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Belle pagaille médiatique, ce 3 mai, devant les bureaux de Monsieur Le Maire. Tout le monde est là, les fédérations de la volaille, du porc, du bœuf, la FNSEA, la Coordination Rurale, les industriels (sauf la charcuterie) et les distributeurs ! On vient de boucler un cycle de réunions avec un seul objet : accepter des indicateurs de cours dont le dépassement, à la hausse ou à la baisse, pourrait entraîner une renégociation des prix.
Rien de révolutionnaire. Mais c’était une demande des producteurs : ils sont tous les jours impactés par les variations de cours de matières premières. En régime normal, ils absorbent. En cas de violentes perturbations, ils ne peuvent les répercuter à leurs clients (car la loi LME a prévu un cadre de négociation annuelle et très rigide).
J’ai signé pour les Centres E. Leclerc. Les autres distributeurs ont vu là aussi l’occasion de démontrer aux agriculteurs qu’ils comprennent le problème. Donc, oui, on peut le dire : c’est un accord « politique ».
Un accord vide de contenu ? Pas du tout. On ne pouvait être plus explicite dans les énoncés vu qu’on risquait la qualification par la loi d’entente prohibée. Mais malgré tout, s’il n’y a pas d’obligation de conclure de nouveaux tarifs, tous les arguments juridiques et commerciaux qui s’opposaient à la reprise des négociations tombent à l’eau et sont rangés dans la case « faux prétextes ».
Les syndicats qui n’en furent pas les initiateurs répètent à leur sortie combien ils sont déçus. Cette posture est dommageable. Mais c’était la conséquence prévisible des rivalités syndicales. Le Ministre, lui, est plutôt content d’être sorti entier de ces réunions. Quant à Xavier Beulin, initiateur du projet, il remportera une victoire complète quand le texte trouvera des opportunités d’application.
Mais la réaction de certains journalistes et d’organisations de consommateurs laisse vraiment perplexe : « le prix de la viande va monter » ! « Les organisations de consommateurs n’ont pas été associées ». « C’est un accord sur le dos des consommateurs ». Etc.
Ouah ! Aurais-je mis ma signature et entraîné mes adhérents sur un pacte diabolique ?
C’est vraiment n’importe quoi.
D’abord, s’il introduit de la flexibilité,
cet accord joue autant à la hausse qu’à la baisse. C’est vrai qu’aujourd’hui les producteurs cherchent à répercuter des hausses. Mais en 2009, lors du retournement spectaculaire du marché, un tel texte nous aurait permis d’exiger de vraies baisses tarifaires qui nous ont fait défaut.
Ensuite, cet accord ne prévoit aucune indexation automatique. C’est pour cette raison d’ailleurs qu’il est acceptable pour l’Autorité de la Concurrence (ce point reste à valider).
Il faut s’interroger, bien au contraire, sur le caractère inflationniste du système actuel. En obligeant tous les acteurs économiques à clôturer leurs négociations commerciales un 28 février, le législateur pousse chaque producteur à engranger par anticipation un maximum de hausses puisqu’il n’y aura pas d’autres négociations dans l’année.
Faut-il enfin rappeler qu’un tarif n’est pas un prix ! Carrefour, Cora, Système U, E. Leclerc, Monoprix achètent à peu près aux mêmes conditions d’achat. Les écarts, même s’ils représentent beaucoup d’argent, sont minimes exprimés en pourcentage. Si dans ses points de vente, E. Leclerc est 8 % moins cher que Géant, c’est bien qu’il a une politique de prix qui ne se contente pas de répercuter le tarif fournisseur.
Le tarif, c’est une condition de la performance. Mais c’est la politique commerciale du distributeur qui fait la différence !
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