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La question du gaspillage alimentaire revient sur le devant de la scène médiatique.
Les chiffres sont impressionnants : au niveau européen, on estimait en 2010 le gaspillage/la perte alimentaire à 89 milliards de tonnes par an, soit 179kg/an/habitant (prévisions pour 2020 si rien n’est fait : 126 MT, soit une hausse de 40%). Au niveau mondial, 1/3 des aliments produits pour la consommation humaine est perdu ou gaspillé (FAO).
L’enjeu est donc de taille. Chaque maillon de la chaîne alimentaire a des économies à faire (financières, écologiques). Je remarque que cette fois le sujet est abordé de manière globale puisqu’on insiste aussi sur la responsabilité de la restauration collective et commerciale, ainsi que sur les particuliers.
LES CAUSES DU GASPILLAGE EN MAGASIN
Chez les distributeurs, les causes de gaspillage surgissent généralement à la suite d’une mauvaise gestion de l’approvisionnement ou de l’équilibre des stocks, des casses aux diverses étapes (livraison, mise en rayon…), suite aux clauses d’obligation de reprise des invendus, ou encore en raison de standards marketing (calibre, esthétique).
Tout cela relève d’abord du
savoir-faire professionnel. Difficile de maîtriser l’équilibre offre/demande, de réduire les risques et les pertes aux différentes étapes de la chaîne, etc. Affaire d’anticipation : comme le disait Pierre Dac, «
la prévision est un art difficile surtout quand elle concerne l'avenir » !
Il y a également des
facteurs de causalité qui nous sont extérieurs et sur lesquels nous n’avons pas la main. On pense par exemple :
·
à l’environnement juridique et législatif : règles sanitaires, responsabilité civile, contrats commerciaux, risque de sanctions pénales…
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au consommateur : choix esthétiques (la tomate la plus ronde, la banane la plus jaune), manipulations excessives abimant les produits frais, recherche prioritaire des produits présentant la DLC la plus longue…
·
aux facteurs imprévisibles : un coup de froid en août ou un coup de chaud en mars et c’est le panier du consommateur qui change subitement.
Face à cette situation, différentes solutions ont été proposées publiquement pour lutter contre le gaspillage. Je me pencherai sur les solutions proposées qui ont reçu le plus d’écho dans le débat public.
LES « FAUSSES » BONNES IDEES
Le vrac. Je persiste à penser qu’il ne génèrera pas forcément moins de pertes ou de gaspillage alimentaire. Qui dit généralisation du vrac dit en effet manipulation accrue des produits et donc altération de leur qualité (voir le problème avec les fruits et légumes en libre-service). Ensuite, rien ne garantit que le consommateur « saura » acheter en vrac la quantité exacte de ce dont il a besoin. Enfin, le vrac génère des problèmes de qualité et d’hygiène alimentaire qu’on ne peut oublier (risques accrus de contamination microbienne, risque d’introduction de corps étrangers plus ou moins dangereux, perte de traçabilité…).
Les formats unitaires : bière à la bouteille plutôt qu’en pack, yaourts par deux plutôt que par 8, moins de promos avec « du produit en plus ». Pourquoi pas. Mais attention, il y a des effets pervers ou contre-productifs. Quid des différences de coûts (car il y en aura une) entre les petits formats (ou formats unitaires) et les formats familiaux. Par coûts, on entend aussi bien les coûts économiques que les coûts environnementaux, les risques accrus de casse, etc. Et puis, est-ce vraiment raisonnable d’aller dans un hyper avec sa voiture ou de commander sur Internet et de se faire livrer des surgelés ou des produits frais à l’unité ?
LES « VRAIES » BONNES IDEES
Il ne s’agit pas ici de délivrer des brevets, mais de pointer des projets qui peuvent concourir à ce que, collectivement, nous puissions essayer de faire face au problème.
On peut d’abord observer les «
best practices » des uns et des autres, en France ou à l’étranger. Ainsi par exemple de nos amis espagnols ou italiens. Chez eux, les produits frais ont une DLC (
date limite de consommation) de 45 jours, contre 30 chez nous. Les consommateurs de ces pays sont-ils plus en danger que les consommateurs français ? Je n’en ai pas l’impression. Pourquoi ne pas réétudier cette question ?
On peut aussi affiner les
préconisations des retraits anticipés en rayons Libre-Service en magasin, afin de laisser le plus longtemps possible les produits à la vente. Facile sur le papier, mais difficile dans la réalité (il faut jongler avec le principe de précaution, les normes sanitaires, les textes de lois). Périodiquement, des magasins bradent les articles à 4 ou 5 jours avant la DLC. Cela peut être effectivement une opportunité. Mais soyons sérieux, entre deux produits dont l’un avec promo sur la plus courte DLC, quel est celui qui aura la préférence du consommateur ? Je vous parie que c’est celui qui aura la DLC la plus longue.
Pour moi, le plus efficace, c’est
l’éducation du consommateur. Le Parlement européen semble décidé à agir sur ce volet au niveau du système scolaire. Parfait. Les campagnes de publicité ne sont pas non plus inutiles : «
les antibiotiques, c’est pas automatique », «
un verre ça va, trois verres bonjour les dégâts », «
un petit clic vaut mieux qu’un grand choc ». Qui n’a jamais entendu ces campagnes gouvernementales ? Il faudra donc trouver le bon slogan pour lutter contre le gaspillage !
Enfin, comme on n’arrivera jamais à maîtriser intégralement le système, il faut aussi poursuivre les actions en faveur du
don alimentaire.
