SOCIÉTÉ Actus / Débats

Les malentendus de l’élection française

Marianne : La Une du journal Marianne, la semaine dernière, est vraiment minable. Photo de Nicolas Sarkozy avec ce commentaire : « La honte de la Ve République». Incapable de retenir son pouvoir de nuisance, le magazine tire sur l’ambulance, témoignant ainsi de la part d’irrationnel, d’obsessionnel et de psychotique dans ses prises de position résolument anti-sarkozistes. Illustration de la médiocratie et du poujadisme français, posture éternellement râleuse dans laquelle nombre de médias n’ont cessé d’enfoncer le pays depuis 4 ans ! Au moins, l’élection de Hollande va-t-elle leur permettre de changer de « marronnier ». -  Sarkozy : Si les résultats, dimanche, sanctionnaient évidemment sa tactique électorale, le faible écart des votes traduit encore les hésitations des Français sur la politique économique. Le bilan du gouvernement a finalement été très mal défendu, occulté par les outrances droitières. Mais assumant son fardeau, sans tourner le dos comme le fit Giscard, sans planter ses amis politiques comme le fit Jospin, Sarkozy organise une passation sereine, finalement assez loin de l’agressivité de la fin de la campagne. J’ai personnellement trouvé ce « travail sur lui-même » remarquable. -  Hollande : Reconnaissons à François Hollande d’avoir su gérer avec détermination et maestria cette élection présidentielle. Son parcours, quoi qu’on en ait dit précédemment, a révélé une force tranquille. Depuis le discours du Bourget jusqu’à sa confrontation cathodique avec Nicolas Sarkozy, il a su faire converger beaucoup d’attentes, quitte à ne pas trop aliéner sa liberté d’action. Quitte aussi à s’afficher carrément opportuniste lorsqu’il s’assoit sur l’accord PS/Verts s’agissant du nucléaire. Ses galons, il les doit beaucoup à ce tempérament que ses adversaires ne lui soupçonnaient pas (moi non plus d’ailleurs !). -  Notre pays : La victoire de Hollande ponctue une campagne catastrophique pour l’image du pays et de ses dirigeants. 30 % des Français ont voté Mélenchon ou Le Pen, c’est-à-dire contre notre système de représentation. Que reste-t-il alors du modèle social et politique français ? Comment, dans ces conditions, François Hollande va-t-il pouvoir prétendre relancer l’Europe au nom d’un pays aussi divisé, fracturé, très gaulois, terriblement eurosceptique. Sur les chaînes étrangères, dimanche soir (la BBC y a consacré toute une soirée : image-t-on une télé française faire de même pour une élection anglaise ou allemande ?), la France semblait toute petite. Sans doute était-ce une bonne idée de s’exprimer de Corrèze. De remercier, à travers cette image, « la France d’en bas » (pour parler comme Raffarin). Sans doute fallait-il concéder à la sempiternelle symbolique de la place de la Bastille. Mais il eût fallu alors élever la voix et le débat pour porter cet acquis populaire sur l’autel des renégociations européennes et transatlantiques. A peine une référence au tandem franco-allemand ! Quand on connaît le scepticisme du monde anglo-saxon sur les Français et leur Gauche, pourquoi leur offrir ces clichés. Quel décalage avec nos prétentions ! Le calendrier international va révéler les inconsistances françaises : sommet du G8 (18 mai à Camp David), sommet de l’OTAN (20 mai à Chicago), rencontre avec les 27 à Bruxelles (31 mai), sommet du G20 (18 juin au Mexique)… On écrit partout (dans les médias français !) que l’élection d’Hollande va permettre de relancer les discussions sur la croissance. Comme si on allait pouvoir éviter la rigueur. 1)   La rigueur, la dette : Passons sur l’engagement du Président de faire effectuer un état des lieux par la Cour des comptes. Balladur, Raffarin avaient utilisé cette méthode pour enfoncer le bilan des prédécesseurs. Le jeu est franchement plus dangereux aujourd’hui. Ce bilan a déjà été publié par Didier Migaud, Président de la Cour des comptes, lui-même homme fort du parti socialiste. Si c’est pour nous annoncer les pires dérapages, ce ne sera pas digne de lui. Et surtout, ça déclenchera une nouvelle vague d’attaques de la part des marchés financiers. Je ne vois vraiment aucun intérêt à cette opération. Refusant la règle d’or, le candidat a annoncé des hausses d’impôts. Il ne s’est engagé sur aucune discipline budgétaire. Pire, il veut revenir sur la TVA sociale, la TVA sur le livre, la retraite à 60 ans et créer de nouveaux postes de fonctionnaires. La copie, si elle est rendue en l’état, sera bien sûr refusée par les Allemands, mais aussi par 26 des 27 pays qui ont eu le courage de souscrire des plans de rigueur. 2)   La croissance : On se réfugie donc dans l’appel à la croissance : dans mon post du 30/04/2012, je disais la vacuité du mot tant qu’il ne désignait pas un programme précis d’investissements. Hier, Jacques Attali (toute liberté retrouvée) et Pascal Lamy vantaient dans Le Monde les mérites d’un grand emprunt européen affecté à la recherche, l’innovation, etc. Mais, bon dieu, pour quoi faire ? La BCE vient déjà de tancer les banques pour leur demander l’utilisation des sommes dernièrement prêtées. L’argent n’a jamais été aussi abondant. C’est même ce laxisme budgétaire, cet endettement croissant qui a plombé les comptes de l’Europe du sud. On prétend rajouter des liquidités à un trop-plein de liquidités. Tout cela sonne creux. On regarde le ciel, on implore le dieu de la pluie, mais il n’y a pas de semence dans les champs. Si je tenais, dans mon entreprise, de tels propos (augmentation de la dépense et endettement pour des projets sans garantie de rentabilité), je serais « dégagé ». C’est pourtant ces scénarios qu’on nous sert tous les jours. Ca me laisse perplexe. Les crises révèlent les tempéraments et les hommes. François Hollande a montré qu’il avait bien des qualités. Mais pour partir au combat (relativement seul) et négocier avec « tous les autres », il faut plus que de l’espoir et de la volonté. Il faut pouvoir défendre un modèle et prôner l’exemple. C’est ça qui n’est pas gagné.

