SOCIÉTÉ Actus / Débats

Thierry Breton et les soldes : réformer, dans l’intérêt de qui ?

img_blog_240106_soldes Cent pour cent d’accord avec Henri Loiseau (LSA 19/01/06). Le directeur de la rédaction de LSA pose la vraie bonne question : « Plutôt que d’inciter les Français à sans cesse différer leurs achats pour mieux profiter des périodes de soldes ou de promotions, ne serait-il pas préférable de s’interroger sur la pertinence d’un plus « juste prix » ? »… Ce n’est pourtant pas dans cette voie que se sont engouffrés professionnels et politiques, suite au débat lancé par Thierry Breton sur Europe 1 (08/01/06). 1) Les soldes, du déstockage occasionnel…à la super promo institutionnalisée Les soldes sont devenus incontournables. Un moment de quasi frénésie, une mise en scène généralisée, tous commerces confondus ; un évènement hyper relayé par tous les médias, alors qu’habituellement, les rédactions rechignent à la publicité commerciale. Initialement, les soldes constituaient une exception dans le code et la pratique du commerce. Une dérogation (l’autorisation de la revente à perte) pour permettre aux commerçants d’écouler les invendus en fin de collection. Pour la plupart des commerçants, l’objet initial reste celui-là. Mais les soldes sont devenus braderies festives, bruyantes, alléchantes…et excessives. Ils sont devenus un vecteur indispensable, quasi incontournable du marketing de la distribution. Et de nos jours, il faudrait être sacrément hypocrite pour nier la dérive du concept vers l’orchestration d’une super, méga, hyper promo. Croit-on vraiment que les grands magasins ou les chaînes spécialisées investiraient autant en publicité s’il ne s’agissait que d’écouler à perte quelques nanars ? 30 à 40 % des ventes de textiles en France seraient effectuées lors des soldes ! Si c’est vrai, les professionnels devraient admettre leur pitoyable performance. Car produire « cent » pour n’en commercialiser que « soixante » à « prix normal »… vaut mieux changer de métier… En réalité, les acheteurs des grands magasins ou des grandes chaînes mettent à la vente, en plus des invendus, des produits spécifiquement conçus pour les soldes (ou mis en avant à cette occasion !). Les consommateurs ont fini par s’y habituer, se sont pris au jeu. Au point qu’une représentante de l’UFC estimait récemment « qu’il faudrait de « vrais soldes » et en quantités suffisamment disponibles (sic) pour satisfaire tout le monde, et pas seulement quelques happy few ». Faut-il cautionner cette dérive ? Et étendre plus encore ces pratiques. A mon sens, non ! Multiplier les soldes, comme le suggère T. Breton, cela reviendrait surtout à multiplier l’offre promotionnelle. Le risque, c’est d’accentuer les à-coups du système et d’entretenir le caractère de plus en plus erratique de la consommation. Avec des consommateurs qui ne s’y retrouveront plus. 2) Et si le problème n’était pas les soldes, mais la cherté de nos achats quotidiens ? Les soldes, ça marche en ce moment comme marchent aussi le hard-discount, le low-cost, les marques de distribution, tout ce qui n’est pas cher… La crise du pouvoir d’achat touche toutes les catégories sociales. C’est devenu un réflexe général. On n’achète plus à prix normal, on attend les prix cassés. Exemple ? Les jouets que les distributeurs s’évertuent à mettre de plus en plus tôt en rayon alors que les clients attendent les braderies des quinze derniers jours avant Noël pour effectuer leurs achats ! Le « prix des choses » au quotidien est devenu trop cher. La multiplication des soldes, des promotions ne fait qu’accentuer l’écart avec les prix du fond de rayon. L’observation vaut pour tous les produits. Plus encore pour le secteur des jouets, de la fringue, du blanc, où les soldes abondent. Pendant toute l’année, les marques imposent un prix de marché. Elles exigent un coefficient de marge minimal (à défaut, elles ne livrent pas). Elles cherchent à limiter la concurrence (et la surenchère entre distributeurs). Mais elles ont finalement cautionné ces braderies dont le caractère occasionnel ne risque pas de remettre en cause le positionnement marketing initial de leurs produits. Du coup, les soldes deviennent l’exercice concurrentiel autorisé, avec son contexte culturel spécifique, qu’on oppose aux pratiques commerciales du reste de l’année. 3) La vraie révolution, ce serait non pas de multiplier les promotions, mais d’installer une vraie concurrence de prix dans ces secteurs D’ici un ou deux ans, la loi Galland ayant été réformée, la DGCCRF aura tout le temps nécessaire pour remettre un peu d’ordre dans ses pratiques, surtout en cours dans les grands magasins et les GSS. Le Conseil de la Concurrence a eu beau sanctionner ces ententes verticales, la pratique des prix uniformes (chers) reste immuable. Il est temps de rétablir une vraie concurrence, avec des prix nets ou des promotions lisibles…et des soldes, des vrais soldes, seulement en fin de saison. Isolée dans les organisations de consommateurs, la CLCV soutient cette position, qui me paraît la plus raisonnable. C’est ce que pratiquent les commerçants des pays anglo-saxons (Royaume-Uni, Allemagne). C’est ce que préconise la Commission Européenne qui, depuis plusieurs années, tente d’élaborer une directive « promotions »… une directive libérale, comme vous pouvez l’imaginer. Qui s’y oppose ? Mais la France, bien sûr. La France de la loi Galland, la France des soldes, la France de l’économie administrée. Thierry Breton réunira professionnels et consommateurs mi-février. Il a posé une question, pas forcément suggéré la bonne solution, mais pourquoi ne pas saisir cette occasion pour aborder le problème sous cet angle…