Chez E. Leclerc, la quasi-totalité de nos magasins a des partenariats avec des associations de collecte (Restos du Cœur, Croix-Rouge française, Banques Alimentaires, Secours Populaire, Secours Catholique). Les dons représentent un volume de marchandises d’une valeur d’environ 20 millions d’euros par an.
Cela suppose une confiance réciproque. En pratiquant le don alimentaire, les commerçants savent qu’ils engagent leur responsabilité (notamment quant aux risques liés à la perte de traçabilité des produits) et que cela pourrait peut-être un jour se retourner contre eux.
Au terme de cette réflexion, je voudrais insister sur deux points :
1) On m’a souvent demandé pourquoi « on » ne laissait pas les plus démunis se servir dans les bennes à l’arrière des magasins. Ce n’est ni un problème d’image, ni de culpabilité. C’est parce que, au moins en droit, ces produits ne sont plus consommables. Et à ce stade, le commerçant ne peut plus être tenu pour responsable. Au demeurant, il doit s’assurer de l’interdiction d’accès au public.
2) Il faut aussi tordre le cou à cette idée selon laquelle le commerçant ne serait pas un allié objectif de la lutte contre le gaspillage. Pour être trivial, ce qui est gaspillé, ça ne rapporte pas, c’est de l’argent perdu.
56 Commentaires
Je ne suis pas d'accord sur votre remarque concernant les yaourts à moitié prix, je les achètes si la composition me convient vu que je mange sans problème ceux dont la date est dépassée de quelques jours. Je vais même jusqu'à faire attention aux affichettes laissées en rayon pour les repérer.
La date limite de consommation est fixée par le fabriquant. Celui-ci a peur d'une contre publicité qui pourrait lui être fatale surtout en produits frais alors il réduit la date de limite de vente.
Les labels obligent parfois des dates limites de vente plus courtes pour préserver le goût ou la texture. C'est le cas par exemple d'après ce que j'ai appris pour les saucissons secs Label Rouge. Le saucisson reste consommable bien après la date indiquée.
On pourrait ainsi imaginer l'indication : label rouge jusqu'au20/12/12 mais produit consommable jusqu'au 30/12/12.
Ainsi le distributeur peut vendre le produit quand même.
Le gaspillage est aussi dans les rayons. J'ai déjà vu des clients pousser du pied des denrées juste tombées au sol ou carrément rouler dessus avec le charriot. "Please be civilized" C'est une bonne idée américaine à reprendre.
La casse, la démarque inconnue sont des chiffres qui peuvent être parfois plus important que la réalité physique. En effet un produit non enregistré informatiquement peut passer en caisse sous un autre code à un prix similaire. Cela fausse les stocks mini mais j'ai déjà vécu ça en tant que client. Mieux encore c'est la vente continue en magasin sous de mauvais codes parce que la centrale n'a pas créé le produit. Alors la vendeuse n'a pas autre choix que de vendre le produit en commande automatique avec le code d'un produit par exemple distributeur. Pas facile alors de faire un état de la casse réelle et du chiffre d’affaires !
Arrive donc la question de la fiabilité des systèmes informatiques d'aujourd'hui.
La collecte des produits dans les bennes n'est pas souhaitable. Aucun produit ne devrait être mis à la benne s’il reste consommable. Je n'ai pas la réponse à la problématique ce soir, mais je suis certain que des solutions existent. Pierre Dac l'a dit: "Il peut le faire!"
Cela justifie d'organiser ces périphéries des marchés,des régions et politiquement faire valoir plus une évolution pragmatique mondiale que d'insister sans résultats à un mode de consommation sans valeurs morales et cohérence, le développement durable est un modèle général et ses applications spécifiques aux secteurs d'activités et régions est indispensable.
il faut légiférer l'Europe le fait correctement, les états ont aussi cette qualité, et l'ONU l'intègre dans ses plans ! vous présentez le caritatif, il ne peut continuer sous cette forme, il se doit être organisé et spécialement contrôlé,
20 millions d'euros de votre part, c'est très bien, interdire l'anarchie et la criminalité dans les containers de destruction c'est essentiel, c'est le travail de mise sous surveillance de tous les abords des marchés, de la consommation et évidement de ceux à qui cela profite et pourquoi en faire la coordination de contrôle de a à z!
logique mais fondemental pour une évolution mondiale de la gms, qualifiée sure solvable et ce professionnellement avec ses enjeux techniques et humains !
( dommage pour l'inauguration d'Atlantis) des que je peux je m'achète un LECLERC si mon adhésion est acceptée, pour l'instant je vais au resto du coeur comme bénéficiaire merci !
Pour les promotions sur les DLC courtes, certains magasins les pratiquent et le ressenti client me parait très bon, il y a foule autour de ses bacs. Vous parlez d'allongements de DLC, je le pratique très souvent, un pack de yaourt dépassé d'une semaine dans mon frigo ne me dérange pas du tout (et beaucoup moins que des les jeter).
Merci pour partager vos points de vue sur ce blog... Sans langue de bois, l'actualité a plus de piquant !
Courant 2012 j'ai développé un concept anti-gaspillage alimentaire. Convaincu que ce concept s'inscrit parfaitement dans les valeurs de votre mouvement, j'ai eu l'occasion d'échanger avec 3 de vos adhérents finistériens.
Aux dernières nouvelles (mars 2013), Mr Bellec devait vous présenter la maquette de ce projet.
En avez vous eu connaissance ? Pensez-vous qu'il serait possible de le tester chez vous ?
Bien cordialement,
Philippe