10 Commentaires

Bravo, analyse limpide et carrée.
excellente analyse! :)
Salut Mel!

Le bien entendu de l'élection française, c'est la petite phrase de François Hollande qui en conclusion du débat a dit que sa politique globale était très proche de celle de Nicolas Sarkozy.
Première mesure de rapprochement: le recule devant le blocage des prix à la pompe...Les français vont s'apercevoir que Nicolas Sarkozy a fait une politique de gauche!
Si je tenais, dans mon entreprise, de tels propos (augmentation de la dépense et endettement pour des projets sans garantie de rentabilité), je serais « dégagé »....

tiens, reprenons l'argument dans l'autre sens : aucune dépense effectuée par le mouvement leclerc ne serait alors engagée sans retour sur investissement conséquent ?

alors que penser des participations au salon de la BD, aux actions annoncées pour la défense de l'environnement, bref, à toutes ces actions largement médiatisées et en théorie "gratuites" ?
Vous comparez les chiens avec les chats. C'est sans commune mesure!

On ne peut pas comparer une action de mécénat annexe ou des engagements citoyens parallèles avec un investissement commercial durable.
La défense de la BD ou de l'environnement que vous évoquez ont été rendu possibles parce que l'entreprise avait justement réalisé des investissements durables et solides. Ces projets sont des efforts parallèles de l'entreprise qui asseyent sa culture et font sa publicité. Leclerc les a surtout voulu comme rappel de la fonction sociale de l'entreprise.
Mais ils ne sont que la surface de l'iceberg, des produits dérives des combats de fonds des Centres E. Leclerc : le prix bas, le développement des points de vente, l'intéressement salarial, le développement international, l'organisation interne du groupe, la solidité du mouvement, l'économie d'énergie, le développement des espaces culturels, des transports, de la parapharmacie, du bricolage, de la bijouterie, etc! Voila les vrais investissements rentables!

Leclerc a donc raison d'insister : aucun investissement n'est durable s'il n'est pas rentable.
Bravo, analyse limpide et carrée.
excellente analyse! :)
Salut Mel!

Le bien entendu de l'élection française, c'est la petite phrase de François Hollande qui en conclusion du débat a dit que sa politique globale était très proche de celle de Nicolas Sarkozy.
Première mesure de rapprochement: le recule devant le blocage des prix à la pompe...Les français vont s'apercevoir que Nicolas Sarkozy a fait une politique de gauche!
Si je tenais, dans mon entreprise, de tels propos (augmentation de la dépense et endettement pour des projets sans garantie de rentabilité), je serais « dégagé »....

tiens, reprenons l'argument dans l'autre sens : aucune dépense effectuée par le mouvement leclerc ne serait alors engagée sans retour sur investissement conséquent ?

alors que penser des participations au salon de la BD, aux actions annoncées pour la défense de l'environnement, bref, à toutes ces actions largement médiatisées et en théorie "gratuites" ?
Vous comparez les chiens avec les chats. C'est sans commune mesure!

On ne peut pas comparer une action de mécénat annexe ou des engagements citoyens parallèles avec un investissement commercial durable.
La défense de la BD ou de l'environnement que vous évoquez ont été rendu possibles parce que l'entreprise avait justement réalisé des investissements durables et solides. Ces projets sont des efforts parallèles de l'entreprise qui asseyent sa culture et font sa publicité. Leclerc les a surtout voulu comme rappel de la fonction sociale de l'entreprise.
Mais ils ne sont que la surface de l'iceberg, des produits dérives des combats de fonds des Centres E. Leclerc : le prix bas, le développement des points de vente, l'intéressement salarial, le développement international, l'organisation interne du groupe, la solidité du mouvement, l'économie d'énergie, le développement des espaces culturels, des transports, de la parapharmacie, du bricolage, de la bijouterie, etc! Voila les vrais investissements rentables!

Leclerc a donc raison d'insister : aucun investissement n'est durable s'il n'est pas rentable.

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