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CPE : Sortir du blocage, vite !
Vue de l’étranger, l’agitation française ne fait même plus sourire. Quelles que soient les appréciations de nos partenaires chefs d’entreprise ou de nos interlocuteurs politiques, l’affaire du CPE révèle une France si caricaturale que même les journalistes de la perfide Albion n’ont jamais osé en brosser le trait. Rendons-nous compte : il y a seulement quelques mois, nous donnions des leçons aux autres Européens pour dénoncer l’absence de projet social…et revendiquer le nôtre : le modèle social français !!! Quelle prétention !
Le courage est une vertu. On veut bien en créditer Villepin. Mais combien de capitaines courageux ont, par orgueil ou par aveuglement, précipité leur vaisseau sur des récifs. Il a voulu passer en force, sans même pouvoir compter sur des alliés. Voilà qu’il donne un os à la gauche, toutes composantes réunies. S’il retire son projet, il fait perdre son camp. Et probablement aussi toute capacité de réforme du droit social d’ici 2008. S’il s’arc-boute, encore conviendrait-il qu’on puisse sereinement amender le projet, qu’on reste sur le terrain de l’emploi et qu’on évite la surenchère politique.
Ca n’en prend pas le chemin. Forts des points déjà marqués dans l’opinion, les syndicats pourraient tout à fait accepter d’amender le CPE. Mais l’occasion est trop bonne pour prendre la revanche du CNE, remotiver les troupes, et recruter chez les jeunes ! Ils réclament, comme les étudiants, le préalable du retrait du CPE. Mais à supposer qu’ils l’obtiennent, en quoi la donne sociale aura-t-elle concrètement avancé !
Il n’y a pas de proposition alternative. Pour s’en convaincre, il suffit de plonger dans les incontournables interviews des leaders syndicaux, politiques ou étudiants ! C’est vite fait. Que du bâclé !
La CGT parle vaseusement d’une « pré-scolarité financée par l’Etat pour les jeunes chômeurs sans qualification ». La CFDT plaide pour un « revenu d’autonomie ». Quant au PS, il n’a toujours pas tiré un trait sur la méthode Aubry. Voilà généreusement qu’il prône « une rémunération minimale garantie » pour nos jeunes, dans le cadre d’un processus d’insertion des plus flous !
Tout dans le traitement social ! Rien, malgré les contributions de DSK ou de Rocard, pour améliorer la fluidité du marché du travail ou revaloriser la politique contractuelle. Ah ! Ils peuvent tous se revendiquer du modèle danois ou de l’expérience de Tony Blair ! C’est bien pour l’image. Mais dès qu’il faut redevenir concret…coucou, les vieux démons !
Le comble, c’est l’attitude des présidents d’université.
Pétochards, incapables de faire respecter le droit dans leur propre université, voilà qu’ils s’avisent de donner des leçons !
Le CNE, comme le CPE, avait pour vocation d’œuvrer pour les jeunes non qualifiés, dont 40 % sont au chômage. Que viennent, ici, revendiquer les diplômés (Sciences Po en grève, quel luxe !) et les universitaires qui n’ont, par ailleurs, jamais manifesté la moindre solidarité à l’égard des filières d’apprentissage.
Et puis, surtout, comme le dit F.X. Pietri dans son éditorial de La Tribune, c’est quand même un comble de voir tout le haut de gamme de l’Education Nationale se joindre au mouvement de contestation, eux qui « avec l’éducation nationale tout entière, ont une large part de responsabilité dans le malaise (actuel). C’est d’abord parce que l’école, qu’elle soit primaire, secondaire ou supérieure, ne prépare pas les jeunes à leur entrée dans la vie active qu’ils butent à sa porte ».
Il serait temps qu’on arrête cette partie de poker menteur.
S’il s’agit de lutter contre le chômage, il faut savoir affronter les problèmes de manière pragmatique et sans tabou.
1) Le gouvernement ne peut pas dire être prêt au dialogue et, en même temps, se retrancher derrière la prétendue impossibilité « de remettre en cause un texte qui a été voté démocratiquement et souverainement par l’Assemblée Nationale ».
2) Le patronat doit parler franc : j’écoutais, samedi matin, sur RTL, Denis Gautier-Sauvagnac, Président de l’UIMM (MEDEF), interrogé par Jean-Michel Aphatie. Il disait en substance : « Il n’y a pas de précarité nouvelle, on ne pourra licencier à la tête du client, le droit du travail s’applique ». Mais quand le journaliste demande pourquoi alors on n’inscrit pas dans le contrat cette forme d’obligation qu’impose le droit général, DGS s’exclame : « Ah, non, ça enlèverait tout l’intérêt du CPE ! ».
J’ai beau être chef d’entreprise, militer pour la simplicité et la fluidité du droit du travail, cette réponse me choque. Elle jette le doute sur les intentions.
3) Le CPE peut être amendé. Comme l’ont dit plusieurs députés, rien n’empêche d’améliorer le dispositif. Même Monsieur Balladur propose qu’on précise les conditions de licenciement.
