
Savéol : innovation et marketing aux mains des maraîchers
En pleine crise agricole, mais par-delà les polémiques, le dialogue interprofessionnel continue. Ces trois derniers mois, j’ai rencontré beaucoup de producteurs (des viticulteurs, des éleveurs, des industriels de l’agroalimentaire), qui avaient à cœur de ne pas se laisser enfermer dans l’image d’une économie subventionnée. Et surtout, il leur importait de démontrer leur capacité autonome d’innovation, de valorisation de produits, en phase avec les nouvelles demandes conso et les exigences environnementales.
Pierre-Yves Jestin, président de Savéol, avait repéré une interview récente à Ouest France où je citais son entreprise au nombre de celles qui ont su s’organiser pour rester performantes et se tailler une part belle en GMS. Il a donc lancé l’invitation et je dois bien avouer que cette petite visite à Guipavas n’a fait que me renforcer dans mes convictions.
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Le marketing ciblé, l’arme commerciale de Savéol
Avec plus de 25% de part de marché, Savéol est désormais le numéro 1 sur le marché de la tomate (85.000 tonnes par an) en France et emploie au total près de 2000 personnes pour un peu moins de 200M€ de CA.
Savéol (« lever de Soleil » en breton) est une coopérative à taille humaine, qui regroupe environ 130 producteurs, issus historiquement des coopératives de la Presqu’île et du Groupement Maraîcher Brestois. Elle conditionne et commercialise des tomates, mais aussi des fraises, des concombres et même des légumes de la mer (Salicorne, Aster maritime, Mertensia…).
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Elle n’est pas seule, dynamique, sur ce marché dans mon Finistère natal. Prince de Bretagne est la marque très emblématique d’une grande coopérative historique (boostée par Alexis Gourvennec à Saint-Pol de Léon) qui produit énormément de légumes de plein sol, comme l’artichaut, la pomme de terre ou les choux fleurs.
La particularité de Savéol, c’est de s’être extrait de l’obsession des volumes pour installer ses propositions commerciales sur des marchés plus ciblés, moins dépendants de la perception par les consommateurs d’un prix standard.
Cerise jaune, Cœur-de-Pigeon orange, Noire-de-Crimée…Tomates apéro, tomates rondes, ovales, sucrées… snacking, portions individuelles… ces coopérateurs ont choisi de ne pas mettre les deux pieds dans le même sabot et veulent coller au plus près des nouveaux comportements alimentaires.
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Ainsi, ils ont choisi de produire une trentaine de variétés de tomates. La segmentation n’a plus de secrets pour cette coopérative dont la stratégie marketing n’a pas à rougir face à celle des grandes marques PGC.
La com’ aussi, ils savent faire ! On se souvient du recours à des grands noms de la photographie pour immortaliser les tomates sur de grandes affiches placardées dans toute la France.
« Nous savions que nous ne pouvions pas être compétitifs en ne produisant que de la tomate standard. Il fallait viser la qualité plutôt que la quantité » me confie Philippe Daré, l’ancien président de Savéol.
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Les producteurs se sont donc concentrés sur des niches, ont poussé l’innovation pour sortir du seul comparatif basique des coûts et apporter ainsi de la valeur ajoutée à leurs tomates, mais aussi aux fraises et concombres issus de leurs exploitations. Et le public ne s’y est pas trompé, pour qui cette marque est porteuse non pas d’une contrainte (« il faut manger des légumes »), mais créatrice de moments plaisir (« j’ai envie de croquer ces légumes »).
Des investissements lourds pour répondre à une demande écologique
En visitant le centre de conditionnement, je me suis cru un moment dans un entrepôt de centrale E.Leclerc ! La logistique n’a pas été négligée et ça se voit au premier coup d’œil. Coût, recyclage, poids, impact carbone…Ici aussi la question des palettes en bois est un sujet quotidien de débat entre coopérateurs ! Ils ne se sont d’ailleurs pas privés de nous interpeller sur le sujet.
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Le lieu est moderne, pratique et très automatisé. Les employés s’agitent dans tous les sens pour répondre aux commandes, réceptionner les productions en continu, préparer les colis pour la France mais aussi l’Italie, l’Espagne… eh oui, pour ces dynamiques entrepreneurs, l’Europe n’est pas qu’une contrainte, mais aussi un marché à conquérir !
La coopérative a beaucoup misé sur les « investissements verts » : panneaux solaires, récupération des eaux, recyclage…tous les producteurs sont certifiés GlobalGap. Et bien sûr, les maraîchers Savéol s’interdisent la cueillette hors saison, profitant de la période creuse (novembre à février) pour remettre à niveau leurs installations…ou partir en vacances !
