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Le capitalisme et les actionnaires : la méthode F. Riboud à l’épreuve de la croissance, des OPA, et de la nécessaire innovation !

img_blog_040806_franck_ribo.jpg © Stéphane de Sakutin / AFP / Archives Pendant longtemps et injustement, la personnalité d’Antoine, son père, l’avait, dans l’objectif des analystes, repoussé dans l’ombre. Il avait pourtant habilement fait ses classes, imposé sa marque, posté ses hommes et déjà dit sa différence. Pour le connaître un peu, j’imagine qu’il a accumulé pas mal d’amertume et d’impatience, même s’il donne l’impression de n’en avoir cure. Aujourd’hui en tout cas, il cartonne. La claque, prise en défaut, en rajoute. Superbe « papier » dans toute la presse économique et financière. Franck, s’il le voulait, pourrait largement fanfaronner. Mais non, on le sent plus actif que jamais, sans doute gavé d’Actimel (Actimoi !!!) et même prêt à quelques acquisitions. Bravo Franck ! Je reviens un bref instant sur l’interview publié hier dans le Figaro (03/08/06). J’y ai péché trois commentaires intéressants : 1. D’abord un constat qui intéresse la distribution. Hyper et super, nous dit FR, ont fini de manger leur pain noir face au hard discount, du fait notamment des marques distributeurs. (A l’occasion, on observera ici ses qualités de vendeur : pas d’agressivité à l’égard des MDD, alors qu’on connaît sa capacité à flinguer les marques concurrentes : voilà qui s’appelle ménager ses clients distributeurs ! ) Il insiste : « c’est au tour du hard discount de connaître un ralentissement ». L’observation est confirmée par tous les panélistes. Reprise par un grand industriel, elle devrait convaincre tous ceux qui, analystes, politiques ou journalistes, n’y croient toujours pas et continuent d’apprécier nos stratégies commerciales à la seule aune de la part de marché du HD. 2. Ensuite, l’idée de « l’incubateur ». J’aime bien cette expression. Dans une grosse entreprise, c’est rarement la structure centrale qui propose les innovations. Les pionniers, les avant-gardes, les preneurs de risque vivent en marge, en périphérie des Sièges. Franck a l’honnêteté de reconnaître l’importance qu’a prise, pour le lancement de ses gammes bio, une structure interne décentralisée, dédiée à ce projet. C’est mieux qu’une élégance (il aurait pu s’attribuer l’initiative !). C’est la perception et la reconnaissance d’un mode d’organisation qui n’est pas coutumier en France. Dans mon groupe aussi, une bonne part des nouveaux projets s’appuie directement sur le volontariat d’adhérents qui n’ont pas ainsi à se prémunir contre l’inertie supposée des structures centrales. Je retiens l’idée (j’y suis poussé par quelques collaborateurs) : il faut formaliser cet espace incubateur, lui donner quelques moyens et légitimité. 3. Les risques d’OPA et de raids hostiles. Les journalistes du Figaro (JF Arnaud et JO Martin) n’ont pas été dupes. Franck a évidemment des airs de gamin pris les doigts dans la confiture quand on lui reproche le bruyant lobbying anti-OPA, mis en place l’année dernière, à partir d’une supposée menace de Pepsico ! Celui-là même qui avait poussé toute une partie de la classe politique, Premier Ministre en tête, à entonner les plus chauds hymnes au patriotisme. « Je peux vous certifier que je n’y ai pas participé. Ce sont les marchés qui ont spéculé». Holy Franck, nous te croyons les yeux fermés ! Plus fondamentalement, sa « sortie » sur les mécanismes anti-OPA me laisse sceptique, au moins pour une part. Je m’explique : a. D’accord avec lui pour dire que « des bons résultats dans la durée sont la meilleure protection vis-à-vis des actionnaires ». L’actionnaire qui recherche un investissement à moyen terme privilégie forcément la qualité du management, une stratégie bien visible, ancrée dans une culture d’entreprise qui assure la cohésion du management et la motivation des équipes. Mais on parle là d’un actionnariat proche du management. b. Le problème aujourd’hui, avec l’évolution des pratiques financières, c’est l’émergence d’une catégorie croissante d’actionnaires, (fonds de pension, zappeurs ou pur players), attentifs aux sollicitations immédiates du marché plus qu’au potentiel de croissance de l’entreprise. Des financiers sensibles au gain immédiat ou de court terme, plutôt qu’à des perspectives étalées dans le temps. Alors, quand Franck dit « qu’il n’y a pas de protection capitalistique valable quand on propose à vos actionnaires une prime disproportionnée pour leur acheter leurs actions », c’est vrai dans l’absolu (combien de gentlemen agreement ou même de pactes familiaux, mal ficelés, n’ont pas su résister à ces surenchères ! Il n’est d’ailleurs que de se rappeler l’affaire Mittal-Arcelor !) Mais tout de même qui ne tente rien n’a rien. Si rien n’est infaillible, pourquoi tenter le diable. Une défense, fut-elle complexe, peut rendre un raid dissuasif (trop onéreux ou trop difficile). Face à cette catégorie d’actionnaires, je ne comprends pas qu’on puisse rechercher l’aide des pouvoirs publics si l’on a pas soi-même cherché à bétonner « le capital » de l’entreprise. Ou construit des alliances, telles que celles dont bénéficie L’Oréal/Bétancourt/Nestlé, ou même Auchan (bien que non coté). Oui, ici, le discours de FR me paraît bien fragile. En tout cas, ne pas travailler à la consolidation d’un noyau dur me paraît, quelle que soit l’entreprise, comme un risque inutile. Et j’ai du mal à penser que malgré le discours de FR, chez Danone, on n’y travaille pas !