15 Commentaires

Ne pourrait-on pas solder
l'essence ? Merci.
Complètement d'accord avec vous. Cette dérive des soldes est complètement hypocrite. Elle joue sur un ressort marketing bien connu : nous avons l'impression de "faire des bonnes affaires" et d'être des consommateurs "malins", "futés".
Cela revient à reconnaître que nous sommes des nigauds, tout le reste de l'année, quand les prix sont au plus haut...
solder l essence??? impossible! les marges sont trés trés faibles; la gestion financière se fait par gestion des flux et des encours :"le consommateur paie comptant" le magasin à 30 ou 60 jour....placement sur trés court terme...enfin, une station est ouverte une cinquantaine d'heure par semaine (1,8 employé) et genère un fort % du CA du magasin. Le ratio est intérressant...
J'ai simplifié à l'extrême....mais le schéma est là.
Par contre l'Etat ne pourrait il pas faire des "soldes" sur les Taxes liées au produit pétrolier? un -30%....
Dommage que vous n'ayez pas laissé sur votre site l'enregistrement de l'emission d'hier 24/01/06 sur France Inter. Ce fut fort interessant.
Par ailleurs, il est sur qu'on attend des prix plus bas pour faire certains achats. Puisque cela arrive regulierement ... et que globalement nous avons moins d'argent disponible (augmentation des achats immobiliers, essence et entretien voiture, et quand meme aussi ... nourriture).
Mais là les industriels / fabricants de MDD / distributeurs trouvent une parade: baisse des poids conditionnés, diminution de la qualité gustative des ingredients (je ne parle pas de la qualité microbiologique qui elle est de mieux en mieux), remplacement d'ingredients chers par des ingredients meilleur marché (matières grasses animales par des Mg vegetales)...
Et, politiquement parlant, l'augmentation de la précarité ds contrats pour s'installer initialement (2 ans de periode d'essai) ne facilitera pas la sedentarisation et la consommation des gens rentrant dans la vie active. Il y a d'autres façons de rendre flexible les emplois, mais pour cela il faut prendre des risques et reflechir . Et on ne gere plus le long terme en France depuis pas mal de temps. On gere d'election en election. Un peu trop court. Valable pour TOUS les partis
Les soldes à longueur d'année, cela serait mieux, mais il faudrait aussi solder nos politiciens, je crois!...
Si un commerçant, grand ou petit est capable de baisser son prix de plus de 5%, que ce soit par des promotions ou des fausses soldes, il s'agit d'un voleur qui n'applique pas des prix normaux le reste de l'année. Pour le consommateur moyen, le vraix prix est celui des promotions ou des soldes.
Les choses ne pourront changer que lorsque le commerce pourra fixer son prix en fonction de son véritable prix d'achat, c'est à dire toutes marges enlevées et non pas en fonction d'un seuil de revente à perte fictif, en réalité moyen pour les marques d'imposer un prix client final, ce qui leur est théoriquement interdit.
Je ne suis pas certain que ça change rapidement car le système actuel arrange tout le monde, à la fois les distributeurs et les grandes marques qui peuvent tous les deux se gaver de marges en expliquant qu'ils n'ont pas le choix et que c'est la règlementation qui les y oblige.
Seuls perdants de l'affaire, les consommateurs qui paient le prix fort et les PME qui n'ont pas la possibilité d'imposer leur prix.
J'ai pourtant entendu claironner partout que tout ce carcan règlementaire était au bénéfice des consommateurs et des PME. C'est comme les promesses électorales, celà n'engage que ceux à qui elles sont faites.
Il y a eu à une époque, le plan Barre, qui réglementait une marge obligatoire, des produits de premières nécessités taxés.