4) Il faut arrêter de faire du CPE un remède miracle. Il est probablement utile dans les PME ou pour faciliter l’embauche des jeunes les moins qualifiés. Mais un groupe comme le mien ne créera pas plus d’emplois avec le CPE. Denis Olivennes, PDG de la Fnac, qui répondait comme moi aux journalistes dans les stands du salon du livre, pense exactement la même chose.
Et puis le CPE ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. C’est par pure gloriole que Villepin en a fait une mesure emblématique de la lutte contre le chômage. Foutaise. On ne fera pas, même avec le CPE, l’économie d’un traitement de choc : baisse des charges, diminution du train de vie de l’Etat et du ponctionnement de la sphère privée vers la fonction publique, remise en cause du système éducatif, etc. Et ce serait sacrément irresponsable, de la part de l’opposition, que de sacrifier l’avenir de nos jeunes à ce rapport de forces qui ne produira rien de concret. (François Hollande est-il crédible quand il demande de différer l’application du CPE à 2007 ? Alors qu’on sera en pleine période électorale ?).
Les jeunes n’ont rien à gagner au pourrissement de la situation.
Sauf à rêver (ou à rechercher) un avancement du calendrier électoral, il est urgent de sortir des tranchées dans lesquelles chacun s’est enterré.
60 Commentaires
Christophe
----- Original Message -----
From:
Sent: Friday, March 31, 2006 10:30 PM
Subject: Tr: Appel des résistants à la Résistance!
UN APPEL DES RESISTANTS
Objet : La Résistance s'adresse à vous.
On peut aussi trouver une vidéo en ligne de cet appel.
http://www.alternatives-images.net/
CES IMAGES ONT ETE TOURNEES EN REACTION AU REFUS DE LA PUBLICATION DE CE TEXTE PAR LES MEDIAS DOMINANTS.
Vous pouvez diffuser ce lien sans modération.
L'APPEL DES RESISTANTS
Au moment où nous voyons remis en cause le socle des conquêtes sociales de la Libération, nous, vétérans des mouvements de Résistance et des forces combattantes de la France Libre(1940-1945), appelons les jeunes générations à faire vivre et retransmettre l'héritage de la Résistance et ses idéaux toujours actuels de démocratie économique, sociale et culturelle. Soixante ans plus tard, le nazisme est vaincu, grâce au sacrifice de nos frères et sours de la Résistance et des nations unies contre la barbarie fasciste. Mais cette menace n'a pas totalement disparu et notre colère contre l'injustice est toujours intacte.
Nous appelons, en conscience, à célébrer l'actualité de la Résistance, non pas au profit de causes partisanes ou instrumentalisées par un quelconque enjeu de pouvoir, mais pour proposer aux générations qui nous succéderont d'accomplir trois gestes humanistes et profondément politiques au sens vrai du terme, pour que la flamme de la Résistance ne s'éteigne jamais.
Nous appelons d'abord les éducateurs, les mouvements sociaux, les collectivités publiques, les créateurs, les citoyens, les exploités, les humiliés, à célébrer ensemble l'anniversaire du programme du Conseil national de la Résistance (C.N.R.) adopté dans la clandestinité le 15 mars 1944 : Sécurité sociale et retraites généralisées, contrôle des " féodalités économiques " , droit à la culture et à l'éducation pour tous, une presse délivrée de l'argent et de la corruption, des lois sociales ouvrières et agricoles, etc. Comment peut-il manquer aujourd'hui de l'argent pour maintenir et prolonger ces conquêtes sociales,alors que la production de richesses a considérablement augmenté depuis la Libération, période où l' Europe était ruinée ? Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature internationale des marchés financiers qui menace la paix et la démocratie.
Nous appelons ensuite les mouvements, partis, associations, institutions et syndicats héritiers de la Résistance à dépasser les enjeux sectoriels, et à se consacrer en priorité aux causes politiques des injustices et des conflits sociaux, et non plus seulement à leurs conséquences, à définir ensemble un nouveau "Programme de Résistance " pour notre siècle, sachant que le fascisme se nourrit toujours du racisme, de l'intolérance et de la guerre, qui eux-mêmes se nourrissent des injustices sociales.
Nous appelons enfin les enfants, les jeunes, les parents, les anciens et les grands-parents, les éducateurs, les autorités publiques, à une véritable insurrection pacifique contre les moyens de communication de masse qui ne proposent comme horizon pour notre jeunesse que la consommation marchande, le mépris des plus faibles et de la culture, l'amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous contre tous. Nous n'acceptons pas que les principaux médias soient désormais contrôlés par des intérêts privés, contrairement au programme du Conseil national de la Résistance et aux ordonnances sur la presse de 1944.
Plus que jamais, à ceux et celles qui feront le siècle qui commence, nous voulons dire avec notre affection : " Créer, c'est résister. Résister, c'est créer ".
Signataires :
Lucie Aubrac, Raymond Aubrac, Henri Bartoli, Daniel Cordier, Philippe Dechartre, Georges Guingouin, Stéphane Hessel, Maurice Kriegel-Valrimont, Lise London, Georges Séguy, Germaine Tillion, Jean-Pierre Vernant, Maurice Voutey.