18 Commentaires

Salutations
Il faut dire ceci: Pour qu'il y ait
de gros richards, il faut qu'il y ait
plein de pauvres...
Voyez en Russie tous ces gens qui
traînent dans la rue, avec le capitalisme.
Mais il y a une chose à dire, pour
avoir de telles fortunes, il faut
à un moment avoir la possibilité de
bien magouiller!...
Salutations distinguées.
Tchao M.E.L Tchao F.L.O. ET CETERA
à Jo
vous avez une vision quelque peu manichéenne de la société...
C'est Jésus qui a dit qu'il serait
aussi difficile à un riche d'entrer
au paradis, qu'à un chameau de
passer par le trou de l'aiguille.
Bien cordialement.
Depuis des années, Franck Riboud oppose la culture d’entreprise et la rentabilité aux menaces potentielles d’un raid boursier sur Danone. Dans l’article du Figaro (3 août) il persiste dans la même idée, je cite :
« Je ne cesse de l'expliquer, des bons résultats dans la durée sont la meilleure protection vis-à-vis des actionnaires. Mais ce n'est pas suffisant. Ce qui fait la force et la réussite de Danone, c'est sa culture, la qualité de ses équipes et les modes de travail et de relations qu'elles ont créés. Personne n'aurait rien à gagner à diluer cette culture dans un grand groupe. Si on la dilue, on casse le modèle de croissance. »
F.Riboud soulève une question fondamentale pour tout dirigeant d’entreprise. Peut-on lutter contre la logique du marché des capitaux avec de la culture d’entreprise ?
Il dit deux choses : les pactes d’actionnaires volent en éclat devant cette logique, et il n’a pas tort, les exemples ne manquant pas. Puis il ajoute qu’en revanche, la spécificité d’une culture est un rempart contre l’OPA.
Il oppose deux logiques hétérogènes : celle du lien social à celle du marché. Sur ce point l’histoire et la théorie lui donnent tort. Comme l’a très bien montré J.Schumpeter, le capitalisme ne souffre pas d’une contradiction d’ordre économique mais plutôt d’une propension à détruire les institutions sociales par la loi du marché.
L’autre faiblesse de son raisonnement consiste à confondre culture et équipes. Or, les hommes passent, les cultures restent, les faits le prouvent abondamment. Et il ne faut pas en douter, les raiders le savent. L’entreprise est ancrée dans une structure inconsciente liée à la personnalité de son fondateur qui survit à toutes les épreuves, même s’il arrive parfois qu’elle ne soit pas mise en valeur.
Or, je suis convaincu que F.Riboud est suffisamment aguerri pour le comprendre. Il n’a donc peut-être pas entièrement tort, tout étant une question de contexte. Sa préférence pour la culture contre le pacte d’actionnaire pourrait être tactique et non dogmatique. Face à des investisseurs guidés par le bon sens, l’argument du résultat, de la culture et de l’équipe a vraisemblablement plus de poids que devant un parterre d’actionnaires « amis » soudés par des considérations parfois plus contraignantes pour un dirigeant.
En privilégiant la pure logique des affaires par rapport à celle des « alliances », F.Riboud choisit ses armes, et peut-être fait-il le bon choix ; on notera une petite phrase qu’il lance au passage :
« ce n'est pas mon rôle d'entrepreneur de verrouiller le capital de Danone ».
Du bon sens peut-être, à ne pas vouloir mélanger les genres.