Depuis, les choses ont bien changé, par exemple les boulangers font fortune, alors que les petits bouchers ont disparu.
Il faut le savoir, cela fait partie de l'histoire de France...
Jean Aimarre
Je ne suis pas réellement en accord avec l'analyse récurrente consistant à dire que les produits sont trop chers. Que les consommateurs n'ont plus d'argent.
Il suffit de regarder les taux de croissance de certains secteurs, notamment les produits HiTech et encore plus les produits de communication (téléphonie et Internet).
Je pense que l'on assiste en réalité à un "arbitrage" de la part des consommateurs de plus en plus capables de claquer quelques centaines d'euros pour un écran LCD et de rechigner à acheter des légumes jugés trop chers.
Au regard des données de l'INSEE, le pouvoir d'achat des Français n'a pas réellement plongé. Il ne faut pas exagérer.
Par contre, on assiste à un accroissement permanent de la "pression consumériste" : d'un côté de plus en plus de sollicitations de la part des distributeurs et industriels au travers de la pub et de l'autre côté une montée en puissance des associations de consommateurs qui passent leur temps à nous dire que tout est trop cher, qu'on se fait avoir.
Personnellement, j'ai perdu tout plaisir dans l'acte d'achat coincé entre ces deux pressions. J'ai les sentiment permanent de m'être "fait avoir".
Par ailleurs, la course effrainée à la baissse des prix à une conséquence : les fermetures de sites de production en France.
J'ai été assez choqué hier d'entendre à la radio des pub Leclerc vantant les prix très bas des poeles Tefal alors que dans le même temps le groupe Seb annonce près de 900 suppressions de postes!!!
Je m'interroge sur la mécanique : relance de la consommation par baisse des prix et donc croissance. Quel est l'intérêt d'une croissance destructrice d'emplois?
Pour revenir au sujet des soldes : pour moi, des soldes plus systématiques annoncent des petes d'emplois industriels car à trop réduire les marges des entreprises, on les tue.
Donc, même opposition que vous aux propositions de T.Breton, mais pour d'autres raisons.
Oui c'est vrai, le pouvoir d'achat actuel des Français moyens, a augmenté considérablement celui des grandes fortunes...
Abdel Kader
Je suis parfaitement en accord avec votre réaction sur la multiplication des soldes souhaitée par M. Breton. Les prix du secteur devraient être plus justes pendant l’année pour mieux étaler la consommation et éviter un boom de conso grâce à des prix chocs sur des articles vendus le double une semaine auparavant. Hors soldes, les distributeurs se font un max de marge sur notre dos. Il est indispensable que fournisseurs et distributeurs permettent au clients d’acheter le plus souvent à un prix plus juste. Sans remettre en cause les soldes, utiles pour écouler les stocks en fin de collection. Début Janvier avant le début des soldes, les grands magasins sont désertés, ils sont envahis pendant la promo et sont à nouveau peu fréquentés après la fin des soldes. C’est une mauvaise utilisation de la surface de vente!
Je déplace un peu le débat sur le pouvoir d’achat car je pense, que la préoccupation des ménages réside plus sur la préservation voire même l'amélioration du niveau de pouvoir d'achat, en dépenses quotidiennes: alimentaires, entretiens... plutôt que sur les réductions périodiques de 40 ou 50%, des articles soldés.
Que pensez vous de l’initiative d’Auchan et Casino qui mettent en place à l’essai un espace « 100% prix bas » dans certain mag? (lineaires.com 23/12/05) Cet espace de 220m² regroupe l'offre premier prix en alimentaire. Je trouve que c’est une démarche répond bien aux attentes de certains clients (étudiants comme moi et nombreux autres) qui veulent acheter vite et le moins cher. Le but éviter aux clients une étude de marché dans chaque rayon avant de choisir. Quelle est la bonne politique dans la mise en avant des premiers prix en GD ?
