ils manquent de brutalité, ce qui veut dire qu’ils ne sont pas Marxistes » ( Bo Yibo, ibid., p. 351, cité en anglais par Jung Chang et Jan Halliday, op.cit., pp ; 479-480). En 1955, toute résistance aux réquisitions est assimilée à une idéologie contre-révolutionnaire. Dans son plan en cinq ans Mao formule sa politique : « Nous devons arrêter un million et demi de contre-révolutionnaires en cinq ans… je suis à fond pour davantage d’arrestations… Insistons là-dessus : arrestations en masse ; arrestations gigantesques. » (Mao CCRM, Center for Chinese Research material, vol. 13, p. 13.) Cité en anglais par Jung Chang et Jan Halliday, p. 481.
6- Rapport d’Amnesty International 2008 : Les Droits humains en Chine.
7- Voir l’enquête de Chen Guidi et Wu Chuntao, Les Paysans chinois aujourd’hui, éditions Bourin 2001 : « Chen Guidi et sa femme Wu Chuntao ont sillonné pendant trois ans l'Anhui, la province natale de Chen, et ont recueilli des histoires de paysans. Ils ont découvert une misère choquante, mais surtout des injustices criantes, une corruption généralisée, l'arbitraire et le népotisme des cadres locaux du parti communiste. En un mot, des campagnes au bord de l'explosion. »
A. Honora

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