Antoine Riboud a construit l’actuel Danone à partir d’une entreprise familiale de verrerie. L’entrepreneur a eu du talent. Mais le succès a eu un prix ; le contrôle familial s’est dilué. On raconte qu’un grand regret d’Antoine était précisément de ne pas avoir « sécurisé » le capital de Danone. Mais ce n’était qu’un regret et seuls les faits disent le vrai. Le fils visiblement, fait preuve d’un réalisme confirmant qu’au-delà de ses intentions, on finit toujours par réaliser le désir profond de son père.
Salut,
Je pense qu'un certain nombre d'actionnaires achètent des OPA dans un seul but spéculatif. Et c'est là le danger pour une entreprise cotée en bourse : pas de management, pas d'assainissement, peu d'investissements car les OPA se revendent vites, pas de social, pas de culture entreprise, juste un placement d'argent pour le faire fructifier... En revanche, le cas des fonds de pensions américains fait peur dans la mesure où tout est étudié : il y a investissement, gestion et surtout assainissement de l'entreprise. Le but, dans ce dernier cas, est de rentabiliser, d'agrandir, de restructurer et de récupérer au final son capital investi au centuple. Si j'ai tout compris, car les valeurs boursières ce n'est pas trop mon truc, et d'après les journeaux, Elf (Roland Dumas) a été "assaini" par justement les fonds de pensions américains.
Tchao M.E.L.
Bonjour Michel,
sur votre site,dans l'article où vous traitiez des sacs plastiques, vous disiez un moment que le passage au tout payant devrait faciliter les caissières à convaincre les derniers récalcitrants aux sacs payants.
Non pas que je voudrai défendre les hommes, mais il est vrai que la plupart des Leclerc ne comptent que des hôtesses de caisse, et jamais d'hôte de caisse, alors que vos concurrents ont ouvert ce genre de poste aux hommes. Aussi, est-ce une politique délibéré du groupement Leclerc, où ceci dépend-il uniquement de vos adhérents ?
Farack => réponse facile : les adhérents sont des entreprises indépendantes (jusqu'à un certain point) et donc le recrutement du personnel dépend de l'adhérent.
Leclerc est finalement plus une marque que quelque chose de concret.
Sans vouloir vous offenser, chère Florence, sachez que l'on n'achète pas des OPA ! Même en bourse...
Ce sont les sociétés qui sont dites "OPA-ables", c'est à dire susceptibles d'être dévorées par un prédateur, qui, par suite de cet "achat" deviennent plus importantes.
Les OPA ne se "revendent" pas comme vous le dites...
Il me semble donc qu'il est inutile, voire néfaste, de parler de sujets dont ne maîtrise pas les fondamentaux... Comme vous le dites si bien "je ne maîtrise pas totalement le sujet". Dans ce cas ... on écoute, on observe et on n'intervient pas ...
Bien cordialement
Salut,
Mais les prédateurs achètent-ils des parts ou la totalité de l'entreprise ? Si c'est la totalité de l'entreprise, ils ont un devoir moral de la valoriser (gestion, management, coût de production...).
D'autre part, je ne me tairai pas parce que c'est en me faisant disputer qu'au moins j'apprends. S'il faut en arriver là, pas de honte, moi, je prends.
Tchao M.E.L. et tchao Vigilant
Un devoir moral ? Dans le milieu de la bourse ? Florence, vous me direz 20 pater pour avoir dit un gros mot ;)
Tout au plus la C.O.B. vérifie que tout le monde a bien gagné ses sous sans trop d'entourloupes...
Salut,
J'ai récité mes 20 pater. Alors, je peux savoir ce qu'est la C.O.B. ?
Tchao M.E.L. et tchao Gilles
la cob c est la commission des opérations de bourses mais c est devenu l AMF ( autorité des marchés financiers). Vous etes sure que tout est clair dans cet article?
Merci pour la précision Benoît.
Flo : http://fr.wikipedia.org ;)
Sinon j'ai compris l'article et pourtant, l'économie n'est pas ma tasse de thé :)
Mais il est vrai que les commentaires chez MEL ont parfois tendance à digresser, avec un intérêt quand même :)
Sauf quand ça troll :D
Le nom de Riboud evoque quelques souvenirs.
Celui des "visiteurs du soir" bien sur, precurseurs des "nonistes", qui ont bien failli convaincre Mitterand , en 1982, de quitter l'Europe, pour des motifs a courte vue, de tactique economique plus que de vision a terme.
Frank ressemble a Jean: un brillant tacticien, mais un pietre stratege.
