Sylvia Pinel : bienvenue à la nouvelle ministre du commerce

On ne peut pas dire que distributeurs  et journalistes spécialisés se soient précipités pour commenter la nomination de Sylvia Pinel au ministère du commerce. Elle ne nous en voudra pas : elle est peu connue, n’a pas vraiment exercé de fonction dans l’orbite de nos métiers et la composition du gouvernement ne donne pas une lecture très claire de ses attributions, de sa tutelle administrative et de ses propres domaines d’intervention. Je pense que cette nomination est un atout pour la profession pour peu qu’on réponde à deux questions de nature plutôt politique. Un atout : Sylvia Pinel est jeune. Elle n’est pas moins expérimentée que la plupart des 30 ministres d’un gouvernement qui ne compte que 4 anciens ministres. Elle a montré sur le terrain qu’elle savait défendre ses idées. Notre adhérent de Montauban m’a raconté toutes les péripéties qui l’ont opposée au président de la Chambre d’agriculture ou à ses concurrents politiques. Elle a connu des attaques personnelles aussi. Bref, elle s’est forgé un caractère. A l’heure où tous les réseaux de distribution subissent la plus formidable mutation (Internet) depuis la création des premiers hypermarchés, il n’est pas mauvais que le ministère soit dirigé par une personne jeune et totalement libre par rapport aux vieux schémas corporatistes. En plus, c’est, après le passage remarqué de Marylise Lebranchu au ministère du commerce, la deuxième femme à occuper le poste. Mars, dieu de la guerre et du commerce, va devoir composer avec Vénus. Sylvia Pinel va apporter une bouffée d’air frais dans un secteur qui reste très masculin dans ses modes d’organisation comme dans ses processus de décision. Bienvenue donc, madame Pinel, dans le Landerneau de la distribution ! Première question : nomination durable ou éphémère ? Le Premier Ministre et le Président se sont engagés à ne garder au sein du gouvernement que les ministres réélus lors des prochaines législatives. Dans la presse, les commentaires sur les chances de Sylvia Pinel sont mitigés. Elle devrait profiter du sillon ouvert par François Hollande. Mais malgré le soutien de Jean-Michel Baylet (PRG), le score du Président dans la région n’a pas été grandiose et l’opposition est très active. Est-ce à dire que notre ministère pourrait déjà changer de tête début juillet ? On arrive à la deuxième question : quelle place le gouvernement accorde-t-il au commerce alors qu’il s’agit de relancer la croissance ? Dans notre profession, on est quand même perplexe : comment doit-on interpréter ce qui pourrait être une nomination éphémère ? Quelle image a-t-on de nous au point qu’il nous faille attendre avant d’être sûrs d’avoir un ministre durable ? Et, disons-le aussi, quelle importance le gouvernement donne-t-il a son ministre du commerce ? Dans sa configuration actuelle, le ministère du commerce est, semble-t-il, sous tutelle de celui de l’industrie*. Sur le papier, cette cohabitation ne me gêne pas, surtout s’agissant de mettre en œuvre des partenariats pour conforter des processus de relocalisation, de ré-industrialisation, etc. C’est cohérent avec le rôle d’Arnaud Montebourg. Mais concrètement, ça laisse planer un doute sur la neutralité des pouvoirs publics, par exemple dans les négociations commerciales. Et même, sur la crédibilité de notre politique de concurrence. C’est en effet une des composantes de la schizophrénie des rapports industrie-commerce : les autorités administratives et indépendantes prônent la libre confrontation des entreprises pour maîtriser l’inflation tandis que les pouvoirs publics et la plupart des hommes politiques prônent de plus en plus ouvertement (et au mépris du droit) les ententes de filière pour protéger l’emploi et le tissu industriel. Difficile arbitrage ! Impossible arbitrage ? Bon courage à Sylvia Pinel ! * Sans compter que les entreprises du secteur de l’économie sociale et les coopératives auront leur propre ministre en la personne de Benoît Hamon.