Article 35. Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen 24 juin 1793
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Merci pour votre prise de position courageuse. A un certain moment, le débat sur le CPE avait du sens. Je continue à penser qu’en amendant ce texte, on pouvait en faire un projet de loi utile.
Mais, tout autant pour le gouvernement que pour les syndicats, le CPE est devenu l’emblème de la gestion d’un rapport de force. Même voté aujourd’hui, il sera connoté négativement. C’est pour ça que j’ai parlé de gâchis.
Merci pour vos encouragements.
Le 49-3 n’est pas antidémocratique. C’est une initiative de dernier recours, inscrite dans la constitution, et adoptée par tous les Français.
C’était une erreur que de l’employer à l’occasion du débat sur le CPE et le texte sur l’inégalité des chances. Après coup, on voit bien que tout le monde aurait gagné à la prolongation des débats, ne serait-ce que pour lever les ambiguïtés et vider les frustrations.
Le 49-3 pour le CPE, c’était une erreur tactique, mais ce n’est certainement pas un comportement fasciste ! Dans une dictature, il n’y a pas besoin de 49-3, ni de l’assentiment parlementaire, il ne faut pas l’oublier.
Même si je ne partage pas votre position sur le fond, votre présentation me semble tout à fait juste. Il y a rejet du CPE parce que le produit a été mal conçu ou présenté. Mais aussi, comme vous le dites, parce qu’il y a un rejet de la politique contractuelle. Dans toutes les démocraties, le contrat est une garantie. Il est opposable et plaidable. En France, tout le monde veut la garantie de l’Etat et ne pas avoir à plaider. Oui, il y a une certaine cohérence à rejeter la politique contractuelle et à diaboliser le libéralisme...
En revanche, si je vous rejoins sur l’absence de solidarité, on ne peut pas nier la précarité. Quand 10 % de la population française vit entre le seuil de pauvreté et le SMIC, il y a une sacrée difficulté à être optimiste.
Ce n’est pas la bonne rubrique, mais causons quand même. Je suis d’accord avec vous pour dire qu’une des principales conditions du libre accès musical à internet, c’est que les artistes puissent choisir parmi plusieurs distributeurs. Cela me paraît essentiel. Et puisque vous admettez ce choix, comprenez que les artistes soient aussi en droit de choisir d’être distribués gratuitement ou chèrement, comme tout producteur, comme tout artiste.
Oui, vous avez raison, la loi qui a été votée ne nous donne pas une visibilité totale pour lancer notre site musical. Mais rendez-vous quand même au 2ème semestre.
Il est important de se pencher en amont sur les problèmes de société plutôt que de continuer à combattre les incendies allumés par les débats trop longtemps repoussés.
La crise sur le CPE que nous venons de traverser en est un excellent exemple tant la méthode employée d’une part et l’obstination sous influence d’autre part montrent notre peur et incapacité à nous asseoir et réfléchir comme cela ce passe dans les entreprises.
Vous êtes sensible à bien des sujets de société et j’adhère parfaitement à l’idée que vous semblez soutenir que nous sommes tous acteurs de notre vie, de notre société. La solution vient de nous, de nos mains, de nos idées et de notre capacité d’entreprendre. Nous devons cesser d’attendre que la « main divine gouvernementale » prenne les décisions dont nous rêvons tout en sachant qu’elle ne peut satisfaire toutes les sensibilités, comme si nous n’attendions l’action gouvernementale (quelle qu’en soit la couleur politique) que pour le simple fait de critiquer, se plaindre et descendre dans la rue.
En cela, la société américaine malgré tous les défauts et son manque de solidarité sociale est bien mieux armée que nous et ce depuis son 3è président Jefferson, qui a exhorté ses citoyens à produire leur avenir.
Mr Leclerc, à la suite de ce message je vous fais parvenir un courrier à l’ACDLec afin de continuer ma réflexion et attirer votre attention sur un fait de société qui entre parfaitement dans votre action et vos compétences.
Cordialement.
Désolé, vous qui portez un nom aussi prestigieux, et qu’on a envie d’écouter…je n’ai aucun moyen de valider les chiffres des manifestants, pas plus que les statistiques officielles. Mais d’accord avec votre conclusion. Après tout ce battage médiatique, l’enterrement ou la survie du CPE ne révolutionnera de toute façon pas le marché de l’emploi. A votre santé !
Il ne faut pas désespérer. C’est, comme le dit l’économiste, Jacques Marseille, quand elle touche le fond que la France connaît des mouvements de sursaut. Finalement, depuis une semaine ou deux, syndicats et partis de l’opposition, tout comme l’UMP, sont en train d’échafauder des propositions concrètes sur l’emploi...comme jamais ils n’en ont formulées. Comme quoi, de la crise peuvent aussi sortir certains éléments de consensus.
Ca c’est une très bonne suggestion. Je me déplace beaucoup et, vous l’avez bien compris, difficile d’être à poste et de réagir en temps réel. En revanche, prendre des rendez-vous à date fixe et chatter : voilà qui est une bonne idée.
Concernant votre commentaire sur le contrat unique, je reconnais les quelques avantages du CPE. Le retrait du texte ne résoudra évidemment pas le problème.