E. Leclerc en Martinique à la recherche de nouveaux partenaires

Le Tribunal de Commerce de Fort-de-France a choisi le groupe Parfait, affilié « U », pour reprendre l’exploitation des sociétés du groupe Lancry. Il avait à statuer sur trois autres propositions, la plupart émanait de groupes déjà en place. On ne doutait pas de sa décision. Question prix et concurrence, la Martinique retourne à la case départ, à la même situation qu’il y a un an. C’est évidemment un échec pour la famille Lancry. C’est une déception pour nous, E. Leclerc. Et il va nous falloir tirer des conclusions très pratiques (juridiques et logistiques) si un Martiniquais veut relever le défi et faire bénéficier ses concitoyens de notre enseigne plus tard. Parce que le problème vient des hommes, mais aussi des limites d’un contrat d’affiliation trop peu contraignant. -   Les hommes : C’est suite à l’implantation réussie de l’enseigne E. Leclerc dans l’île de la Réunion (14 magasins) que la famille Lancry nous avait contactés au début de l’année 2010. Lancry venait de quitter son ancien franchiseur (Carrefour) estimant ne pas bénéficier de conditions commerciales lui permettant de vendre suffisamment bon marché. Les Lancry, père, frère et fils, alignaient des projets, souhaitant renforcer la politique commerciale de leurs deux hypers à Fort-de-France en bénéficiant de l’offre commerciale des Centres E. Leclerc, mais à condition de préserver leur totale indépendance financière. Un accord d’affiliation a été conclu par lequel E. Leclerc fournissait ses marques de distributeur et permettait l’utilisation de l’enseigne, à charge pour Lancry de respecter une politique de prix bas. C’est ce qu’ils ont fait. Rien à reprocher de ce point de vue-là, si ce n’est que l’ouverture fut un vrai casse-tête tant l’organisation était brouillonne. Il faut dire que les concurrents (qui possèdent aussi la logistique fournisseur et les licences de marque) n’avaient rien fait pour les aider. Mais il est très vite apparu que les sociétés d’exploitation du groupe Lancry, dont l’organisation s’est révélée complexe et coûteuse, étaient financièrement fragiles. Quatre mois après l’ouverture sous notre enseigne, elles ont été placées en redressement judiciaire avec mise en place d’un plan de continuation. La situation des entreprises Lancry n’a cessé de se dégrader malgré le soutien commercial des adhérents E. Leclerc de Normandie (les marchandises partent du Havre), des délais de paiement supplémentaires et les multiples conseils de nos équipes. Lancry avait beau nous dire qu’il était sans arrêt sous pression d’une coterie locale et des banques peu prêteuses parce qu’acquises à la cause des autres commerçants du sérail, il n’était pas possible à E. Leclerc d’intervenir dans la gestion de ses entreprises. C’est le 24 novembre dernier que le Tribunal de Commerce de Fort-de-France a décidé de procéder à l’appel d’offres dont on connaît aujourd’hui le résultat. Je veux dire aux Lancry, à ses équipes, que le mouvement E. Leclerc se faisait une fierté d’être représenté par des Martiniquais (de souche), de pouvoir ainsi aider des dirigeants populaires auprès de leur communauté, challengers des puissants groupes dont les pratiques commerciales avaient été vivement contestées par les consommateurs... Mais il eut fallu, amis Lancry, un peu plus de transparence, d’abnégation et d’esprit de compagnonnage. -   Les limites des contrats d’affiliation insuffisamment contraignants : Derrière cet échec (relatif car les Lancry sauvent leur immobilier), il y a matière à la réflexion pour tous ceux qui, dans l’Administration ou au sein de l’Autorité de la Concurrence, affirment que la fragilisation des contrats d’affiliation pourrait favoriser le turnover des commerçants et donc, selon eux, de la concurrence ! A supposer que l’opération préserve l’emploi, que gagnent les consommateurs martiniquais à ce changement d’enseigne ? Je rappelle qu’à l’ouverture des hypers sous enseigne E. Leclerc, Lancry a fait baisser les prix de près de 10 % ! Les magasins vont devenir « Hyper U ». Je ne veux pas faire de procès d’intention, et je ne veux pas avoir l’air de régler des comptes. Mais, objectivement,  on ne voit pas pourquoi le groupe Parfait changerait sa politique de prix précédente.  Les chats ne font pas des chiens ! Si précédemment à l’ouverture de E. Leclerc, « U » avait voulu baisser les prix, ça se serait vu ! Non seulement cette idée de turnover est d’une indigente bêtise, mais on voit bien que dans un terme aussi court, et sans aucun autre lien contraignant avec l’enseigne, personne, du franchisé ou du franchiseur, n’est incité à implanter une logistique plus performante, à créer des circuits d’approvisionnement parallèles, et un réseau suffisamment étoffé de plusieurs magasins pour pouvoir se passer, se libérer, se désaliéner des onéreuses structures d’importation existantes. Pour faire baisser les prix à la Martinique, il faut plus de concurrence. Pour qu’un réseau concurrent puisse être durablement performant, il faudra qu’il puisse s’appuyer sur des hommes qui partagent l’ambition de vendre moins cher. Il y en a dans l’île, on discute ! Mais il faudra surtout s’obliger à investir dans une organisation de distribution nouvelle qu’on n’amortira certainement pas le temps d’un contrat annuel, ni sans obligations plus fortes (dont celle de transparence) de la part de nos futurs affiliés. Demain après-midi, je serai, comme d’autres distributeurs, auditionné à l’Assemblée Nationale par Monsieur Fasquelle, rapporteur de la loi Lefebvre. Des sénateurs ont repris à leur compte cette idée qu’il faut limiter les liens coopératifs, interdire les pactes d’actionnaires et autres contrats de préférence dans les groupements d’indépendants. Ce qui vient de se passer à la Martinique devrait les faire réfléchir.