Salutations
JBL
C'est la première fois que j'accède à votre blog et je trouve que vous avez bien raison de l'avoir créé.
Je me permets de faire une petite suggestion en mode mineur pour diminuer un petit peu les prix et rendre service tant aux clients qu'aux caissières et peut-être à la comptabilité:
- n'est-il pas possible d'envisager un arrondissement vers le bas du TOTAL du ticket de caisse pour supprimer en fait les pièces de 1, 2,5 10,..centimes, la barre étant placée le plus haut possible, en tenant compte des marges que le marchand veut conserver?
Cela demanderait une étude de faisabilité et un aménagement tant des caisses que de la comptablité,mais le coût du changement ne serait-il pas compensé par la formidable publicité de ce petit truc qui intéresserait sûrement l'ensemble des clients et des caissières,.. qui ne devraient plus manipuler que d'une façon marginale les petites pièces. La réflexion sur le sujet me paraît utile.
Réponse à La concombre masqué (25/01/2006)
D’accord avec vous. La politique économique est trop axée sur le court terme. C’est ce que j’ai répondu à un journaliste du Figaro Magazine qui m’interrogeait, il y a quinze jours. Le Premier Ministre idéal, ce serait celui pour qui les élections ne comptent pas, qui n’aurait pas d’ambition présidentielle et qui se préoccuperait uniquement des réformes structurelles de long terme, quitte à attraper des coups.
Réponse à HERVE SEROL et à Bensala Hamed (25 et 24/01/2006)
Je confirme. Les marges sur les carburants sont infimes. Pendant 5 ou 6 ans, mes adhérents ont lancé, pendant les départs en vacances, quelques opérations promotionnelles nationales. Mais exprimés en euros, les écarts de prix ne sont pas suffisamment incitatifs.
Et puis, il est vrai, ce qui importe, c’est tout de même d’acheter un carburant le moins cher possible au quotidien.
Réponse à JBL et à benoit (30 et 26/01/2006)
D’accord avec vous. Le problème, c’est le pouvoir d’achat. Il n’a pas plongé, mais l’impossibilité d’en prévoir l’accroissement génère une anxiété qui…retient la dépense.
Si je voulais ironiser sur les espaces « cent pour cent prix bas » d’Auchan ou Casino, je poserais la question : pourquoi pas tout le magasin cent pour cent prix bas ?
Plus sérieusement, j’insiste pour que l’effort sur les prix soit porté toute l’année, ce qui évite la théâtralisation excessive des soldes ou des grandes opérations promotionnelles. Cette théâtralisation est nuisible à un flux plus serein des achats.
D’accord aussi avec Benoît pour parler d’arbitrage plutôt que de paupérisation.
Pour info aussi, la plupart des grandes marques industrielles refusaient de nous livrer à une époque où les productions étaient françaises. Elles ne voulaient pas que leurs marques soient vendues moins chères. Seb en faisait partie. Du coup, ces industriels ont eux-mêmes ouvert la voie à la concurrence des produits importés. Maintenant est-ce trop tard pour réagir ? Sur des produits trop basiques, peu transformés…probablement oui !
Réponse à Roland (25/01/2006)
Vous avez raison. Toute baisse intempestive et momentanée amène le consommateur à s’interroger sur la marge usuelle du commerçant. Et en plus, quand l’opération est finie, on voit les prix remonter de 20, 30, 40 ou 50 % ! Je ne crois pas aux vertus de ce système de yoyo.

Laisser un commentaire

Cette adresse n'apparaîtra pas à la publication
CAPTCHA
SOCIÉTÉ Actus / Débats

Débat : comment définir les droits humains ?

SOCIÉTÉ Actus / Débats

Hommage à Bernard Tapie