Pierre-Yves Jestin a lui aussi beaucoup investi sur sa propre exploitation : serre en caisson double flux d’air, faible consommation d’énergie, système de cogénération, consommation d’eau inférieure à la pluviométrie locale…
La R&D au service des producteurs
La coopérative a également su investir plusieurs millions d’euros pour fournir un service tout à fait exclusif à ses membres et leur permettre ainsi de se débarrasser de la plupart des produits chimiques. Ceci fait de Savéol le seul producteur de légume en Europe qui soit aussi capable d’élever des insectes.
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J’aurai moins de talent pédagogique que Roselyne Souriau (responsable d’élevage chez Savéol Nature) pour vous décrire le processus à l’œuvre sous les 250 ha de serres de Guipavas.
Mais pour faire simple, Savéol élève des insectes auxiliaires (guêpes, punaises) qui ont pour mission de détruire les insectes nuisibles qui attaquent les cultures (mouches blanches, araignées jaunes et chenilles).
En parallèle, Savéol assure aussi la reproduction de bourdons qui sont ensuite livrés dans des ruches aux producteurs locaux qui les placent dans leurs serres pour aider à la pollinisation des fleurs de tomates.
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Au total, près de 100 millions d’insectes sont ainsi élevés chaque année sous les serres de Savéol. Les adhérents de la coopérative sont ainsi largement dégagés des contraintes d’approvisionnement en produits phytosanitaires.
Courir le marathon avec des semelles de plomb
Au détour de la balade, je m’étonne auprès de Pierre-Yves Jestin qu’il ne développe pas plus le bio au vu de leur bonne maîtrise de la reproduction des insectes auxiliaires.
Et celui-ci de pointer l’un des joyeux paradoxes de notre législation : un producteur français de légumes hors-sol ne peut être admis au rang de producteur bio. C’est dans la Charte Ecocert’. Mais ce qui vaut pour les Français ne vaut pas pour les concurrents étrangers, et c’est comme ça qu’on peut se retrouver avec des tomates bio venues d’ailleurs qui ont poussé avec moins de contraintes !
Mes collègues Leclerc et moi-même avons été franchement bluffés. Ne m’en voulez pas de rajouter qu’après une telle visite, on se sent fier de ces entrepreneurs bretons !

7 Commentaires
Voilà une nouvelle preuve qui ne va pas faire plaisir à l'énarchie pseudo-sachante qui plombe la vie politique et sociale de notre pays!
En 3 mots : bravo à tous!
VF
Savez vous qu'il y a un passionné de la tomate qui entretient 560 espèces différentes dans le parc du château de la Bourdaisière à Montlouis-sur-Loire (Indre et Loire)? De quoi surement retrouver une tomate qui a du goût! Non?
Redonner du sens en valorisant l’acte d’achat du consom’acteur !
Offrir un art de vivre, un supplément d’âme à nos assiettes.
Même au sein des rayon Fruits & Légumes, l’oublié des approches marketing, il y a de la créativité et de la conscience à réveiller !
On n'est pas obligé de se laisser empackter !
Merci les petits producteurs pour ces belles initiatives.
Un supplément d'art à venir sur nos étales ...
la maintenance industrielle, il faut être au norme dont celle du développement durable, veiller à son évolution et sa cohérence dans la conjoncture et évidement à la qualité de service, des compétences et bien-être des personnels et intervenants !
Quant on s'engage dans de telles entreprises, l'on s'engage comme E. LECLERC. à mettre en œuvre ces conditions, autant MEL présent dans toutes les régions de France, que les filières doivent cette cohérence sans être du même régime, entité et intérêt et d'offrir et de bénéficier aussi de cette qualité de service et de productivité, de proximité ! Ce qui ne va pas c'est le manque de cohésion des filières pour en effet permettre une multiplicité constructives de celles ci et donc d'éviter des places fortes contraignantes et trop soumise à la spéculation internationale directement et indirectement ! dans la viticulture, les céréales, le porc, le poisson, les plats cuisinés ... ces exemples flagrants et bien d'autres régulièrement en crise sans véritablement changer objectivement et de fait tarir les ressources l'emploi etc le social ... . Il est nécessaire d'avoir de véritables places fortes dont des filières en régénérant les ressources et objectifs marchés, le compte n'y est pas encore mais bientôt ! merci pour votre sélection objective en terme de fournisseurs et filière MEL et bonne continuation studieuse comme ce blog !