Bonjour MEL,
Pourquoi lorsque vous abordez la question des actionnaires, faire deux catégories: ceux qui ne penseraient qu'aux gains financiers immédiats et ceux qui sont associés à la fondation de l'entreprise (actionnariat familial). Vous supposez en plus que la seconde catégorie est moins "morale", puisque ne se soucie pas de la même manière de la vie de l'entreprise. A titre personnel, je pense que l'actionnariat familial atteint vite ses limites parce soit il conduit à un enrichissement faramineux d'un très petit nombre, soit il se délite au gré des successions et des conflits familiaux. L'actionnariat par des FCP ou FCPE permet de financer le développement des entreprises et lorsqu'ils sont bien gérés ne donnent pas lieu à de la spéculation, mais à des placements sur de longues durées. Il est d'ailleurs dommage qu'en france le placement des particuliers se fasse beaucoup par l'assurance vie (placée en obligations) et que les fonds de pension à la Française (actionnariat salarial) aient du mal à décoller dans les petites entreprises.
Moi, ce qui m'interesse dans cet article c'est le passage sur les MDD et le hard discount.
Le recul des enseignes spécifiques au hard discount s'explique aisément du coté consommateur et je crois que c'est Leclerc qui a été le précurseur (mais hélas est sérieusement à la traine sur la vente à distance, dommage, Leclerc manque le coche par manque d'initiative) : c'est la marque hard discount dans les enseignes traditionnelles. Les enseignes HD n'ont pas beaucoup de choix, on ne peut pas faire toutes ses courses chez eux alors quand les enseignes traditionnelles se sont mises à avoir les marques, la MDD et le HD, au même endroit, à mélanger dans le même chariot, c'est quand même plus simple !
Le discours de Riboud sur les MDD ne m'étonne pas non plus : les produits des MDD sont fabriqués par les marques ... les marques répondent aux appels d'offre des distributeurs, ils vendent un produit moins cher en prenant bien souvent des "modèles" des années précédentes "amortis", en produisant moins cher, en vendant en plus grande quantité (et surement en quantité garantie, ce qui est un autre point d'économie) ... bref, ils sont gagnants sur les marques distributeurs. Pourquoi les descendraient-ils ... :-)
Quand le fabriquant, le distributeur et le consommateur sont gagnants, ensemble, en même temps, moi, ça me met de bonne humeur
C'est le point 1 qui m'intéresse: la HD a eu l'immense avantage de vous obliger à réagir. Hier champions bien défendus pour des impératifs publics de modération de la hausse des prix, vous vous êtiez endormis en construisant partout des monstres hypers, totalement voués au dieu commerce et à vos pieds de bilans. Le client n'était bon qu'en acheteur, pour preuve son confort, la saleté de vos WC, l'illisibilité des espaces extéreiurs et l'impossibilité d'en sortir, etc...
Le succès de la HD (même s'il ralentit car une croissance à 2 chiffres ne résiste pas longtemps qd on atteint près du quart du marché national)vous oblige à réagir au point de recommencer à apporter des services aux clients (p.e. redistribuition de sacs jetables en caisse chez certains...) et surtout à faire des circuits courts comme chez IKEA, pour évoter au clientr d'avoir à faire toute la galerie avant de pouvoir accéderaux rayons frais...
Bref vous réagissez mais faites attention, les zones commerciales sont devenues des zones de vie, et la vie habitants des villes d'aujourd'hui y bat désormais, sauf pour l'état civil, l'école et le cimetière... La HD par sa proximité va continuer à vos forcer dans vos retranchements et ce sera bon pour nous les clients qui vous ont permis de bâtir vos empires désormais fragilisés par cette concurrence qui nous est salutaire.Chacun à sont tour, vous êtes désormais du "vieux commerce" bousculé par des petits "nouveaux", comme vous l'avez fait pour d'autres hier.
Vous qui pensez beaucoup pour nous, on vous souhaite bonne chance pour votre avenir à désormais repenser de fond en comble.
Tant mieux, il y a toujours de chemins nouveaux à défricher et de l'innovation dans l'air.
Cher Monsieur Leclerc,
Je m'adresse à vous dans cette rubrique car j'ai créé un produit totalement nouveau. J'ai 23 ans, je suis étudiant et j'ai créé ma propre entreprise fabricante de kits de recharge pour les cartouches d'imprimante. L'innovation majeure de mon produit consiste en la qualité de l'encre, qui est identique à celle d'origine. Ainsi je fournis de nombreuses références permettant de recharger chaque imprimante avec une encre spécifique. Je souhaiterai m'entretenir avec vous de mon projet à titre privé mais je ne parviens pas à vous joindre autrement que par ce blog.
J'espère sincèrement que vous prendrez le temps de me répondre. J'attends votre réaction avec impatience.
Vous pourrez me joindre sur mon adresse mail
mehdyjacquard@yahoo.fr
Je pourrais alors vous donner des coordonnées plus précises.
Merci d'avance.
Mehdy Jacquard

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